Hausse des taxes américaines : les vignerons réclament une aide de 300 millions d’euros

Les viticulteurs français, dont les exportations vers les Etats-Unis ont chuté de 40 et 50% en novembre et décembre, demandent la création d’un fonds de compensation.

 Frappées par une hausse des taxes américaines de 25 % depuis le 18 octobre, les exportations de vin ont ainsi chuté de 17,5 % sur le dernier trimestre 2019.
Frappées par une hausse des taxes américaines de 25 % depuis le 18 octobre, les exportations de vin ont ainsi chuté de 17,5 % sur le dernier trimestre 2019. LP/Olivier Corsan

    Le dossier est remonté jusqu'à l'Elysée, sur le bureau d'Emmanuel Macron. Il faut dire que depuis plusieurs semaines, la filière viticole multiplie les sorties pour taper du poing sur la table. Et dénoncer la chute impressionnante de son chiffre d'affaires ces deux derniers mois.

    Car depuis mi-octobre, les vins français subissent de plein fouet les représailles financières américaines, autorisées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) suite aux subventions accordées par l'Union européenne à Airbus. Frappées par une hausse des taxes américaines de 25 % depuis le 18 octobre, les exportations de vin ont ainsi chuté de 17,5 % sur le dernier trimestre 2019, soit une perte de chiffre d'affaires supérieure à 40 millions d'euros.

    « En 2019, les exportations de vins français ont augmenté de 16 % vers les Etats-Unis. Mais c'est un chiffre en trompe-l'œil, prévient Antoine Leccia, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). En réalité, tout le monde savait que les sanctions allaient finir par arriver si bien que les envois par anticipation ont explosé. Mais quand on regarde les derniers chiffres, les exportations baissent de 40 % en novembre et de 50 % en décembre. Voilà pourquoi nous demandons, en urgence, un fonds de compensation de 300 millions d'euros. »

    «Une question européenne», selon le ministère

    La FEVS n'est pas seule à formuler cette demande. Dans toutes les régions viticoles, les professionnels se font entendre pour réclamer ce fonds de compensation. À Bercy, on renvoie la patate chaude vers le ministère de l'Agriculture. « Nous étudions la possibilité de mettre en place une aide d'une vingtaine de millions d'euros pour abonder notre fonds de promotion », assure-t-on au cabinet de Didier Guillaume. L'objectif? Aider les vignerons – en proie aux guerres commerciales, à la chute de l'export vers la Chine, aux relations frileuses avec le Royaume-Uni dans le contexte du Brexit… – à diversifier leurs marchés, notamment vers l'Amérique latine.

    Mais une vingtaine de millions d'euros, cela reste bien loin des 300 millions demandés par la filière. « La décision de mettre ou non en place un fonds de compensation est une question européenne, rétorque-t-on au ministère de l'Agriculture. Les Italiens en réclament un également, car les exportations d'huile d'olive, aussi taxées de 25 %, ont fortement baissé. Mais les Allemands refusent pour l'instant la mise en place d'un fonds d'aides. Or, il faut un accord unanime. »

    Au cabinet de Didier Guillaume, on assure qu'Emmanuel Macron a tenu à mettre ce sujet à l'agenda des échanges des chefs d'Etat européens lors de la rencontre du 20 février.

    Airbus sollicité

    Pas question toutefois d'attendre, les bras croisés, les éventuelles décisions de Bruxelles. Le 14 février, les professionnels du vin avaient rendez-vous avec le président d'Airbus Guillaume Faury pour, peut-être, obtenir une aide financière. « Il doit comprendre que notre filière paie un lourd tribut en chiffre d'affaires et bientôt en emplois parce qu'Airbus a touché des subventions européennes, dénonce Antoine Leccia. Nous sommes des victimes collatérales. »

    La veille, lors d'une conférence de presse le 13 février, le patron du géant de l'aéronautique semblait toutefois écarter toute possibilité de financement : « Je comprends leur profonde frustration d'être pris en otage, a-t-il réagi. Nous essayons d'aider autant que possible, mais nous ne sommes pas l'un contre l'autre dans cette situation, du moins à mon avis. »