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Un agriculteur, jeune papa de 35 ans, mis en cause dans une information judiciaire pour « meurtre » alors qu'il défendait son domicile et sa famille… Il n'en fallait pas plus pour que les équipes d'Éric Zemmour tentent d'en faire un symbole.
Un agriculteur, jeune papa de 35 ans, mis en cause dans une information judiciaire pour « meurtre » alors qu'il défendait son domicile et sa famille… Il n'en fallait pas plus pour que les équipes d'Éric Zemmour tentent d'en faire un symbole.
AFP

Un agriculteur tue un cambrioleur, Éric Zemmour récupère l'affaire

Feu de tout bois

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Le mouvement d'Éric Zemmour « Reconquête ! » a lancé une pétition pour soutenir un jeune agriculteur qui a tué involontairement un cambrioleur qui s'était introduit chez lui. Sur place, l'avocate du mis en cause regrette cette récupération et fait confiance à la justice pour reconnaître la légitime défense.

Le candidat à la présidentielle Éric Zemmour vantait le mois dernier les mérites de la défense excusable, ce système de légitime défense inspiré du modèle suisse. C'est donc tout naturellement que les équipes de Reconquête !, le parti de l'ex-polémiste, se sont jetées sur le cas d'un jeune agriculteur qui a tué involontairement un cambrioleur la semaine dernière dans le sud-ouest de la France. Quitte à ce que l'avocate du jeune prévenu soit la première à déplorer cette récupération politique… Petit retour sur les faits.

Longré, vendredi 24 mars à 23 heures. Un agriculteur de 35 ans, installé dans ce village de Charente-Maritime, vient de coucher sa fille de trois ans avec qui il vit seul. Alors qu'il est lui-même au lit, au premier étage de la maison, il entend des coups portés contre la porte d'entrée, au rez-de-chaussée, mais décide de ne pas aller ouvrir. Un peu plus tard, les coups se répètent, plus forts, contre la porte arrière de la maison.

« Les coups étaient insistants, comme si on essayait de casser le coin de la porte », raconte à Marianne son avocate, Marianne Atrous-Lemouellic. L'homme saisit alors sa carabine. « Mon client est descendu au rez-de-chaussée, il est passé par la porte d'entrée côté rue et a tiré un coup de feu en l'air. Puis il est remonté, il est allé voir dans la chambre de sa fille qui dormait toujours. Il a rechargé l'arme, est redescendu. Il a visé la porte d'entrée, ne pensait même pas les toucher. » Le jeune père de famille a pourtant bel et bien atteint quelqu'un. S'ensuivent des cris, quatre silhouettes quittent la maison en trombe et une voiture démarre à toute vitesse.

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À son bord, les quatre cambrioleurs, dont l'un est gravement blessé. L'équipée se rend à l'hôpital de Ruffec, à 20 kilomètres, et le complice est déposé devant l'entrée des urgences. Les trois autres malfaiteurs prennent la fuite avant que les soignants ne découvrent l'homme qui « présente des plaies par balle », précise la substitut du procureur Aude de Vallée* à La Charente Libre qui a révélé l'affaire. Les urgentistes tentent de réanimer le cambrioleur blessé, sans succès.

Zemmour en embuscade

Les enquêteurs de la brigade de recherche de Confolens placent alors l’homme de 35 ans auteur des coups de feu en garde à vue. Il dit s'être senti menacé et affirme avoir agi en état de légitime défense. « Il a eu peur pour sa petite. Aujourd'hui, il est bouleversé par ce qui s'est passé », assure son avocate. Le 28 mars, il est déféré devant le parquet d'Angoulême. Une information judiciaire pour « meurtre » est ouverte et le mis en cause placé sous contrôle judiciaire mais laissé libre. Il a interdiction de paraître à son domicile et sa maison est placée sous scellés, le temps de l'enquête. Si l'instruction le démontre, les faits pourraient être requalifiés notamment en « violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner », précise la substitut du procureur à La Charente Libre.

Il n'en fallait pas plus pour que les équipes d'Éric Zemmour tentent d'en faire un symbole : deux pétitions ont été mises en ligne pour le soutenir et vanter l'intérêt urgent d'une des propositions d'Éric Zemmour, la « défense excusable ». Cette promesse de campagne est inspirée du modèle suisse. Le juge helvète a la possibilité d'atténuer la peine même lorsque l’auteur a dépassé les limites de la légitime défense. Surtout si ce dépassement « provient d’un état excusable d’excitation ou de saisisse­ment causé par l’attaque ».

Sur les réseaux sociaux, le directeur de la stratégie numérique d'Éric Zemmour, Samuel Lafont, multiplie les messages appelant à signer les pétitions : « Vous en avez assez de l'insécurité ? Votez Éric Zemmour » ou encore « La Justice doit sanctionner les criminels, pas les victimes ! Signez et partagez ». En 24 heures, une soixantaine de messages publiée par Samuel Lafont font directement référence à ce fait divers.

Récupération « opportuniste »

Une récupération à laquelle s'oppose « farouchement » l'avocate du mis en cause. « L'opportunisme des politiques, on connaît ! Avant Zemmour, c'était Sarkozy qui s'emparait du moindre fait divers. Je trouve ça très regrettable », confie-t-elle à Marianne. D'autant que, pour l'avocate, il est encore trop tôt pour crier à l'erreur judiciaire. « Mon client coche toutes les cases de la légitime défense telle que disposée par l'article L122-6 du Code pénal » – soit l'article instaurant une présomption de légitime défense pour toute personne accomplissant un acte visant à repousser « de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse, dans un lieu habité » ou « pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence ».

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Une situation qui pourrait correspondre à celle de l'agriculteur mis en cause. « Je crois d'ailleurs que c'est confirmé par les premières décisions prises par le procureur de la République, poursuit l'avocate auprès de Marianne. Mon client a été libéré dès qu'il a été entendu. Il y a eu un transport sur les lieux pour que chacun puisse se rendre compte de la façon dont ça s'est passé. Si le parquet ne croyait pas à sa version, il aurait été incarcéré. »

*Contacté par Marianne le parquet d'Angoulême n'était pas disponible.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne