« La personne voyage comme si c’était gratuit » : victime d’usurpation d’identité, un étudiant doit payer plus de 7000 euros d’amendes à la SNCF

Charly, étudiant en odontologie de pharmacie à Montpellier, reçoit régulièrement des amendes de la SNCF. Problème, il est victime d’usurpation d’identité et n’est jamais monté dans les trains qu’on lui reproche d’avoir pris.

Charly reçoit des amendes pour des trajets qu'il n'a pas effectués. (Illustration) Getty
Charly reçoit des amendes pour des trajets qu'il n'a pas effectués. (Illustration) Getty

    Depuis trois ans, Charly Acosta, étudiant à la faculté d’odontologie de Montpellier, vit un cauchemar : il reçoit les amendes d’une personne qui ne paye pas ses billets de train et qui, au moment de donner un nom au contrôleur, donne… celui de Charly. Régulièrement, le jeune homme voit des sommes importantes saisies par le Trésor Public directement sur son compte.

    « En novembre 2022, j’ai découvert un prélèvement de plus de 740 euros sur mon compte bancaire », se souvient Charly, qui est boursier échelon 6 et dont les déboires ont été racontés par Midi Libre. Sa banque le dirige alors vers le service des impôts, qui le renvoie au service des amendes du Trésor Public. Douche froide pour le jeune homme qui découvre alors qu’il s’agit d’amendes impayées à la SNCF à qui il doit 3 795 euros pour des voyages effectués entre début janvier 2022 et juin de la même année.

    Problème, il n’a jamais pris les trains qu’on lui reproche de ne pas avoir payés et les amendes à son nom n’ont pas été envoyées chez lui. Celui qui usurpe son identité utilise son nom et prénom, une copie du verso de sa carte d’identité, mais une autre adresse. Depuis janvier 2022, le système perdure : « Au début il a pris deux amendes, une à l’aller et une au retour, il s’est rendu compte que ça marchait donc il a multiplié les trajets. Une vingtaine sur 2022, et aujourd’hui j’en suis à 34, dont une trentaine d’annulées. »

    Un cercle vicieux

    « En cas d’usurpation d’identité, nous conseillons à nos voyageurs de prendre contact le plus rapidement possible avec notre service Usurpation ([email protected]) en fournissant le dépôt de plainte, la déclaration de perte de la carte d’identité, la copie de la carte d’identité et les documents attestant que la personne victime d’usurpation n’était pas dans le train au moment des faits », liste de son côté la SNCF, consciente que la « démarche est fastidieuse » : « Elle est indispensable pour que notre service Usurpation puisse initier le traitement d’un dossier. Nous sommes malheureusement parfois confrontés à de fausses déclarations d’usurpation d’identité. »



    Le dépôt de plainte est un préalable pour Maitre Marie-Camille Eck, avocate experte en matière d’affaire d’usurpation d’identité. « Quand on est victime d’infraction dans les transports, il faut déposer plainte pour usurpation d’identité, en général contre X, même s’il ne faut pas se leurrer, c’est rare que les auteurs soient retrouvés. Ensuite, apporter la preuve qu’on ne peut pas se trouver sur les lieux de l’infraction auprès de la SNCF ou de la RATP. »

    Un parcours du combattant pour Charly, qui s’attelle à envoyer des courriers dès qu’il reçoit la notification de l’amende. Problème, il l’apprend souvent après le délai des trois mois. « Passé ce délai, nous n’avons ensuite plus la possibilité de traiter les dossiers », souligne la SNCF. C’est ensuite le Trésor Public qui prend le dossier en main. Et auprès de qui il faut contester ensuite les amendes. « Le but va être d’apporter un maximum d’élément qui va convaincre, comme une carte de transport annuelle, car on ne va pas frauder si on a un abonnement ! », liste Maitre Eck.

    « Ça me prend un temps phénoménal de prouver que ce n’est pas moi ! »

    Une situation bien connue de Charly dont les courriers de recouvrement n’arrivaient pas jusqu’à lui et qui provoquait une saisie de la somme directement sur le compte en banque de l’étudiant et une majoration de l’amende de 10 %. Pour chaque amende à contester, il doit fournir la preuve qu’il n’a pas voyagé lui-même sur le trajet qu’on lui reproche d’avoir fait sans payer. « Je dois fournir des relevés bancaires jour après jour, des relevés de carte bleue avec des paiements au resto U, ou dans un café, je dois demander un certificat à mon employeur chez qui je travaille l’été pour payer mes études. Ça me prend un temps phénoménal de prouver que ce n’est pas moi au lieu de travailler pour mes études ! »



    D’autant que financièrement, le jeune homme a fait le compte. « J’en suis à 7 300 euros de préjudice tout en étant étudiant et sans salaire fixe », déplore-t-il tout en soulignant que sa banque lui applique en plus « des frais bancaires de 10 % à chaque saisie à la demande d’un tiers (SATD) » : « Sur 830 euros, la banque me prend 83 euros, et si je n’ai pas assez d’argent, elle prend des commissions. »

    En plus de peser sur ses finances et son temps de travail, l’étudiant commence à être atteint psychologiquement : « J’utilise le flash de mon téléphone pour regarder dans ma boîte aux lettres pour être plus rapide pour voir si j’ai un courrier. Quand j’ai une lettre, j’ai une pointe au cœur. La personne voyage comme si c’était gratuit, le billet devrait lui coûter 6 euros, mais c’est moi qui paye et il m’en coûte 180 derrière », pointe du doigt Charly qui aujourd’hui, en février 2024, reçoit les amendes de septembre 2023.

    Une situation qui pourrait peut-être être évitée si le nom de Charly ou sa pièce d’identité sonnait l’alerte sur les outils de scan des contrôleurs. « Il faut se rapprocher aussi de la SNCF pour qu’elle transmette directement les infractions avant le stade majoré ou demande la mise en place de filtre sur l’identité de la personne », conclut Maitre Eck.

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