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Christian Jacob au siège de LR le 11 avril 2022
Christian Jacob au siège de LR le 11 avril 2022
AFP / Alain Jocard

Présidentielle : avant le second tour Macron-Le Pen, le nouveau "ni-ni" de LR

Coucou j'existe

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Afin de sauver les meubles aux législatives sans trop s’écharper, les cadors des Républicains ont cogité pour trouver une formule leur permettant à la fois d’afficher leur opposition à Macron tout en rejetant Le Pen.

Comment dire la même chose qu’en 2017, sans dire la même chose ? Tel était le dilemme des Républicains ce lundi matin, au lendemain de la catastrophe électorale du premier tour de la présidentielle. Souffrant tous d’une solide gueule de bois, les caciques de LR se sont réunis au siège du parti pour s’hydrater… et parler de la prochaine étape. À savoir, le second tour, cas de figure identique à celui de 2017, mais où les rapports de force ne sont plus du tout les mêmes. « À 4,8 %, tout le monde s’en fout de ce qu’on va dire. Faut juste éviter que ce soit délétère, vu le climat », glisse un élu en arrivant rue de Vaugirard.

Au menu, d’abord un conseil stratégique, l’une des plus hautes instances de LR, qui réunit une quinzaine de chapeaux à plume, suivi d’un bureau politique, cénacle incluant plus de 80 personnes. L’objectif de tout ce beau monde : trouver un positionnement qui ne démolisse pas le peu d’unité qu’il reste à la droite, confrontée au spectre de sa propre disparition en cas de déroute aux élections législatives de juin. « L’enjeu est philosophique, il n’est pas politique. Le débat aurait été beaucoup plus âpre avec une Pécresse à 12 ou 13 %, estime Nicolas Florian, proche de la candidate déchue. Il faut qu’on se projette sur cinq ans. L’enjeu, pour nous, c’est la reconstruction de fond en comble. »

« Diversité »

Reste à savoir sur quelle ligne idéologique. Pour l’instant, ce sujet est mis au placard. Au conseil stratégique, Laurent Wauquiez prend la main en proposant un nouveau « ni-ni » pour le 24 avril. « Personne n’appelle à voter pour Marine Le Pen ; certains pour Macron ; d’autres ne choisissent pas. Il faut absolument respecter cette diversité », a affirmé, en substance, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. « Nous nous tournons surtout vers les législatives avec un projet qui n’est soluble ni dans l’extrémisme, ni dans le macronisme. » Grosso modo, il faut dégager une ligne qui évite de mettre en péril les députés sortants et les candidats investis dans les rares circonscriptions qui paraissent aujourd’hui gagnables pour LR.

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Cela aboutira à un communiqué avec la formule suivante : « Notre famille politique a toujours été et reste un adversaire déterminé du Rassemblement national. Aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen. Son projet politique et économique nous conduirait au chaos. Les Républicains ne sont ni fongibles dans le macronisme, ni dans le lepénisme. » Et rien d'autre. Le plus petit dénominateur commun des compromis.

C'est bien pour cette raison-là qu'il plaît... La majorité des personnes présentes le matin est séduite par le phrasé de Wauquiez, qui diverge subtilement de la position de LR en 2017, après l’élimination de François Fillon. À l’époque, les ténors du parti s’étaient mis d’accord pour dire que « face au FN, l'abstention ne [pouvait] être un choix ». « Nous appelons à voter contre Marine Le Pen pour la faire battre au second tour de l'élection présidentielle », déclaraient-ils. Une position qui se voulait plus chiraquienne, disons.

Circonvolutions

Cinq ans plus tard, il a fallu faire quelques circonvolutions de plus. En conseil stratégique, Jean-François Copé a réitéré la proposition qu’il avait formulée la veille à la télévision : celle d’un « pacte gouvernemental » avec Macron. Autant dire qu’elle a trouvé peu d’écho. Tout le monde finit par accepter le compromis, qui consiste à laisser la liberté de vote à chacun tout en adoptant une posture anti-RN. Sauf deux, qui se sont abstenus : le député Guillaume Larrivé, qui entend appeler à voter Macron, et son collègue Éric Ciotti, le plus maximaliste des opposants LR au chef de l’État. L’ambiance est « tendue, mais aimablement », nous résume un participant.

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Dans la foulée, d’autres élus et dirigeants du parti rejoignent le chaudron. En avant pour le bureau politique, qui doit approuver le compromis voté en conseil stratégique. La réunion s’éternise, beaucoup de participants veulent prendre la parole. Chacun sait que les consignes de vote ne valent plus un clou, mais que les positions des uns et des autres risquent de jouer sur leur avenir politique. Jean-François Copé ne tente pas à nouveau le coup du « pacte gouvernemental », même si l’idée séduit des parlementaires comme Virginie Duby-Muller. La plupart des LR la jugent mortifère.

Indifférence

In fine, on sauve la vaisselle. Au bureau politique, seulement 13 abstentions et un vote contre (celui de Larrivé, encore). « Le Macron d’aujourd’hui n’est pas le Macron d’il y a cinq ans. Il y avait une énorme part d’inconnue », justifie le maire d’Antibes, Jean Leonetti, auprès de Marianne. « On pouvait se dire, “peut-être que cet homme va gérer le pays, apporter des éléments positifs”. Notre constat, c’est qu’il a échoué. Aujourd’hui, dire à nos électeurs de voter Macron, ça paraît beaucoup plus compliqué. »

Le président de LR, Christian Jacob, votera à titre personnel pour le président sortant. « Ni une caution pour son bilan, ni une adhésion à son projet », a-t-il défendu lors de son point presse. « La diversité de notre famille politique existe, on l’assume », a ajouté le député de Seine-et-Marne. Dans l’après-midi, les groupes LR de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont également réunis. Chacun exprime son vote, dans une forme d’indifférence générale. Sans doute le seul avantage dont dispose la droite pour éventuellement limiter la casse aux législatives.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne