Empoisonnement de patients à Besançon : le superanesthésiste clame son innocence

Devant les juges qui devaient statuer jeudi sur son placement en détention le temps de l'enquête, l'anesthésiste de Besançon soupçonné de dizaines d'empoisonnements s'est défendu bec et ongles. Il n'a pas été incarcéré.

Besançon (Doubs), mercredi 29 mars. Mis en examen le 6 mars pour sept empoisonnements prémédités, dont deux mortels, entre 2008 et 2017, le docteur Frédéric Péchier reste libre.
Besançon (Doubs), mercredi 29 mars. Mis en examen le 6 mars pour sept empoisonnements prémédités, dont deux mortels, entre 2008 et 2017, le docteur Frédéric Péchier reste libre. (LP/OLIVIER LEJEUNE)

    «C'est un moment terrible pour moi... Je suis innocent. J'ai foi en la justice et j'espère que l'affaire va vite avancer et aboutira rapidement.» C'est d'une voix hésitante, l'air hagard, presque sonné, que le docteur Frédéric Péchier a réitéré sa position devant la presse jeudi midi, à la sortie du tribunal de Besançon (Doubs). Quelques minutes plus tôt, les juges, statuant en appel, venaient pourtant de lui éviter un placement en détention provisoire. Une décision, qui, compte tenu de la gravité des faits, n'allait pas de soi et que ses proches, venus en nombre, ont accueillie avec un soulagement palpable.

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    Mis en examen le 6 mars dernier pour sept empoisonnements prémédités dont deux mortels entre 2008 et 2017 — faits passibles de la réclusion criminelle à perpétuité — l'anesthésiste reste libre, avec interdiction d'exercer et un contrôle judiciaire renforcé. Les juges ont notamment proscrit tout contact avec les personnels de la clinique Saint-Vincent, où il travaillait jusqu'ici. Une précaution qui cible son système de défense, développé jeudi par son avocat, Me Randall Schwerdorffer. A l'issue de l'audience, fermée à la presse, le pénaliste a ainsi estimé que des rivalités internes auraient pu «orienter les enquêteurs» vers son client.

    «On a voulu lui nuire, par méchanceté ou jalousie», a-t-il expliqué, citant même à la barre les noms de certains confrères de la clinique Saint-Vincent. «Cette défense part dans tous les sens ! s'indigne Me Frédéric Berna, avocat de plusieurs familles de victimes. On entend désormais une théorie dans laquelle on accuse en filigrane d'autres anesthésistes, c'est surréaliste.» Pour Me Schwerdorffer, l'empoisonneur, insiste-t-il, «peut être n'importe qui : infirmières, brancardiers, anesthésistes...». Pour appuyer sa démonstration, il a notamment remis aux juges une clé USB contenant une vidéo dans laquelle il pollue lui-même une poche de perfusion, prouvant, à ses yeux, la facilité de l'opération.

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    Des arguments qui ont laissé aux parties civiles, présentes à l'audience, un sentiment mitigé. «Je ne sais plus quoi penser, tout ça me dépasse un peu, avoue Sandra, rescapée en janvier dernier d'un empoisonnement au potassium. Il va falloir attendre pour obtenir des certitudes.»

    Des victimes présumées se manifestent

    Désormais regroupées en association, les victimes ont en commun une grande dignité et l'attachement à la présomption d'innocence. Mais, à mesure qu'elles apprennent à se connaître, toutes sont frappées par les similitudes entre leurs différentes affaires : surdose de potassium ou d'anesthésiques locaux — des intoxications rarissimes — suivie d'un arrêt cardiaque, présence systématique du docteur Péchier lors de la réanimation, rapidité étonnante du diagnostic par celui-ci... «Le cas de ma maman est un copier-coller de ce qui est arrivé à Laurence (NDLR : décédée en 2016 à la clinique Saint-Vincent, l'un des sept empoisonnements reconnus à ce stade). Elles avaient le même profil, la même tranche d'âge, et même une ressemblance physique, détaille Florimond Baugey. Comme Laurence, elle se faisait opérer de l'épaule. A 11 h 03, elle fait un arrêt cardiaque. Appelé à la rescousse par l'anesthésiste de ma mère, le docteur Péchier, à 11 h 07, ordonne d'injecter un sérum pour contrer une surdose d'anesthésique, une décision pourtant lourde car c'est un produit qui peut aggraver le problème», détaille le jeune homme, qui se bat depuis avril 2015, et le décès de sa mère, pour connaître la vérité.

    Un cas parmi tant d'autres actuellement décortiqués par les enquêteurs qui ont élargi leur enquête à quarante affaires (dont la moitié mortelle) et même, selon Europe 1, à près de soixante-dix, à mesure que de nouvelles victimes présumées se manifestent.

    VIDEO. La fille d'une victime témoigne