Vu de Belgique : «Si Le Pen passe, c'est la fin de l'Europe»

Clara, 54 ans, habitante de Quiévrain (Belgique)

Quiévrain (Belgique), mercredi. Jean-Philippe et Clara se passionnent pour la présidentielle française.
Quiévrain (Belgique), mercredi. Jean-Philippe et Clara se passionnent pour la présidentielle française. LP/FRÉDÉRIC DUGIT

    Ils sont aux premières loges de ce qu'ils appellent la « comédie dramatique française », un « spectacle parfois amusant parfois angoissant ». A Quiévrain, petite cité belge séparée de sa soeur ch'tie Quiévrechain par une rivière-frontière, les habitants suivent de très près, en voisins qui charrient, notre présidentielle et sa série ininterrompue de coups de théâtre.

    « On est presque autant au courant que vous », confie Serge, 59 ans, patron du Café de Paris. « Toutes les semaines, il se passe un truc, on ne s'ennuie pas. Moi, je vois Hamon qui l'emporte face à Le Pen mais avec photo finish », pronostique Jean-Philippe, un trentenaire représentant en tabac à rouler cultivé... dans l'Hexagone. « Avec tous ces rebondissements, vous êtes mal barrés, mais rassurez-vous, on est tout autant dans la mouise », enchaîne, hilare, sa collègue Clara, 54 ans. Cette Flamande en Wallonie, branchée à 20 heures sur TF 1, aimait « bien » Juppé. Elle a désormais de l'estime pour « le jeune Hamon ». « Il a un visage honnête mais je peux me tromper », concède-t-elle. En revanche, elle ne porte pas dans son coeur Marine Le Pen. « Elle me fait peur. Si elle passe, c'est la fin de l'Europe », s'alarme-t-elle.

    Serge, le bistrotier de la rue de Valenciennes, est, lui, plutôt, séduit par ce scénario. « Si les Français sont intelligents, il faudrait qu'ils votent pour elle au second tour, pour essayer. Ils ont de bonnes idées au FN même si c'est l'extrême droite », lâche-t-il. Du zinc, il dézingue ensuite ces « politiciens arrogants et indignes de représenter le peuple », Macron qui « ne vaut rien », qui est « contre les ouvriers ». Et surtout Fillon. « On n'a ouvert que le couvercle de la marmite à scandales, ce qu'il y a au fond, on ne le saura peut-être jamais », redoute-t-il.

    «Les Français ne sont pas mûrs pour une révolution»

    Fred, expert en reprise d'entreprises, tacle le Sarthois. « Ah lui, il a mis la main dans le pot de confiture », résume-t-il. Pour autant, ce sexagénaire, à la retraite dans deux mois, imagine le leadeur de droite à l'Elysée. « Les Français ne sont pas mûrs pour une révolution », analyse-t-il en trinquant à la blonde Jupiler. Les débats d'avant-scrutin le laissent de marbre. « Vous n'avez pas de pointure chez vous, pas de chef », chambre-t-il.

    Devant la devanture décorée d'une tour Eiffel, Francine la retraitée et Rosa la femme au foyer en rajoutent une couche contre Fillon. « Lui, il est grillé, mouillé jusqu'au cou », résume la première. « C'est un menteur, un profiteur, un voleur », se défoule la seconde, avant de convenir : « On ne va pas s'occuper de vos problèmes, on en a déjà à régler chez nous. » Giovanni, un Belge d'origine italienne qui maîtrise parfaitement l'humour local, préfère bomber le torse. « Pour les conneries en politique, on reste premiers. » Il cite alors un record planétaire détenu par le plat pays, celui de la plus longue crise politique : 541 jours sans gouvernement entre 2010 et 2011.