Calais : 18 mois après la fin de la Jungle, des centaines de migrants à la rue

Depuis mars, la distribution de repas est assurée par l’Etat. Mais les associations dénoncent un matraquage policier permanent.

 Le bidonville géant de Calais (Pas-de-Calais) a été démantelé il y a un an.
Le bidonville géant de Calais (Pas-de-Calais) a été démantelé il y a un an. Reuters/Pascal Rossignol

    Voilà 18 mois, presque jour pour jour, que sa « Jungle » a été démantelée. À Calais (Pas-de-Calais), point de départ fantasmé pour la Grande-Bretagne, de 300 à 600 âmes en errance vivent toujours dans les rues de la ville, dans des conditions extrêmement difficiles.

    Les différentes sources contactées, dont les estimations varient, s'accordent sur le fait que leur nombre serait « stable » depuis le début de l'année. Les réfugiés se répartissent dans cinq ou six sites en périphérie du centre-ville, qui se forment et se reforment au gré des démantèlements.

    « Eviter les zones de non droit »

    Ceux-ci sont fréquents. De plus en plus fréquents, même, selon plusieurs associations qui dénoncent un « harcèlement » policier et un durcissement général de la politique menée à l'égard des migrants. Ce que réfute la préfecture. « L'un des objectifs des pouvoirs publics est d'éviter la reconstitution de zones de non droit, qui placeraient les migrants dans des situations de vie indignes, justifie-t-elle. L'Etat conjugue donc la fermeté et une approche humanitaire. »

    Cette « approche humanitaire », ce sont notamment les repas, distribués deux fois par jour par l'intermédiaire d'une association mandatée, La Vie Active. Contactée, celle-ci assure fournir « de 450 à 550 » repas quotidiennement. L'organisme gère aussi un système de minibus à destination de points douche et de sanitaire.

    A cela s'ajoute le travail d'une demie-douzaine d'autres associations, accueillies par l'Auberge des Migrants au sein d'un même entrepôt. Le département dispose aussi de deux Centres d'accueil et d'examen des situations (CAES), soit au total 220 places, à Nédonchel et à Croisilles. Selon les autorités, ceux-ci ne seraient remplis qu'à un peu plus de 50 % de leur capacité.

    Pour Gaël Manzi, bénévole de l'association Utopia 56, cette désaffection serait notamment due à la forte proportion de « dublinés » résidant à Calais. « Ces personnes ont laissé leurs empreintes digitales dans le premier pays européen qu'elles ont traversé, décrypte-t-il. Elles ont peur d'y être renvoyées par la police, comme l'impose le règlement de Dublin, qui régit le droit d'asile en Europe ».

    Il est facile de comprendre à quel point retourner en arrière est impensable pour ces migrants, à la fois si près et si loin des rives britanniques. Régulièrement sur place, la sénatrice Esther Benbassa (ex-EELV) évoque une gestion « choquante » de la situation. « A voir comment ces gens sont traités, on ne se croirait pas dans un pays démocratique et civilisé comme le nôtre…, grince-t-elle. En Turquie, les réfugiés sont mieux traités que ça. »