La polémique enfle après l'interpellation à l'école

La polémique enfle après l'interpellation à l'école

    Vive émotion dans la petite ville de Floirac en Gironde. Selon les informations du quotidien régional Sud-Ouest, six  policiers se sont rendus mardi après-midi devant l'école élémentaire Louis-Aragon pour interpeller deux écoliers, respectivement âgés de dix et six ans. Un déploiement de force de police qui a visiblement choqué la population locale.

    «Je suis arrivé avec ma femme à 16 h10 pour chercher nos enfants, il y avait déjà deux voitures de police et six policiers», raconte Gérard. Les fonctionnaires de la police nationale ont choisi d'intervenir au moment de la sortie de l'école pour arrêter ces deux élèves soupçonnés d'avoir volé un vélo. L'établissement, situé dans l'agglomération bordelaise, compte huit classes pour un effectif de 193 élèves provenant pour beaucoup des lotissements voisins.

    «C'est honteux», lâchait Aïcha Ouachin, la maman d'Hicham, le garçon de 10 ans. «Je veux que les conditions d'interpellation de mon fils se sachent, parce qu'on ne peut pas laisser faire des choses comme ça, il y avait d'autres façons de procéder pour vérifier si le vélo était le sien ou pas. »

    Les enfants ont été emmené au commissariat de Cenon pour y être interrogé deux heures durant, selon la mère d'Hicham. «L'interrogatoire a porté sur l'origine du vélo, mon fils et moi-même avons soutenu qu'il lui appartient». Hier matin, elle a fourni une attestation sur l'honneur du donneur, un adjudant-chef de la base aérienne 106, à Mérignac, qui le lui avait offert il y a plus d'un an et demi. « C'est maintenant un vélo pourri, personne n'en voudrait », dit-elle dans un faible sourire.

    L'intervention policière faisait suite à la dénonciation d'une autre mère d'élève, qui avait pensé, en voyant Hicham arriver à l'école mardi matin, que le vélo était celui qui lui avait été volé .

    Le directeur de la police assume. «Les mineurs ont été entendus (respectivement) une heure trente et deux heures» et un compte-rendu a été fait «à deux substituts du procureur», a précisé le directeur départemental de la sécurite publique, Albert Doutre, qui «assume de bout en bout» cette intervention menée avec «tact et discernement». Les enfants ont été interpellés «très judicieusement un peu à l'écart du groupe scolaire» après la fin de la classe, avant d'être conduits «sans menottes ni rudoiement» au commissariat situé à proximité, où leurs mères les ont ensuite rejoints, afin d'établir leur identité et d'être auditionnés, a-t-il précisé.

    MAM demande une enquête. La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a demandé au directeur général de la police nationale l'ouverture d'une enquête interne.

    Les critiques de la mairie. La municipalité a également critiqué le mode opératoire: «Il y avait d'autres moyens d'agir» pour entendre «ces gamins qui n'ont jamais fait parler d'eux», a notamment estimé Jean-Jacques Puyobrau, adjoint au maire de Floirac. «Je conteste la forme, pas le fond», a-t-il ajouté, avant de regretter une intervention «qui participe à stigmatiser la ville», située dans la banlieue de Bordeaux.

    Les syndicats de police accusent la hiérarchie. Aymed Korbosli, secrétaire régional de l'Unsa-police-le-syndicat-unique, a quant à lui affirmé que la responsabilité de ce type d'interventions incombait à sa hiérarchie qui exige «de la quantité, pas de la qualité», au «manque d'effectifs» et «à la religion du chiffre et des statistiques».

    Le SNUipp-FSU «choqué». Le SNUipp-FSU, principal syndicat d'enseignants du primaire, a jugé jeudi «choquante et démesurée» cette interpellation. «Qu'elle corresponde à un excès de zèle ou à une dérive sécuritaire, cette arrestation heurte profondément l'ensemble des enseignants, des éducateurs et des parents d'élèves», écrit le syndicat dans un communiqué.

    Le SNUipp-FSU «dénonce vivement de telles pratiques qui vont à l'encontre du droit à l'éducation des enfants» et qui «sont susceptibles de créer de profonds traumatismes pour l'ensemble des élèves en remettant en cause le rôle éducatif de l'école».

    Le syndicat demande «solennellement» au ministre de l'Education national Xavier Darcos «d'intervenir pour que la primauté des mesures éducatives soit respectée et qu'aucune interpellation n'ait lieu dans le cadre ou aux abords de l'école».