Entre mémoire, événements populaires et tourisme, le très attendu 80e anniversaire du Débarquement a tenu ses promesses

Les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement auront marqué les esprits. Vétérans honorés, mémoire civile, affluence, vitrine régionale… Quelques jours à l’impact majeur dont les répercussions mémorielles et économiques sont aussi attendues sur le long terme.

Les commémorations du 80 anniversaire du Débarquement ont attiré les foules, la semaine du 3 au 9 juin 2024, et en particulier pour le Jour-J. La région espère que l'impact mémoriel et économique perdurera sur le long terme. /LP/Esteban Pinel
Les commémorations du 80 anniversaire du Débarquement ont attiré les foules, la semaine du 3 au 9 juin 2024, et en particulier pour le Jour-J. La région espère que l'impact mémoriel et économique perdurera sur le long terme. /LP/Esteban Pinel

    Alors que les hébergements avaient déjà fait le plein l’année dernière, ce 80e anniversaire du Débarquement promettait d’être encore plus populaire et mémorable. Il a tenu ses promesses, avec ses nombreux hommages et moments de liesse populaire. Des visiteurs du monde entier ont commémoré l’exploit des 150 000 engagés du 6 juin 1944.

    Parmi ces mobilisés du Débarquement, plusieurs dizaines de vétérans sont revenus dans la région pour l’événement, probable dernier grand rendez-vous avec les rescapés en terre normande. « Voir les vétérans en vrai, c’est une fois dans ta vie », disait une élève de CE2 du Bessin après une rencontre avec d’anciens soldats américains le 7 juin à Colleville-sur-Mer (Calvados).



    Emmanuel Macron a remis la Légion d’honneur à 14 d’entre eux lors de moments poignants, au cimetière militaire américain de Colleville puis à Omaha Beach. Ils ont également participé à plusieurs animations en public, rencontrant de nombreux jeunes. Pour citer deux jolies histoires, on mentionnera l’anniversaire du Britannique Dennis Donovan, revenu fêter ses 100 ans à Langrune-sur-Mer, qu’il avait contribué à libérer, et, bien sûr, le mariage de l’Américain Harold Terens et Jeanne Swerlin à Carentan-les-Marais (Manche).

    Hélas, un homme a beaucoup manqué au 80e anniversaire et à la Normandie : Léon Gautier, le dernier du commando Kieffer, décédé le 3 juillet 2023.

    Des hommages officiels, sobres et politiques

    Cette année, la mémoire civile était mise à l’honneur. Un peu partout dans la région, des histoires sont remontées, à l’image d’une veillée des témoins à Langrune-sur-Mer. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs rendu le 5 juin à Saint-Lô, ville martyre, pour rendre hommage aux victimes civiles. Le lendemain se sont enchaînées les cérémonies des principaux pays alliés à Ver-sur-Mer (Royaume-Uni), Courseulles-sur-Mer (Canada), Colleville-sur-Mer (États-Unis) et Omaha Beach (cérémonie internationale), avec des lectures de lettre de soldats et de civils, et d’élégants tableaux de danse interprétés par des enfants.

    L’hommage aux héros de la bataille de Normandie s’est rapidement trouvé un écho avec contexte de russo-ukrainien. À Colleville, le président américain Joe Biden est passé à l’offensive dans son discours : « Les Alliés ont combattu ensemble il y a 80 ans. Aujourd’hui, 32 pays de l’Otan forment une grande alliance. L’Ukraine se bat contre la tyrannie. Plus de 50 pays sont aux côtés de l’Ukraine. »

    Devant le président ukrainien Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron a aussi fait plusieurs références au conflit. Mais aussi à l’Europe, quelques jours avant les élections européennes. À noter que l’autre conflit majeur du moment, entre Israël et le Hamas, n’a lui pas été évoqué.

    Une semaine à remonter dans le temps

    Début juin, croiser des jeeps militaires sur les routes normandes et des gens en costume (militaire ou civil) d’époque n’a rien de très surprenant. Cette année, par endroits, c’était pour ainsi dire la norme. Les secteurs clés du Débarquement ont fait un saut dans le temps.

    En 2023, les reconstituteurs avaient expliqué devenir de plus en plus pointus. Ils avaient aussi annoncé que les collectionneurs les plus lointains s’étaient réservés pour ce 80e, notamment les propriétaires de gros véhicules, gourmands en carburant. Ils étaient bel et bien là, à tel point que des stations-service sont tombées en rade de sans-plomb 98, la boisson favorite de ces engins d’époque.

    Les camps reconstitués ont fleuri partout et attiré énormément de monde. Même les gendarmes ne boudaient pas leur plaisir de les visiter. Sainte-Mère-Église et sa célèbre église au parachutiste accroché a remonté le temps, bondé pendant toute la semaine. À Merville-Franceville, le spectacle de l’assaut de la batterie a fait le plein quatre jours durant (2 000 personnes par soir). « C’est vraiment le lieu. On se rend compte de ce que les soldats ont vécu. C’est comme si on y était. Les explosions étaient impressionnantes », narraient des spectateurs.

    Même si la reconstitution continue de susciter des critiques, les visiteurs se sont laissés tenter et ont semble-t-il appris des choses. Cela pourrait nourrir le débat sur le projet de grand spectacle vivant sur la bataille de Normandie, soutenu par la région, et envisagé dans l’agglomération caennaise.

    Impact ponctuel et écho de long terme

    Outre les cérémonies officielles, les commémorations du Jour-J ont été une fois encore très populaires. Les événements ont attiré la foule, bien au-delà d’un public de passionnés. De très nombreuses familles ont profité de l’occasion pour sensibiliser leurs enfants. « Ils sont jeunes, mais ils posent des questions. Ils savent bien qu’il y a eu la guerre. C’est une initiation », nous confiait un papa venu avec ses ouailles assister aux parachutages de Sannerville.



    Locaux, touristes français et étrangers ont arpenté les lieux mythiques du Jour-J, avec en point d’orgue le week-end du 8 et 9. Le samedi 8, 50 000 à 100 000 personnes ont garni Arromanches pour le meeting aérien. Certains ont mis plus de quatre heures à sortir des bouchons. Dans la Manche, dimanche, ils étaient des dizaines de milliers à assister au gigantesque parachutage de La Fière, près de Sainte-Mère-Église. Le traditionnel défilé des véhicules de collection a quant à lui rempli Bayeux.

    La météo n’a pas fait faux bond à l’événement, alimentant l’engouement. Les commerces ont senti l’effet D-Day, malgré l’impact ponctuel des impressionnants dispositifs de sécurité déployés autour des chefs d’État. À Bayeux, le passage d’Emmanuel Macron a ainsi freiné l’activité le 7 juin. Cela n’empêchait pas une commerçante d’espérer la fin de la semaine pour enfin souffler après avoir connu un 6-Juin sans précédent.

    Un caviste confiait : « L’effervescence va avoir lieu sur le long terme, de la fin de saison aux années prochaines. » La Normandie s’est montrée sous son meilleur jour, dans une ambiance très populaire. Une vitrine internationale qui pourrait avoir un écho touristique notable.

    À côté de la question économique, il s’agira désormais de savoir comment entretenir la mémoire du 6 juin 1944 après une telle année 2024, alors que les vétérans ne seront bientôt plus là.