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Manuel fait valser les territoires

Manuel fait valser les territoires

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Le point le plus positif du discours de politique général du Premier ministre a été consacré à la réforme des collectivités locales. Une annonce sur le fond, qui a aussi des avantages sur la forme.

Le Premier ministre a peu de temps devant lui : des trois années restantes du quinquennat de François Hollande, il ne pourra utiliser au mieux que 24 mois pour faire passer des textes importants, et encore devra-t-il tenir compte des échéances sénatoriales (à l’automne 2014), puis régionales et départementales (en 2015).
Il n’a plus d’argent, puisque toutes les marges budgétaires sont consacrées au pacte de responsabilité : plus de 37 milliards d’euros pour les entreprises et cinq autres, seulement, pour les revenus des salariés.
Aussi, Manuel Valls a choisi seul la voie possible pour donner à la France une réforme d’ampleur : celle des collectivités locales. Pour le coup, le locataire de Matignon a démontré une véritable résolution politique en annonçant la couleur d’un bouleversement profond du « mille-feuilles administratif » :

« Je propose quatre changements majeurs susceptibles de dépasser les clivages partisans :
Le premier concerne nos régions. Il s’inspire du rapport des Sénateurs Yves Krattinger et Jean-Pierre Raffarin. Nos régions doivent disposer d’une taille critique. Ainsi elles auront tous les leviers, toutes les compétences, pour accompagner la croissance des entreprises et encourager les initiatives locales. Je propose de réduire de moitié le nombre de régions dans l’hexagone. Sur la méthode, il s’agit de faire confiance à l’intelligence des élus. Les régions pourront donc proposer de fusionner par délibérations concordantes. En l’absence de propositions, après les élections départementales et régionales de mars 2015, le gouvernement proposera par la loi une nouvelle carte des régions. Elle sera établie pour le 1er janvier 2017.

Mon deuxième objectif, c’est l’intercommunalité. Une nouvelle carte intercommunale, fondée sur les bassins de vie entrera en vigueur au 1er janvier 2018.

Mon troisième objectif, c’est la clarification des compétences. C’est pourquoi je proposerai la suppression de la clause de compétence générale. Ainsi, les compétences des régions et des départements seront spécifiques et exclusives. Enfin, mon dernier objectif est d’engager le débat sur l’avenir des conseils départementaux. Je vous propose leur suppression à l’horizon 2021. Je mesure l’ampleur de ce changement. Il nous faudra notamment répondre au sentiment d’abandon qui existe dans nos départements et territoires ruraux. Ce changement donnera lieu à un profond débat dans le pays qui associera les élus et les citoyens. Mais il est désormais temps de passer des intentions aux actes. »

La télévision n’a pas montré le visage de Marylise Lebranchu, ministre en charge de la Réforme territoriale. La Bretonne a pourtant de quoi faire la grimace, tant cette partie du discours contredit son action depuis 2012, consistant à ménager en permanence les divers pouvoirs locaux, jusqu’à rétablir la clause de compétence universelle des départements, supprimée par Nicolas Sarkozy !

Qu’importe ! Le jeu en vaut la chandelle. Marianne, qui, pour sa part, a beaucoup écrit et éditorialisé dans le sens d’une simplification radicale de la carte administrative française ne peut que se réjouir d’une telle résolution.
L’enchevêtrement des responsabilités, l’émiettement des pôles de décision entre 34 000 communes, 2 145 d’intercommunalités, 101 départements et 27 régions (22 en métropole), génère, selon René Dosière, un surcoût évalué à 10 milliards d’euros par an, et surtout freine des décisions importantes, par exemple en matière d’urbanisme ou d’aide aux entreprises.

Manuel Valls tient donc « sa » réforme. De celles qui laissent un nom dans l’histoire. Qui peut d’ailleurs aussi le faire tomber, tant les oppositions dans le corps politique seront nombreuses, retorses et résolues. Un sort à la Pierre Mendès France, son héros ! En attendant, le Premier ministre a marqué au moins un point médiatique puisque, immédiatement, les quotidiens régionaux comme Ouest-France ont publié les cartes d’un redécoupage possible.
Le sort du territoire remplacera quelque temps les questions économiques et sociales dans les commentaires des comptoirs. C’est déjà ça de pris.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne