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Propres ou pas, les autos électriques?

Par Alain McKenna
Avigator Fortuner/Shutterstock.com

Les véhicules électriques polluent moins sur la route, mais certains s’inquiètent de l’extraction des minéraux nécessaires à leurs batteries, ou encore que celles-ci aboutissent prématurément au dépotoir, faute d’être réparables ou recyclables. L’électrification des transports est-elle la révolution écologique promise ou une nouvelle tentative d’écoblanchiment de l’industrie automobile?

De faibles émissions, surtout au Québec
Des métaux (de moins en moins) rares
Des risques géopolitiques
Des coûts en baisse
Ça se répare, docteur?

« Achetez une auto électrique! » disent les gouvernements pour espérer gagner la lutte climatique. Ces véhicules produisent de trois à cinq fois moins de gaz à effet de serre (GES) qu’une voiture à essence comparable pendant leur durée de vie, d’après des études. Or leur impact continue de faire débat. Fait-on fausse route?

Des gens qualifient d’incomplètes les analyses qui avantagent les véhicules électriques (VE). Un de ces détracteurs est l’ingénieur français Laurent Castaignède. Dans son essai intitulé La ruée vers la voiture électrique : entre miracle et désastre, paru à l’automne 2023, il affirme qu’en raison de l’extraction des matériaux nécessaires pour fabriquer leurs batteries, la production des autos électriques est en soi hautement polluante.

D’autres critiques croient que la Terre ne contient pas assez de matériaux pour tout électrifier, et craignent en plus que les batteries produites finissent au dépotoir.

La réalité est plus nuancée. L’Energy Transitions Commission (ETC), un organisme international à but non lucratif, calcule de son côté que nous possédons déjà la plupart des métaux requis pour électrifier tout le transport d’ici 2050.

Par ailleurs, les véhicules en fin de vie sont déjà recyclés dans une proportion d’au moins 75 % au Québec. En Europe, cette proportion est encore plus élevée. Selon la Commission européenne, en 2021, 94 % des composants des véhicules en fin de vie ont pu être récupérés, puis réutilisés ou recyclés. Recyc-Auto, qui s’occupe de la récupération et du recyclage au Québec, espère atteindre un jour un tel niveau dans la province. Quant aux batteries de VE, la jeune entreprise montréalaise Lithion Technologies prévoit récupérer 95 % de leurs composants.

Alors, sauverons-nous la planète en électrifiant nos voitures?

De faibles émissions, surtout au Québec

Créé en 2001, le Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG) est reconnu pour la rigueur de ses travaux scientifiques.

Déjà, en 2016, le CIRAIG publiait un rapport comparant l’impact environnemental des VE à celui des véhicules à essence dans un contexte québécois. Son constat : sur 300 000 km, la voiture électrique a un impact de 55 à 80 % moindre par rapport à celui d’une voiture à essence. Cela tient compte des émissions de GES durant la production de tous les composants du véhicule, y compris celle de sa batterie, et pendant ses déplacements. 

Une étude publiée en février 2024 par trois chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique abonde dans le même sens, et elle va même plus loin : ses auteurs constatent en outre que les VE sont moins polluants que ceux à essence partout au Canada, et que c’est encore plus le cas au Québec.

« L’abondance de l’hydroélectricité et d’autres sources d’énergie faibles en carbone améliore le bénéfice de conduire un VE pour réduire ses émissions de GES », écrivent ainsi Bassam Javed, Milind Kandlikar et Amanda Giang. Parmi les provinces canadiennes, le Québec est celle où « l’intensité carbone » du réseau électrique est la plus faible, avec le Manitoba. Un kilowattheure d’électricité produite au Québec émet 25 fois moins de dioxyde de carbone (CO2) qu’un kilowattheure d’électricité produite en Ontario, selon les calculs des chercheurs.

Si vous achetez une auto électrique, vous réduirez de façon notable votre empreinte carbone, d’après les conclusions tirées de ces études. Celle du CIRAIG laisse en plus entendre que la réduction des émissions est aussi bénéfique pour la santé humaine. 

Cette affirmation, l’agence responsable de la qualité de l’air de la Californie (California Air Resources Board, ou CARB) l’a analysée d’encore plus près au printemps 2023. L’organisme américain a découvert que certains types de visites à l’hôpital liées à des problèmes d’asthme diminuent là où les VE sont plus nombreux.

Pour chaque tranche de 20 VE présents par 1 000 habitants dans un quartier donné, on observe une baisse de 3,2 % des visites à l’urgence pour des troubles respiratoires. L’analyse a été faite à partir des données sur les immatriculations de VE, le nombre d’entrées aux urgences et les niveaux de qualité de l’air entre 2013 et 2019.

Ce rapport du CARB devrait nous rappeler que les véhicules à essence ou au diesel non seulement contribuent au réchauffement climatique, mais affectent aussi négativement chaque jour la santé de milliers de personnes…

Des métaux (de moins en moins) rares

Évidemment, plus nous achèterons d’autos électriques, plus il faudra de batteries pour les alimenter. Le Canada, comme plusieurs autres pays, a fixé des dates butoirs qui s’approchent de plus en plus. Ainsi, les constructeurs ne pourront vendre que des véhicules électriques ou hybrides rechargeables au plus tard en 2035. Le tour des véhicules commerciaux viendra cinq ans plus tard, en 2040.

Il s’est vendu au Canada plus de 1,7 million de véhicules neufs en 2023, selon Statistique Canada. Pour une industrie qui carbure à l’essence et au diesel depuis 100 ans, cela fait beaucoup de véhicules à électrifier très, très rapidement. Sans surprise, certains ne pensent pas être en mesure d’y arriver.

Par exemple, le groupe japonais Toyota a récemment émis des réserves importantes : selon lui, il n’y a pas assez de ressources sur terre pour atteindre ces cibles. Son directeur de la recherche, Gill Pratt, prédit que cela prendra « plusieurs décennies », soit bien au-delà de 2040, pour que la production de lithium et des autres matériaux suffise à la demande automobile.

Cette affirmation est spectaculaire, mais elle ne correspond pas aux analyses des experts. D’ici 2040, il faudra extraire deux fois plus de métaux requis pour produire des batteries, mais l’ETC (Energy Transitions Commission), un groupe de réflexion international établi à Londres, calcule que la planète possède plus que les réserves nécessaires pour atteindre ses cibles d’électrification. Pour certains métaux – y compris ceux qui sont nécessaires à la construction d’infrastructures produisant de l’énergie propre –, on aurait même déjà le double des ressources requises. C’est le cas pour l’aluminium, le fer et le graphite, d’après l’organisme.

Certains métaux, comme le nickel et le cobalt, sont moins abondants que d’autres, mais ils seront aussi moins utilisés dans la composition des batteries à mesure que la technologie évoluera. Ces métaux sont plus employés ailleurs, comme dans les raffineries pétrolières, ou même dans les appareils informatiques.

Des risques géopolitiques

L’enjeu de l’électrification des transports n’en est donc pas un de ressources. En fait, c’est plutôt un risque géopolitique, car les réserves de certains de ces métaux se trouvent en Chine, un pays de plus en plus réticent à partager ses ressources avec les pays occidentaux.

C’est pourquoi les constructeurs d’Europe et d’Amérique du Nord sont à la recherche de nouveaux fournisseurs. C’est aussi ce qui explique que le gouvernement du Québec soit à ce point intéressé par ce virage, puisque le sous-sol de la province regorge de ces métaux jugés critiques pour atteindre les cibles de décarbonation de l’économie mondiale.

« C’est toute une guerre géopolitique qui se joue », confirme Daniel Breton, président-directeur général de Mobilité Électrique Canada, qui représente l’industrie canadienne du transport électrique. Il ajoute : « Le Québec et le Canada sont dans une position avantageuse, car leurs ressources en matériaux critiques sont abondantes et très attrayantes pour les États-Unis, en raison des différends de ce pays avec la Chine. »

Des coûts en baisse

En raison notamment de la valeur des devises et du coût de la main-d’œuvre, extraire des ressources au Canada coûte moins cher qu’aux États-Unis ou qu’en Europe. Cela pourrait aider à faire baisser le prix de l’auto électrique, puisque la batterie compte pour une part considérable du coût de production d’un tel véhicule. Pour qu’il ne coûte pas plus cher qu’un véhicule à essence de même taille, il faudrait que le coût de production de sa batterie soit sous les 100 $ US du kilowattheure. Or, en 2023, produire une batterie coûtait 139 $ US du kilowattheure, selon la firme BloombergNEF. Cette dernière estime que le prix pourrait baisser à 80 $ US du kilowattheure quelque part aux alentours de 2030.

Le hic, c’est que les gouvernements sont trop pressés et pourraient faire dérailler les plans, de l’avis de Daniel Breton. On a pu le voir avec l’installation controversée d’une usine de batteries en banlieue de Montréal par le groupe suédois Northvolt : si les autorités tournent les coins ronds, le projet d’avoir sous le capot des batteries fabriquées chez nous pour les VE de demain risque de tomber à l’eau.

« Si le développement des ressources n’est pas fait comme il faut, en partenariat avec les citoyens, les communautés locales et les Premières Nations, ça ne marchera pas, prévient Daniel Breton. Il faut immédiatement tirer des leçons des erreurs faites par le gouvernement dans le dossier de l’usine Northvolt. »

Ça se répare, docteur?

Un avantage peu cité des VE est leur coût d’entretien peu élevé… sauf s’il faut toucher directement à leur batterie. Dans la plupart des véhicules, dont ceux de Tesla, les batteries sont scellées. Si elles sont endommagées, elles doivent ainsi être changées en entier par un technicien spécialisé, ce qui coûte cher : les batteries uniquement peuvent coûter entre 8 000 et 25 000 $ US (entre 10 800 et 34 000 $ CA), selon le véhicule. Les bricoleurs du dimanche qui aimaient bidouiller le moteur de leur voiture dans leur garage devront dire adieu à leur passe-temps favori…

Scellée ou non, la batterie d’un VE est un assemblage de plusieurs dizaines de petites cellules. Certaines marques, dont Volkswagen, préfèrent donc utiliser des batteries modulaires. S’il y a un bris, des mécaniciens spécialisés n’ont qu’à remplacer le module endommagé; cela évite de payer des milliers de dollars en frais de réparation, mais aussi de jeter la partie de la batterie qui fonctionne encore.

La question des batteries endommagées gaspillées, « ça ne me stresse vraiment pas », dit Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier, à Polytechnique Montréal. « Déjà, les autos sont recyclées à plus de 90 %, fait-il remarquer, citant l’Europe en exemple. Ce n’est pas comme un vieux téléphone. La même chose va arriver avec les autos électriques; on ne voudra pas perdre le contenu précieux de toutes ces batteries-là dans la nature… »

D’ailleurs, la réglementation devrait encourager la récupération des batteries usagées. Justement, l’Europe obligera les fabricants de batteries à intégrer au moins 12 % de lithium recyclé, 15 % de nickel recyclé et 26 % de cobalt recyclé dans leurs batteries en 2036, ce qui rendra plus attrayante encore la récupération des batteries en fin de vie.

Cela nous rapprochera un peu plus de l’objectif initial de décarboner le transport.

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