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Publiés ce lundi 28 mars, les clips de campagne lancent la dernière ligne droite pour l'élection présidentielle, deux semaines avant le premier tour.
Publiés ce lundi 28 mars, les clips de campagne lancent la dernière ligne droite pour l'élection présidentielle, deux semaines avant le premier tour.
AFP

Cyniques, fauchés, lourdauds : on vous décrypte les clips de campagne de la présidentielle

Hollywood

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Sur la corde de l'émotion, offensif ou concret… Les candidats à l'élection présidentielle ont dévoilé leurs clips de campagne hier, lundi 28 mars. Mais rare sont ceux qui s'en sortent bien.

La faute à un calendrier mal organisé, les clips de campagne pour la présidentielle n'ont pas pu concourir aux Oscars du cinéma. Et c'est bien dommage, car certaines équipes de campagnes ont mis le paquet pour produire des vidéos aux registres émouvants ou épiques. Publiés ce lundi 28 mars, ces films promotionnels lancent la dernière ligne droite pour l'élection présidentielle, deux semaines avant le premier tour. Marianne les a passés au crible.

Jean Lassalle, le candidat Rozana

Gazouillis d’oiseaux, sons de clocher, paysage vallonné, Jean Lassalle entame son clip de campagne, tout sourire, dans un cadre cliché. Une mise en scène quasi parodique à laquelle il met fin au bout de quelques secondes, pour s'adresser de manière « authentique » aux Français. Sur fond vert, Jean Lassalle affirme vouloir « redonner la confiance aux citoyens ».

La proposition : reconstruire les services publics, plus particulièrement les hôpitaux et les écoles.

La phrase choc : « Enlevez-moi ces artifices, ces faux-semblants… Je veux une campagne authentique, une campagne vraie »

Notre avis : S'il arrête la politique, Jean Lassalle pourra se reconvertir comme publicitaire pour de l'eau minérale.

Nicolas Dupont-Aignan, les yeux dans les yeux

Une petite mélodie au piano accompagne la marche dominicale de Nicolas-Dupont Aignan. Le candidat de Debout la France s'adresse face caméra aux citoyens et développe ses thèmes de campagne : la souveraineté de la France face à l'OTAN et l'Europe, la liberté face au Covid et au passe vaccinal, le soutien aux petits revenus et la lutte contre les fraudes…

La proposition : un 13e mois pour tous.

La phrase choc : « Vous avez en main votre avenir, alors choisissez la liberté »

Notre avis : Parfois la simplicité vaut mieux qu'un montage trop ambitieux. Nicolas Dupont-Aignan le sait et se débrouille bien dans le jeu « yeux dans les yeux ». Mais à annoncer toutes ses mesures une à une, son discours s'approche de la liste de courses.

Valérie Pécresse, égérie des banques d'images

La candidate Les Républicains apparaît sur un fond bleu uni, dans un clip assez classique. Ses quelques interventions sont coupées par des clips censés illustrer ses revendications et la montrer en action : forces de police devant la tour Eiffel, images d’usine textile, d'élevage de vaches…

La proposition : appliquer l'impunité zéro.

La phrase choc : « Pour relever du défi, il faut du courage, ce courage de faire je l’ai. »

Notre avis : L'équipe de campagne Les Républicains a constaté les faiblesses de sa candidate, en meeting ou en plateau télé. Elle a voulu assurer le coup en insérant près d’une dizaine d’images prétextes obtenues dans des banques d'images. Pas de chance, certaines d’entre elles, comme la séquence dans le café, ne sont même pas tournées en France, ainsi que le révèle l'émission « Quotidien ». Un clip sponsorisé par shutterstock.

Jean-Luc Mélenchon bientôt dans les salles

Des images de spectateurs de tous les âges et de toutes les couleurs dans une salle de cinéma s’enchaînent, accompagnés par une voix féminine. L’équipe de Jean-Luc Mélenchon propose un premier clip axé uniquement sur la culture, présenté comme un moteur pour unir tous les citoyens. C'est le premier volet d'une série de vidéos promotionnelles pour chaque pan du programme des insoumis. Ces clips sont complétés par une présentation plus longue de Jean-Luc Mélenchon et son histoire dans un bureau luxueux.

La proposition : Avec 1 % du PIB, doubler le portefeuille attribué aux arts et à la culture

La phrase choc : « Choisissons quelque chose de nous-même, quelque chose qui nous met ensemble. »

Notre avis : Est-ce un clip de Jean-Luc Mélenchon ou une campagne du service public pour inciter les spectateurs à retourner au cinéma ? En tout cas on ne peut pas reprocher à ce clip de défendre la diversité : même les personnes aux cheveux bleus ont leur représentant.

Marine Le Pen, la petite mère des peuples

« Nous sommes à un tournant de notre histoire », lance la députée du Rassemblement national sur un fond musical au rythme épique. On suit le parcours d’une Marine Le Pen à la rencontre des citoyens, des agriculteurs, des policiers, des gardes-frontières… La candidate annonce vouloir réduire les impôts et assurer un système de santé efficace. Vous avez dit contradictoire ?

La proposition : « Arrêter l'immigration ruineuse. Cette submersion qui fait que dans bien des endroits nous ne reconnaissons plus nos quartiers. »

La phrase choc : « Chacun d'entre vous dispose d'un vote aussi puissant que celui du président. »

Notre avis : Il semblerait que l'équipe de Marine Le Pen ait mis un peu plus de moyens que les autres pour réaliser ce clip. Proche des enfants, des animaux (pas des chats, cette fois mais ce sera peut-être pour la version longue), elle pourrait postuler à « l'Amour est dans le pré » si l'on écoutait pas la bande sonore.

Quand Nathalie Arthaud sourit

Ambiance discussion autour d'un café, avec Nathalie Arthaud, sans musique, sans réel artifice, qui justifie sa présence dans cette élection. Seul détail qui peut faire tiquer, les figurants en arrière-plan ne bougent pas d'un iota, comme des mannequins de magasins de vêtements. Prix du pétrole, prix du gaz, guerre en Ukraine, les thèmes chauds de l'actualité sont mis sur le tapis. La caméra accompagne ensuite Nathalie Arthaud hors du café pour nous emmener marcher à la frontière entre le 19e arrondissement de Paris et Pantin (Seine-Saint-Denis). Et c'est le moment choisi par la candidate pour marteler son combat : « prendre aux plus riches pour redonner aux plus pauvres ».

La proposition : prendre sur les dividendes pour créer les emplois.

La phrase choc : « Des salariés des retraités des jeunes peines à se loger à se nourrir, à l'autre pôle les plus riches dépensent des millions pour se balader dans l'espace. »

Notre avis : Quitte à adopter un ton apaisé, on aurait préféré une balade plus bucolique que la marche le long du tram et des chemins de Pantin. Et surtout, on aurait pu éviter ce dernier plan fixe interminable sur le sourire de Nathalie Arthaud…Mais l'occasion est peut-être si rare qu'il fallait en profiter.

Éric Zemmour, on ne vous dit pas tout

Gros plan sur un œil, image d’un satellite dans l’espace, d’un public qui applaudit en cadence et formes sombres de grands manipulateurs. Le clip d’Éric Zemmour a définitivement des airs de film complotiste. « Vous avez raison de ne plus les croire », assène l’ancien polémiste, apparaissant enfin face à la caméra. Quelques annonces se succèdent, sur des images du candidat en campagne, visant à lutter contre « le grand remplacement de la France et le grand appauvrissement des Français ».

La proposition : Taxer moins pour gagner plus.

La phrase choc : « Je ne suis pas un politicien professionnel, je ne suis pas un technocrate, je ne suis pas un idéologue. »

Notre avis : Si vous avez aimé le documentaire Hold Up, vous pourrez vous laisser tenter.

Jadot, sa vie, son œuvre

Le clip de Yannick Jadot débute par une scène où le candidat marche dans les prairies de Laonnois au petit matin, soulève une branche d’arbre pour se frayer un chemin, et redécouvre avec émerveillement et tristesse l’école communale de son enfance, fermée depuis. L’occasion de rappeler l’importance des services publics. Petite ellipse temporelle et on retrouve l’écologiste à Paris Dauphine, nostalgique de ses années universitaires et des bons amis qu’il a pu se faire. Tout ce cheminement permet « la construction de son cheminement écologique », affirme-t-il le regard tourné vers l’horizon… Un horizon découpé par les pales des éoliennes, au cas où vous n’auriez pas compris que c’était le clip du candidat écolo.

La phrase choc : « L’usine a fermé, l’école a fermé. On va redonner une perspective à nos profs et à nos enfants. Il faut juste avoir la volonté politique. »

Notre avis : en voulant jouer sur l’émotion et la sincérité, ce mini-film biographique de Yannick Jadot frise à certains moments le ridicule. Est-ce la musique lancinante qui accompagne le clip, cette mélodie clichée qui berce chaque mauvais téléfilm de l’après-midi lorsque le personnage principal retourne dans sa campagne natale, qui rend ce film parfois risible ? Est-ce dû aux yeux écarquillés de Yannick Jadot devant son école abandonnée ou le bâtiment en béton de l’université ? Ou est-ce à cause des bonnes intentions qui dégoulinent de la vidéo et des commentaires de Yannick Jadot ? Certainement un mélange des trois…

Fabien Roussel, fier de ses punchlines

L’enchaînement de clips de Fabien Roussel en campagne est rapide, la musique dynamique. Et à la manière de Brut, chaque mot que scande le candidat communiste est inscrit en gros sur le clip, pour être sûr de ne pas perdre une miette des « punchlines » de Fabien Roussel. Car comme dans ses meetings, le candidat les enchaîne. Au point que certains slogans de campagne comme la théorie du « Roussellement » s’intègrent en plein milieu de la vidéo. Dans un second temps, Fabien Roussel face caméra appelle à faire un choix, celui de « la France des jours heureux », et défend « des bons salaires, des bonnes retraites », « une république sociale, laïque ».

La phrase choc : « Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, alors on saura que l’argent ne se mange pas. »

Notre avis : Plus écolo qu'on ne le pensait, Fabien Roussel est adepte du recyclage, surtout s'il concerne ses propres punchlines. Il nous ressort ainsi la formule de la station-service, « le seul endroit au monde où c’est celui qui tient le pistolet qui se fait braquer ». Percutant mais un peu redondant.

Anne Hidalgo, sous vos applaudissements

La candidate du PS a choisi de mettre en scène un de ses meetings, sur une mélodie puissante. Ses phrases sont illustrées par des images de manifestations et de rassemblements dans les rues, puis chacune de ses propositions par des images d’Anne Hidalgo en campagne, aux côtés des soignants, dans une usine… La candidate veut s’inspirer des victoires passées du PS et notamment de celle de François Mitterrand, dont on voit le visage apparaître à l’écran. La preuve que François Hollande n’est plus une figure mise en avant par le parti. Et pourtant, le slogan de fin de clip « Ensemble changeons l’avenir », rappelle inévitablement « le changement c’est maintenant ».

La phrase choc : « Reconstruire l’hôpital, où les gens passent avant l’argent »

Notre avis : La musique ne fait pas tout. La voix cassée d’Anne Hidalgo s’accorde mal à la mélodie qui veut insuffler un élan épique à sa campagne. Les slogans sonnent creux, les discours plats, à tel point que l'équipe ajoute des applaudissements pour donner du rythme et valider ses propos. Pas sûr que le parti l'acclame autant après le premier tour…

Philippe Poutou, service minimum

Philippe Poutou a moins de moyens que la plupart des autres candidats pour faire campagne, mais il fait avec. Petit traveling sur lui et ses militants au regard déterminé, puis enchaînement de plans de manifestations. Le tout avec un commentaire de Philippe Poutou qui présente ses raisons de se présenter : « on est là dans cette élection, pour dire qu’on en a assez », résume-t-il.

La phrase choc : « On est dans cette élection même si on n’avait pas reçu le carton d’invitation »

Notre avis : simple, voire un peu pauvre, le clip de Philippe Poutou fait passer son message et c’est là l’essentiel. C'est un peu comme sa quête des parrainages : c'est fait sur le fil, ric-rac mais au moins on évite ses mises en scène ridicules de 2017.

Emmanuel Macron, le cynique

Le clip commence par la présentation de quatre personnes : Lona, Armand, Pierre et Nathalie. Ils sont professeur des écoles, viticulteur, éleveur ovin ou encore infirmière et ils représentent les métiers qui ont connu ou affronté la crise pandémique. Les images présentent leur quotidien, pendant que chacun raconte ses espoirs et sa fierté pour la France et le « made in France ». Emmanuel Macron se sert ensuite de ces quatre exemples pour soutenir son projet de transformation pour les cinq prochaines années : continuer de bâtir une France et une Europe plus forte.

La phrase choc : « J’ai toujours cherché à faire ce que je vous avais dit et à vous dire ce que je comptais faire. »

Notre avis : Mettre en avant les professions qu’il a malmenées pendant tout son mandat, c'en est presque cynique. Le clip fonctionne bien, certes, mais si on compare les promesses que fait le président aux réformes qu'il a mené ces cinq dernières années, on s'aperçoit que les clips de campagne c'est juste une image. Et non une image juste, comme dirait Jean-Luc Godard.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne