Venezuela : une enquête ouverte après des suspicions de fraude

Le pouvoir est accusé d'avoir manipulé les chiffres de la participation pour donner une légitimité à l'Assemblée élue dimanche et chargée de réécrire la constitution.

 Le président venezuelien au soir de l'élection contestée des 545 membres de l'Assemblée en charge de réécrire la constitution 
 Le président venezuelien au soir de l'élection contestée des 545 membres de l'Assemblée en charge de réécrire la constitution  AFP/RONALDO SCHEMIDT

    L'Assemblée constituante élue dimanche au Venezuela est déjà entourée de soupçons. Après la remise en cause de sa légitimité par l'entreprise chargée des opérations de vote, la procureure générale du Venezuela, Luisa Ortega, a indiqué mercredi soir qu'elle avait ouvert une enquête sur des suspicions de fraude entourant l'élection : «Je vous informe que j'ai désigné deux magistrats pour enquêter sur les quatre directeurs du CNE pour cet acte très scandaleux», a-t-elle déclaré à la chaîne d'information CNN. «Nous sommes face à un fait inédit, grave et qui constitue un délit», a-t-elle affirmé après avoir dénoncé lundi la Constituante et l'ambition «dictatoriale» du président Maduro.


    Selon les autorités, plus de huit millions d'électeurs, soit 41,5% du corps électoral, ont participé à l'élection des membres de la Constituante. Un scrutin que l'opposition a boycotté, dénonçant une «fraude» visant à prolonger le pouvoir de Nicolas Maduro, dont le mandat s'achève en 2019.


    Mais la légitimité de l'Assemblée constituante a été mise en cause par l'entreprise chargée des opérations de vote qui dénonce une «manipulation». «Nous savons, sans le moindre doute, que [les chiffres de] la participation à l'élection d'une Assemblée constituante nationale ont été manipulés», a déclaré Antonio Mugicala, PDG de l'entreprise britannique SmartMatic, en charge des opérations de vote au Venezuela. «La différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités est d'au moins un million de votes», a-t-il estimé. Nicolas Maduro a pour sa part affirmé qu'il s'agissait d'une «réaction de l'ennemi international» et que le scrutin avait été «transparent».


    Le scrutin, qui s'est déroulé dimanche dans un contexte de grande violence, ne cesse de susciter un tollé au niveau international. Face à la défiance générale, le président venezuélien, Nicolas Maduro, a annoncé que de la séance inaugurale de l'Assemblée constituante serait reportée de 24 heure. Elle sera «organisée dans la paix, dans la tranquillité et avec tout le protocole nécessaire vendredi prochain à 11 heures du matin» a déclaré Nicolas Maduro lors d'une réunion avec des membres de cette assemblée composée de 545 membres, élus dimanche et chargés de réécrire la constitution.

    Un pays au bord du gouffre


    La Constituante se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l'Etat, et doit rédiger une nouvelle Constitution qui doit apporter la «paix» et permettre au pays de se redresser économiquement, selon le chef de l'Etat.


    Dimanche, opposants et forces de l'ordre s'étaient affrontés à Caracas et dans d'autres villes lors de batailles rangées. Selon l'ONG Foro Penal, le Venezuela compte quelques 490 «prisonniers politiques».


    Le Venezuela est au bord de l'effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon l'institut de sondages Datanalisis. L'UE a annoncé mercredi qu'elle refusait de reconnaître l'Assemblée constituante. «L'élection de l'Assemblée constituante a durablement aggravé la crise au Venezuela», a déclaré Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne. De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé les autorités «à faire tous les efforts possibles pour réduire les tensions» dans ce pays pétrolier au bord de l'abîme.