Ascoval : la justice confie la reprise de l’aciérie à British Steel

Les 270 salariés attendaient un repreneur depuis la liquidation judiciaire en février 2018 du groupe Asco Industries. Tous les emplois seront sauvegardés.

 Saint-Saulve (Nord), le 19 décembre. Le sort des 270 salariés d’Ascoval était suspendu à l’audience du tribunal de Strasbourg.
Saint-Saulve (Nord), le 19 décembre. Le sort des 270 salariés d’Ascoval était suspendu à l’audience du tribunal de Strasbourg. AFP/François Lo Presti

    Des salariés qui se mobilisent, des syndicats davantage dans la construction que dans l'opposition, des collectivités et l'État qui unissent leurs forces et enfin un coup de pouce du destin : le Brexit. Voilà le cocktail gagnant qui a permis de sauver Ascoval et ses 270 emplois.

    Après quatre ans de bataille et de rebondissements, le tribunal de grande instance de Strasbourg (Bas-Rhin) a tranché. Ce jeudi, il a entériné la reprise de l'aciérie de Saint-Saulve (Nord) par l'entreprise anglaise British Steel, un poids lourd de la sidérurgie britannique qui emploie 5000 personnes et produit 2,8 millions de tonnes d'acier par an.

    « Le 23 octobre quand je me suis rendue sur le site d'Ascoval, j'avais des gens très émus devant moi, des grands costauds de 1,90 m qui avaient peur de perdre leur emploi, se souvient Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des finances. C'est pour eux, que nous nous sommes battus. »

    La reprise sera effective le 15 mai à minuit. Ascoval sera alors rebaptisé British Steel Saint-Saulve et les salariés tous repris selon les mêmes conditions d'emploi qu'aujourd'hui. Une situation rarement rencontrée dans ce type de dossier. « Cela fait des mois que tout le monde se bat, où chacun tire dans le même sens plutôt que pour son intérêt, poursuit la secrétaire d'État. Quand il y a un état d'esprit comme celui-là, ça fonctionne. »

    Les salariés mis à rude épreuve

    Et pourtant les retournements de situations et les déceptions avaient été nombreux. Principal coup de tonnerre le 21 février dernier quand le repreneur désigné, le franco-belge Altifort, se montre finalement défaillant, provoquant la colère du gouvernement : « Altifort a trompé tout le monde, lâche à l'époque le ministère de l'Économie. Le groupe nous a confirmé qu'il ne pourrait verser aucun des fonds sur lesquels il s'était engagé. »

    Du côté des salariés, les nerfs ont été mis à rude épreuve. « À force de jouer avec nos émotions depuis toutes ces années, nous avons du mal à nous enthousiasmer », nous a confié ce jeudi Nacim Bardi, délégué CGT. « Nous avons souffert. Mais Ascoval doit devenir un exemple. Quand vous avez des salariés qui aiment leur métier et qui ne veulent pas perdre leur emploi, des syndicats unis dès le départ, et une volonté politique du PC à LREM, et bien ça marche », poursuit le syndicaliste.

    En visite sur le site, Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, a adressé « un immense merci » aux salariés. « C'est vous qui avez sauvé votre outil de production », leur a-t-il lancé, tout en saluant l'action du président (ex-LR) de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand. « Il peut lui dire merci, râle Dominique Dufner de FO. Car c'est surtout la région Hauts de France qui nous a soutenus. Ils ont été présents dès le début des ennuis. »

    En attente de commandes

    Un échange de louanges qui ne doit pas occulter l'aide inattendue du Brexit. « British Steel a besoin de s'ancrer à l'Europe, analyse Nacim Bardi. Ascoval a une position stratégique. On peut livrer leur usine hollandaise par voie fluviale et celle française d'Hayange (Moselle) par voie ferrée. »

    Mais attention, si l'avenir d'Ascoval s'écrit désormais en anglais et s'annonce plus radieux, il n'est pas encore complètement dégagé. « Tant que nos carnets de commandes ne sont pas remplis, nous serons au chômage technique trois semaines par mois, rappelle Dominique Dufner, de FO. Nous sommes contents mais vigilants. La nouvelle direction espère produire 600 000 t d'acier d'ici trois ans. Soit la capacité maximale du site. « British Steel rassure, estime Nacim Bardi. Des clients allemands se sont déjà manifestés. C'est un bon début. »