Paris : le projet de « ramblas » mis en œuvre, les grilles du square Richard-Lenoir sciées

En dépit de la mobilisation de plusieurs dizaines de riverains depuis lundi, les équipes de la Ville de Paris ont débuté ce matin le découpage des grilles autour des squares des boulevards Richard-Lenoir et Jules-Ferry.

Paris, 16 mai 2024. Supervisé par une vingtaine de policiers municipaux, le découpage à la scie des grilles du square Richard-Lenoir (XIe) a débuté ce matin sous le regard impuissant des opposants au projet de "ramblas". LP/Elie Julien
Paris, 16 mai 2024. Supervisé par une vingtaine de policiers municipaux, le découpage à la scie des grilles du square Richard-Lenoir (XIe) a débuté ce matin sous le regard impuissant des opposants au projet de "ramblas". LP/Elie Julien

    « Ça y est, les grilles sont en train d’être arrachées… Je me sentais en sécurité ici avec mes petits enfants », déplore Marianne. Ils le redoutaient et se relayaient depuis ce lundi 13 mai pour empêcher la Ville de Paris d’engager les travaux pour enlever une partie des grilles autour des squares des boulevards Richard-Lenoir et Jules-Ferry, dans le XIe arrondissement. Des dizaines de riverains opposés à ce projet de « ramblas » ont vu leur mobilisation coupée court ce jeudi matin.

    Dès 7 heures, des équipes d’ouvriers sont arrivées au niveau de la grille sud des jardins, du côté de la rue Voltaire, munis de leurs scies. « Ils détruisent tout. On va dépenser de l’argent alors qu’il n’y a pas beaucoup de squares aussi beaux et verts à Paris, regrette Céline, riveraine venue entre deux réunions. J’espérais quand même pouvoir les arrêter. »

    « Je ne vois pas où était l’état d’urgence »

    « Une vingtaine d’agents de la police municipale sont également sur place », décrit Martine, présidente du collectif Sauvons Jules et Richard, alors que les bruits métalliques des engins étouffent sa voix.

    Un dispositif qui paraît disproportionné face à la dizaine de riverains présents aujourd’hui. Fatoumata Kone, présidente du groupe écologiste de Paris, s’est même étonnée que des agents de la police municipale aient été envoyés sur place. « Je ne vois pas où était l’état d’urgence », questionne-t-elle.

    Paris, 16 mai 2024. Un dispositif d'une vingtaine de policiers municipaux supervisaient l'opération de découpage afin d'empêcher les riverains de s'interposer. LP/Elie Julien
    Paris, 16 mai 2024. Un dispositif d'une vingtaine de policiers municipaux supervisaient l'opération de découpage afin d'empêcher les riverains de s'interposer. LP/Elie Julien

    Les détracteurs de ce projet de « grande promenade plantée » entre Bastille et Stalingrad, annoncé par Anne Hidalgo pendant la campagne des dernières municipales, s’inquiètent de la perspective d’espaces verts accessibles 24 heures/24 et redoutent des nuisances nocturnes. Le sentiment de colère est donc plus que tangible chez les opposants. « La mairie passe en force », dénonce une internaute dans une publication X.

    Le premier adjoint (PS) d’Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire, rejette, lui, fermement ces accusations. « Ce n’est en rien un passage en force. Ce projet a été très longuement discuté avec les riverains. C’était un engagement de campagne. Nous avons suivi toutes les procédures légales », martèle l’élu socialiste.

    Plusieurs autres ont néanmoins témoigné de leur soutien aux riverains et disent partager leur incompréhension. « Les squares parisiens font partie de l’identité parisienne. Il faut arrêter de détruire ce qui fonctionne bien », insiste Maud Gatel, présidente du groupe MoDem démocrates et écologistes au Conseil de Paris.

    Mais aux yeux de François Vauglin, « si on les retire c’est pour permettre une appropriation collective de l’espace public. C’est pour les promeneurs ou les coureurs qui ne font que passer par là sans s’arrêter sur un banc. Aujourd’hui le passage est impossible. Les opposants au projet sont une poignée de riverains qui font beaucoup de bruit alors que beaucoup d’habitants du quartier sont favorables. On a même un collectif qui défend le projet qui s’est créé spontanément. Ça fait un an déjà qu’on le repousse, qu’on poursuit les discussions… Ce n’est jamais le bon moment pour eux. Mais il est temps de passer à l’action. »

    « Suppression arbitraire »

    L’élu (Horizons) du XVIIIe et coprésident du groupe Indépendants et progressistes au Conseil de Paris, Pierre-Yves Bournazel, a lui aussi dénoncé sur les réseaux sociaux la méthode employée par la mairie : « Inacceptable ! Depuis plusieurs mois, avec les habitants, nous défendons un projet alternatif pour la protection du patrimoine et la biodiversité. La Ville de Paris fait abstraction, une fois de plus, de la volonté de co-construction des riverains… » s’est-il insurgé. Il affirme d’ailleurs avoir adressé un nouveau courrier à la maire de Paris pour qu’elle renonce à ce projet.

    « Hier, en conseil, nous avons déposé un vœu demandant à la majorité d’Anne Hidalgo de sauver les grilles des squares du boulevard Richard-Lenoir. Vœu rejeté par les socialistes et les verts ! Ce matin, le démontage des grilles commence ! Au mépris de nos alertes ! Une honte ! » s’emporte pour sa part l’élue (LR) Nelly Garnier.

    La maire du VIIe arrondissement de Paris et ministre de la Culture, Rachida Dati, y est elle aussi allée de sa publication indignée et demande à ce que « la Ville de Paris s’engage à conserver les grilles compte tenu de leur valeur patrimoniale, et pour permettre la réversibilité de leur suppression arbitraire ».

    « On trouve que ce n’est pas correct de faire les travaux alors qu’on a déposé un référé suspensif qui doit être jugé mercredi prochain, ajoute à son tour la présidente du collectif. C’est impressionnant de bêtise. Contrairement à ce que dit le maire, la concertation était lacunaire. Elle était orientée. »

    Selon elle, le maire du XIe, François Vauglin, avait même promis lors du conseil d’arrondissement qui se tenait ce mercredi soir d’organiser une réunion publique sur le nouveau projet au mois de juin. Elle s’agace donc de voir que les travaux démarrent avant même cette réunion. Ce qui est certain, c’est qu’à 10h30, les grilles fermant le parc des deux côtés ont déjà été sciées. « Mais ce n’est que le début », annonce un petit groupe du collectif attablé au café voisin.