«Braqués à la kalach au rayon fromage» : 5 à 9 ans de prison pour le vol à main armée de l’Intermarché dans l’Oise

Ce mercredi, trois auteurs du braquage du 31 juillet 2019 à Moyvillers, au cours duquel 18 employés avaient été séquestrés, ont été reconnus coupables par la cour d’assises de l’Oise. Une page se tourne enfin pour nombre de victimes traumatisées.

Beauvais, ce mercredi. Des armes - factices - et des masques ont été utilisés lors des braquages. LP/Benjamin Derveaux
Beauvais, ce mercredi. Des armes - factices - et des masques ont été utilisés lors des braquages. LP/Benjamin Derveaux

    Notre série « Aux assises de l’Oise : la parole est aux victimes »

    Depuis le mardi 15 mars, quatre hommes sont jugés aux assises de l’Oise pour divers vols à main armée. Un bar-tabac, un supermarché, des car jacking… À chaque fois sans violence physique, mais ils ont laissé derrière eux près de 30 victimes traumatisées. C’est à ces dernières que nous avons souhaité donner la parole. Le verdict a été rendu ce mercredi 23 mars.

    Peu importent les arguments de la défense, Michel (le prénom a été changé) ne trouve aucune excuse à ses agresseurs. « On ne va pas les plaindre non plus, s’agace-t-il. Il fallait réfléchir avant ». Victime d’un vol à main armé le 19 juillet 2019 alors qu’il buvait « tranquillement » son café dans un bar-tabac d’Avrechy (Oise), le retraité le répète : « Nous n’avions rien demandé nous. » Et qu’on ne lui dise pas que les armes utilisées étaient factices. « Pour nous, le traumatisme est le même ! »

    À l’issue de sept jours de procès, la cour d’assises de l’Oise a condamné ce mercredi soir trois braqueurs - impliqués dans des car jacking et les vols à main armée de l’Intermarché de Moyvillers et du bar-tabac d’Avrechy pour un d’entre eux - à des peines allant de 5 à 9 ans de réclusion criminelle. Un quatrième homme, reconnu coupable d’avoir apporté sa complicité en faisant du repérage au supermarché, a quant à lui écopé de 36 mois de prison, dont 20 avec sursis.



    Avec ce jugement, c’est une page qui se tourne pour certaines des victimes de ces vols. « Symboliquement, ça va me permettre de passer à autre chose », glisse une employée de l’Intermarché qui a été très traumatisée. Pour une autre salariée, c’est le visionnage de la vidéo de l’attaque du supermarché qui a été salvateur. « Elle avait besoin que les jurés voient de leurs propres yeux ce qu’elle a vécu », explique son avocate, Me Domitille Risbourg.

    « C’était aussi une manière pour eux de retirer la cagoule à ceux qui les ont braquées et se rendre compte que derrière il y a des jeunes hommes avec des histoires différentes », ajoute Me Jérôme Pianezza, avocat du supermarché et d’une dizaine d’employés. Il faut dire que l’attaque de l’établissement, le 31 juillet 2019, est probablement le plus grave. Ce jour-là, 18 salariés avaient été attachés devant le rayon poissonnerie, le temps que les malfaiteurs s’emparent de leur butin, estimé à 20 000 euros. Certains s’étaient vus pointer une arme sur eux.

    Les gendarmes fautifs, selon la défense

    Selon les avocats de la défense, ce vol aurait pu tout simplement être évité. Lors de leurs plaidoiries, ils n’ont pas manqué de rappeler que l’équipe de braqueurs était pistée par les gendarmes de la section de recherches d’Amiens (Somme) depuis plusieurs jours. Comprendre : les malfaiteurs auraient pu être interpellés avant le vol à main armé du supermarché.

    « Des surveillances réalisées depuis plus de cinq jours et qui mettent en évidence que l’Intermarché de Moyvillers était visé », s’est insurgé Me Paul Sin-Chan, avocat de l’accusé qui a forcé une employée à le conduire au coffre-fort. Au deuxième jour du procès, Me Adel Fares avait même estimé qu’« hypothétiquement » les gendarmes auraient pu « éviter un certain nombre de traumatismes » s’ils étaient intervenus en amont.

    « Ils ont perdu la localisation de la voiture des braqueurs. Et quand celle-ci réapparaît, elle se trouve déjà devant le supermarché. À ce moment-là, le braquage a déjà commencé et une intervention des gendarmes serait trop dangereuse. Pour les victimes, comme pour leurs agresseurs », objecte Jérôme Pianezza, qui a surtout regretté les « réponses vagues » des accusés. « Il reste beaucoup de zones d’ombre, ce qui n’est pas forcément satisfaisant pour les victimes, estime-t-il. Ce sont quand même des gens qui ont été braqués à la kalach au rayon fromage. »