Plaidoyer pour un homme en colère

Plaidoyer pour un homme en colère

    Le chagrin et l'interminable attente auront terrassé Marcel Flinoy à l'aube de ses 80 ans. Avant ce procès qu'il espérait. « Il attendait cette confrontation avec les agresseurs de sa femme et il était angoissé », confie Françoise Mignan, sa nièce. Hier devant la cour d'assises de l'Oise, la jeune femme était seule sur les bancs de la partie civile. Son oncle est décédé un mois avant le procès de Harouna Sarr, 25 ans, Amadou Sow, 24 ans et Ercan Uyanic, 28 ans. Les trois prévenus répondent d'un car jacking (un vol violent de voiture en s'emparant des clefs) commis à Verneuil-en-Halatte, qui s'était soldé par la mort de Colette Flinoy, 73 ans, l'épouse de Marcel.

    Il s'était jeté sur ses agresseurs

    Avec beaucoup de délicatesse, Françoise a fait revivre la mémoire de son oncle foudroyé par une crise cardiaque : « Rien n'avait bougé dans la maison depuis la mort de ma tante. Toutes les affaires de Colette sont restées à leur place : son tablier dans la cuisine, ses chaussures dans l'entrée. »

    Me Aurélie Smagghe a côtoyé Marcel Flinoy pendant les deux ans d'instruction de l'affaire. C'est une avocate en colère qui prend la parole. Marcel aussi était en colère. « Très en colère. C'était un homme au caractère fort. Il attendait cette confrontation. Il ne les aurait pas lâchés des yeux ces trois-là. » Le jour du car jacking, Marcel a laissé parler son caractère en se jetant sur Sarr et Sow, taillés comme des basketteurs. « Tu te fous de ma gueule. Tu vas voir. » Et il assène deux coups de balai sur la tête de Sarr qui s'empare néanmoins de son Audi V6. Il se campe en travers de sa route pour empêcher la voiture de partir.

    Cet ancien cheminot adorait les Audi. « Il en achetait une nouvelle tous les deux ans. » C'était comme un bijou rare qu'il protégeait contre vents et marées, lui qui était allé travailler toute sa vie à mobylette.

    A tel point qu'après le drame, il va réclamer quasi quotidiennement son Audi que la justice a placé sous scellés. Au juge d'instruction, à son avocate. « C'était son cheval de bataille. Sa colère s'était transposée dans cette voiture. » En novembre Sarr et Uyanic sont interpellés. Sow un mois et demi après. « La colère est retombée alors », se souvient M e Smagghe.

    Mais tout chavire lorsque son Audi lui est restituée. « Il a plongé dans la tristesse. Il était épuisé », poursuit-elle. Ce combat l'avait achevé. Il lui en restait pourtant un à livrer : contre le médecin qui avait laissé sortir sa femme de l'hôpital, malgré une triple fracture du bassin. Lors du vol de l'Audi, Colette s'était retrouvée coincée entre le mur et la voiture. « Avec le procès du médecin la colère est remontée. La chute a été définitive quand il a appris la relaxe de l'urgentiste. »

    Marcel n'est plus un homme révolté, mais à bout de souffle. Ce procès d'assises n'est pas celui du médecin, mais celui de Sarr, Sow et Uyanic. Marcel le répétera à sa nièce avant de mourir : « Ce sont ces trois-là qui ont tué ma Colette.»