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Les positions d'Éric Zemmour divisent ses partisans sur la toile.
Les positions d'Éric Zemmour divisent ses partisans sur la toile.
Alexis Sciard / IP3 PRESS/MAXPPP

Ministère de la Remigration : la surenchère de Zemmour divise même ses partisans

Dernière ligne droite

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La promesse d'un « ministère de la Remigration » formulée par Éric Zemmour a provoqué de vives réactions parmi ses soutiens sur Internet. Comme un écho à la tournure de sa campagne depuis plusieurs semaines, alors que les sondages le donnent loin de Marine Le Pen.

Sur une musique épique, ambiance Pirates des Caraïbes, Éric Zemmour dévoile sa proposition à ses supporters du web. « Je créerai un ministère de la Remigration ! », écrit-il en en-tête. Objectif : expulser les « clandestins », « délinquants », « criminels », « fichés S », « tous les gens dont on ne veut plus », afin d'attendre le million d'expulsions à la fin du quinquennat.

Sur le web, les réactions fusent, notamment dans le camp du candidat. Les plus fervents des zemmouristes partagent en masse une vidéo mettant en scène l'arrestation de sans papiers, plaqués au sol, mis de force dans un avion Air Algérie, lequel s'envole sous les applaudissements et les hourras, sur fond de Samba de Janeiro. Le montage a depuis été supprimé du compte émetteur mais circule encore sur le réseau social.

Vidéo également présente sur le compte Telegram de Damien Rieu, militant identitaire ancien soutien de Marine Le Pen ayant rejoint depuis janvier les rangs de Reconquête !. Toujours en rapport avec la proposition d'Éric Zemmour, le même Rieu appelle à « faire exploser le hashtag Remigration sur Twitter », cette fois en ponctuant le tout de fusées qui décollent.

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Mais l'imagination de la « zemmoursphère » ne s'arrête pas là. Le compte Zemwave, fondé par des militants en août 2021 et dédié à la « boutique swag et fun en hommage à votre candidat préféré », a imaginé de nouveaux vêtements en hommage au maroquin imaginé par Zemmour : des sweat-shirts à capuche et polos, ornés d'un logo où trois avions sont surmontés de l'inscription « ministère de la Remigration ».

Partisans déçus

Si ses positions, toujours plus radicales en matière d'immigration, semblent galvaniser les plus engagés des soutiens de l'ancien journaliste, d'autres commencent toutefois à douter. Une internaute adepte du « Z » note ainsi : « Un ministère de la Remigration est un pur effet d'annonce et sera parfaitement inutile. […] Le ministère de l'Intérieur existe déjà pour ça. » « Je ne vois pas l'intérêt de créer un ministère de la remigration, si ce n'est de vouloir parler aux plus radicaux d'entre nous. À l'heure où il faut parler aux hésitants, ça me semble une grossière erreur », commente un autre.

« Je soutenais le Éric Zemmour qui pensait qu'on pouvait être français quelle que soit sa race ou sa religion à condition de s'assimiler. Le Zemmour qui reprend le concept racial et ethnique de remigration n'aura pas ma voix », assène un dernier. Même Érik Tegnér, proche de Marion Maréchal et rédacteur en chef du média Livre Noir, qualifie de « belle connerie » l'idée de l'ancien polémiste.

Les critiques de la part de soutiens du candidat affleurent notamment depuis le débat face à Valérie Pécresse, le 10 mars, où la prestation d'Éric Zemmour a désappointé nombre de ses partisans. Dans des « Spaces Twitter » (conversations audio ouvertes à tous, très prisées par les politiques et journalistes), certains d'entre eux ont publiquement exprimé leur déception. Pour le plus grand bonheur des précressites, dont le compte de soutien Pécresse 2022 a partagé des extraits choisis.

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« J'ai eu un moment de déprime grave », déclare l'un des internautes. « Franchement, c'était un carnage ce truc », renchérit un autre. « J'étais avec des gens devant le débat, on était déçus, tu ne peux pas imaginer à quel point », répond un dernier. Une journaliste de L'Express, présente dans le « space », rapporte même que le vice-président de Reconquête ! Guillaume Peltier, le président de Génération Z Stanislas Rigault et le responsable de la stratégie numérique Samuel Lafont, ont été mandatés pour remonter le moral des troupes.

Pour Samuel Lafont, sollicité par Marianne, les doutes évoqués par ces partisans relèvent de l’épiphénomène : « La réalité, c’est qu’on a 40 000 inscrits pour le meeting du Trocadéro dimanche, que nous avons les militants les plus mobilisés de tous, un maillage territorial plus précis que nos concurrents et que nous sommes les meilleurs sur internet. » Tout roule, donc.

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Effectivement présent lors de ce « space » cité par L’Express, le directeur de la stratégie numérique relativise sa participation, affirmant « intervenir à chaque fois » qu’un espace est animé. Quant à savoir si le montage jugé limite a été retiré à dessein de Twitter, il répond par l’évidence : « Personne n’est maître d’internet. »

La patte des récents ralliés

Les sceptiques pointent, eux, la responsabilité de Damien Rieu dans l'échec de leur champion lors du débat. Dans les enregistrements diffusés par l'équipe Pécresse, un des intervenants – pour qui « les choses se sont mal passées » pendant le débat – commente notamment : « Les attaques sur l'islamo-droitisme, c'était comme si Damien Rieu avait dit à Éric Zemmour "tu dis ça, ça, ça". C'est ça qui m'avait énervé [pendant la confrontation]. » Début février, nous racontions dans nos colonnes comment Éric Zemmour et Valérie Pécresse s'écharpaient sur les réseaux au sujet de l'islamisme. Damien Rieu était alors soupçonné d'être à l'origine des premières publications taxant l'impétrante LR d'« islamo-droitisme ».

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Cofondateur et ancien porte-parole du mouvement Génération identitaire – dissous en Conseil des ministres en mars 2021 –, ce Lyonnais de 33 ans, habité par le combat civilisationnel, a aussi été mis en cause par des huiles de Reconquête !. Lesquelles l'ont désigné auprès de L'Express comme l'artisan de la proposition de ministère de la Remigration d'Éric Zemmour : « Il a pris la main sur la campagne, c'est d'ailleurs lui qui a rédigé les fiches d'Éric Zemmour pour son débat avec Valérie Pécresse, on a vu le résultat », cinglait un membre de l'équipe de campagne.

Les informations de Marianne diffèrent cependant. Des caciques du parti modèrent non seulement l'implication de Damien Rieu dans la campagne – qui ne serait pas présent aux réunions les plus stratégiques et serait véritablement cantonné à l'aspect numérique –, mais imputent également l'idée de ce portefeuille ministériel à deux autres récents soutiens d'Éric Zemmour : l'ancien vice-président Les Républicains, Guillaume Peltier, et l'ancien porte-parole de Marine Le Pen, Nicolas Bay. Tous deux issus d'une paroisse non moins radicale puisqu'ils ont fondé, en 1996, le mouvement catholique conservateur « Jeunesse Action Chrétienté ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne