Réforme des retraites : le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye en terrain miné

Le haut-commissaire à la réforme des retraites doit présenter ses «recommandations» le 18 juillet. La fébrilité monte chez les partenaires sociaux, tandis que l’exécutif retient ses arbitrages.

 Le rapport Delevoye, fruit de plus d’un an de concertation, est censé servir de base au projet de loi de la future réforme des retraites.
Le rapport Delevoye, fruit de plus d’un an de concertation, est censé servir de base au projet de loi de la future réforme des retraites. Divergence/Gilles Bassignac

    Après des semaines de valse-hésitation de l'exécutif sur le calendrier, Jean-Paul Delevoye reprend son bâton de pèlerin. Le 18 juillet prochain, le haut-commissaire à la réforme des retraites va recevoir syndicats et organisations patronales pour présenter ses « recommandations ». Les invitations ont été envoyées nominativement, à chaque numéro un chez les partenaires sociaux.

    Fruit de plus d'un an de concertation, le rapport Delevoye, remis en catimini depuis des semaines au Premier ministre, est censé servir de base au projet de loi de la future réforme des retraites. « Son intention est d'aller au terme de sa mission », lâche un proche du dossier, rappelant la colère et l'exaspération du haut-commissaire, accumulées au gré des polémiques et tergiversations sur les retraites, depuis le printemps, au sein du gouvernement comme dans la majorité.

    Pourtant, rien n'est complètement tranché et le plus grand flou règne toujours. L'exécutif hésite encore sur les arbitrages les plus sensibles. Comme celui attendu sur la question d'un âge d'équilibre (ou âge pivot) fixé à 64 ans qui, à travers un système de bonus-malus, reviendrait de fait à repousser l'âge de départ à 64 ans. Un point jugé particulièrement explosif par les syndicats.

    FO : «On est dans le plus grand flou»

    Et ce n'est pas le seul. L'exécutif n'exclut pas, en marge du big bang annoncé du système universel par points, d'introduire dès la rentrée une autre réforme « comptable ». Pour trouver des sources d'économie (dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale) et financer une partie de la réforme de la dépendance, Bercy pousse à accélérer la mise en œuvre du calendrier de la réforme Touraine, datant de 2014.

    Concrètement, les argentiers préconisent d'augmenter d'un trimestre supplémentaire par an la durée exigée - pour une retraite à taux plein - jusqu'en 2025 et non de l'étaler d'ici à 2035 comme prévu. Economie attendue : autour de 3 à 4 milliards d'euros. En clair, les générations nées entre 1959 et 1963, qui se pensaient à l'abri du changement jusqu'en 2025, seraient impactées. Une bombe. Selon nos informations, un séminaire gouvernemental, qui devait se tenir ce dimanche sur le sujet, a d'ailleurs été ajourné.

    « On est dans le plus grand flou, juge Yves Veyrier le secrétaire général de Force ouvrière (FO). D'ailleurs, nous n'aurons pas de texte en amont de cette présentation par Jean-Paul Delevoye ! » Le patron FO y voit une « technique classique destinée à habituer les esprits et espérer annihiler toute forme de réaction ». « Mais nous ne sommes ni dupes ni résignés », prévient-il, annonçant déjà un rassemblement, le 21 septembre, pour « préserver la retraite ». « S'il faut aller à la grève d'ensemble, FO y est prête et déterminée ». Une menace que la CGT brandit elle aussi.

    Même le réformiste Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, est monté d'un ton ce dimanche. « Si l'annonce de la réforme du système universel est doublée d'une mesure applicable dès 2020, par exemple l'augmentation de la durée de cotisation, la discussion sera terminée pour la CFDT », a-t-il déclaré au journal Ouest-France, assurant qu'il ne « serait pas difficile d'enclencher une mobilisation ».

    Des patrons redoutent le statu quo

    Côté patronal, on se dit également inquiet, mais pour d'autres raisons… Plusieurs sources patronales redoutent au contraire un scénario du statu quo, et craignent que « rien ne se fasse » par prudence politique. Ils déplorent en outre de « ne pas être du tout associés » à la réforme.

    Un récent sondage a sans doute retenu l'attention de l'exécutif. Selon ce sondage Elabe pour le journal Les Echos, les Français commencent à se méfier du grand chamboule tout du futur « système universel » promis par Emmanuel Macron. Ils ne sont que 27 % des personnes interrogées à soutenir la réforme et près de la moitié s'y disent opposés. Dans les rangs de la majorité, beaucoup se sont déjà fait leur religion. Ils jugent urgent d'attendre au moins jusqu'aux élections municipales de mars 2020. Certains prédisent même déjà que « la réforme des retraites ne sera pas pour ce quinquennat. »