Migrants : comment la violence a embrasé le camp de Grande-Synthe 

Le campement, que le maire de la ville présentait comme un «exemple» à sa création il y a tout juste un peu plus d'un an, a rapidement été surpeuplé et débordé. Des gangs de passeurs y faisaient régner leur loi.

Le camp de migrants de Grande-Synthe réduit en cendres par un incendie le 11 avril 2017
Le camp de migrants de Grande-Synthe réduit en cendres par un incendie le 11 avril 2017 (AFP/PHILIPPE HUGUEN)

    Du camp de Grande-Synthe (Nord), il ne reste plus qu'un «amas de cendre» ce mardi. Les ambitions qui présidaient à sa création, celles d'un accueil digne pour les âmes rêvant d'Angleterre, sont consumées. Parties en fumée dans l'immense incendie, probablement criminel, qui a ravagé la plupart des 300 chalets et autres bâtiments que comptait le site. La conclusion d'une lente dégradation des conditions de vie du camp, depuis sa création, il y a un peu plus d'un an. Jusqu'à ce que la violence brûle tout sur son passage.

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    Le 7 mars 2016, quelque 800 réfugiés, pour la plupart des Kurdes d'Irak, quittent «le camp de la honte» du Basroch pour être mis à l'abri dans ce nouveau campement financé par MSF et la municipalité. «A mon avis, il faudra répéter ce type de camp un peu partout ailleurs, explique alors le maire, Damien Carême (EELV). On a voulu quelque part montrer l'exemple.» Après avoir fait la sourde oreille pendant plusieurs mois, l'Etat a finalement pris en charge son fonctionnement à hauteur de 3,9 M€ pour un an.

    Avec 1 500 réfugiés, le camp de Grande-Synthe affiche complet moins d'une semaine après son ouverture. Les maisonnettes, dit-on alors, seront démantelées «au fur et à mesure» des départs des migrants pour l'un des 112 Centres d'accueil et d'orientation. Ou des passages en Angleterre...

    Des arrivées venues de la «Jungle»

    Las, les passages se font rares. Les arrivées, elles, ne cesseront jamais. Le démantèlement de la «Jungle» de Calais, fin octobre, pousse notamment de nombreux Afghans à venir frapper ici. Confrontés à l'absence de place, ils s'installent, bien souvent, dans des bâtiments communs, normalement réservés aux cuisines et aux salles à manger. Rapidement, des tensions naissent avec les Kurdes, pour la plupart logés dans les chalets.

    Des bagarres émaillent le quotidien des réfugiés. Les problèmes de surpopulation sont exploités sans vergogne par des gangs de passeurs qui, installés sur place, font régner leur loi. Début 2017, le quotidien anglais «The Guardian» se fait l'écho de nombreuses violences subies par les plus faibles, dont des viols, selon l'effroyable constat d'une ONG, Dunkirk Legal Support Team.

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    En mars, le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, annonce que «la question n'est plus seulement celle du rétablissement de l'ordre public», mais aussi «du démantèlement progressif du camp», et s'alarme de phénomènes «inacceptables», telles que des «rançons». «Certains nous ont raconté qu'ils avaient dû payer pour avoir une place dans le camp», remet Loan Torondel, bénévole de l'Auberge des migrants.

    «La situation a toujours été tendue»

    «Ces deux dernières semaines, de nouveaux Afghans arrivaient d'Allemagne, d'où ils avaient été expulsés», ajoute-t-il. De quoi compliquer encore une situation qui a «toujours été tendue», rembobine Cyrille Hanappe, architecte investi sur place au sein de son association Actes et Cités. Lundi soir, elle est devenue explosive. Une rixe entre Kurdes et Afghans aurait dégénéré : environ 600 d'entre eux se seraient battus, avant de provoquer des départs de feu. En conférence de presse, le lendemain, le préfet du Nord, Michel Lalande, a évoqué des individus «déterminés» et «violents», usant de «moyens incendiaires performants».

    VIDÉO. La conférence de presse du maire et du préfet (Groupe Nord Littoral)

    «Dire qu'on ne parlait presque pas de problèmes inter-ethniques jusqu'ici...», se désole Cyrille Hanappe, pour qui une meilleure prise en charge des réfugiés aurait permis d'éviter ces débordements. Interrogé par l'AFP, François Guennoc, vice-président de l'Auberge des migrants, abonde : «Depuis la fermeture de Calais, il n'y a pas de centre d'accueil sur la côte. Nous demandons la création de plusieurs centres d'accueil d'urgence, à dimension humaine.»

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    Mardi, trois gymnases ont été réquisitionnés, permettant à environ 700 migrants de s'abriter. Selon les différentes associations contactées, 900 autres étaient encore dans la nature ou dans l'attente d'un refuge.