Economies d'énergie : les braqueurs de l'environnement

Des escrocs détournent à leur profit les dispositifs mis en place par le gouvernement pour financer des travaux de rénovation énergétique. Le préjudice s'élèverait déjà à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Les fraudeurs risquent deux ans de prison.
Les fraudeurs risquent deux ans de prison. AFP/SEBASTIEN BOZON

    Alerte rouge! Cette nouvelle fraude vient d'être détectée sur les radars des meilleurs services d'enquêtes financières. Mais déjà, on la compare à la gigantesque arnaque à la taxe carbone. La justice a ouvert des dizaines d'enquêtes dans plusieurs régions. Et pour chaque dossier, la fraude se chiffre en millions d'euros.

    De quoi s'agit-il? D'un braquage massif de l'environnement. Qui concerne ces subventions versées par de grandes entreprises qui fournissent de l'énergie comme Engie, Total ou encore EDF, pour améliorer la qualité énergétique de vos logements. Depuis 2006, l'Union européenne oblige ces entreprises à vous donner un coup de pouce en cash pour tous vos travaux liés aux économies d'énergie.

    LIRE AUSSI
    > Les arnaques aux certificats d'économies d'énergie

    Par exemple, isoler vos combles, installer une pompe à chaleur, poser du double vitrage... Des milliards d'euros d'argent privé au service d'une politique publique. En échange de vos factures, le ministère de l'Ecologie délivre aux pollueurs de précieux bons points, pompeusement baptisés certificats d'économie d'énergie. La récompense n'est pas que symbolique. Ils doivent engranger chaque année un quota de certificats pour éviter de payer une lourde taxe.

    Les portraits-robots des fraudeurs

    Où est l'embrouille ? Il existe un business juteux de ces fameux certificats. Entre 2018 et 2020, les pollueurs vont devoir rembourser l'équivalent de 9 Mds€ de travaux ! De quoi faire saliver des escrocs, qui espèrent bien mordre une belle part dans le gâteau. Pour y parvenir, tous les moyens sont bons : fausses factures adressées aux pollueurs ou détournements purs et simples de certificats d'économie d'énergie revendus en Bourse. « Cela ne demande pas de technicité particulière, il faut juste créer une entreprise », s'alarme un enquêteur du service national de douane judiciaire (SNDJ).

    Mais qui sont ces fraudeurs ? Selon nos informations, deux portraits-robots ont été recensés. D'un côté, le petit artisan qui truande le dispositif antidate ou exagère les travaux qu'il a réalisés, voire édite de fausses factures. De l'autre, le réseau structuré. Celui qui a monté des entreprises de toutes pièces dans le seul but de détourner massivement des certificats. « Ce sont les escrocs de la taxe carbone qui se sont recyclés dans l'environnement, soupire-t-on au service d'enquête de la douane. Ils empochent les millions d'euros et se volatilisent à l'étranger au moindre contrôle. »

    Déjà, Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, a identifié des mouvements financiers suspects sur lesquels enquête le SNDJ. Que risquent-ils ? Deux ans de prison et payer vingt fois ce qu'ils ont gagné avec les certificats d'économie d'énergie. « C'est beaucoup moins risqué pénalement qu'un braquage, et la marge est de 100 % ! » fait remarquer un enquêteur.

    Seule victime : l'écologie

    Du côté du ministère de l'Ecologie, le problème a été identifié. Mais l'affaire est sensible... « Politiquement, remettre en cause ces aides aux particuliers serait très impopulaire, glisse un expert du secteur. Les autorités freinent au maximum. » Et optent même plutôt... pour en remettre une couche! Le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a récemment annoncé une nouvelle prime sur les pompes à chaleur.

    LIRE AUSSI
    > Fraude aux certificats d'économies d'énergie : «Nous avons déposé deux plaintes»

    Au final, certains s'en mettent plein les poches... mais personne ne perd d'argent. Seule l'écologie est la victime. « Quand personne ne s'est fait arnaquer, c'est toujours plus dur de faire bouger les choses, se désole un spécialiste du secteur énergétique. Alors, si la victime n'est que l'intérêt général et les petits oiseaux, on peut toujours attendre ! »