À un mois des régionales, Emmanuel Macron raconte sa France intime

Dans la revue Zadig, le chef de l’État s’épanche longuement sur ses lieux préférés. Et revient sur l’épisode des Gilets jaunes.

Dans son interview au magazine Zadig, Emmanuel Macron évoque de nombreuses régions et villes françaises, notamment Amiens, ou encore Saint-Cirq-Lapopie, dans le Lot, qu'il a découvert lors d'un déplacement présidentiel. Reuters/Gonzalo Fuentes
Dans son interview au magazine Zadig, Emmanuel Macron évoque de nombreuses régions et villes françaises, notamment Amiens, ou encore Saint-Cirq-Lapopie, dans le Lot, qu'il a découvert lors d'un déplacement présidentiel. Reuters/Gonzalo Fuentes

    Difficile d’y voir un simple hasard de calendrier. À un mois des régionales et en amont du « tour de France » du président pour « prendre le pouls du pays », Emmanuel Macron revient sur son rapport au pays dans une interview fleuve au trimestriel Zadig. « J’avais sollicité le président en octobre, raconte le directeur de la revue, Éric Fottorino. L’entretien a finalement été réalisé il y a un mois. Dans Zadig, des personnalités parlent de leur France. Je voulais que le chef de l’État, à qui ses détracteurs reprochent souvent de pas avoir de dimension charnelle avec le pays ou ne pas l’avoir manifesté, raconte sa France intime. »

    Dans ce récit, il y a bien sûr des étapes connues. Comme Amiens, ville de naissance d’Emmanuel Macron. Son grand-père qui travaillait pour la SNCF y avait posé ses valises, à la faveur d’une mutation. Le futur président grandit dans une « bulle plutôt heureuse ». Il passe « d’incalculables heures dans une bibliothèque ». Il découvre aussi les usines qui ferment et la « morsure de la désindustrialisation ».

    Les vacances, elles, se déroulent à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), un « vert paradis où je continue d’aller, le lieu d’origine de mes grands-parents ». « J’ai grandi dans les souvenirs de ma grand-mère, ajoute-t-il. J’ai donc une vision de la France qui n’est pas du tout celle de ma génération, je dois bien l’avouer. Je suis comme désynchronisé. » Ce lieu lui revient régulièrement en mémoire quand il voit « la chaîne des Pyrénées sous un angle très particulier (…) avant que les coureurs du Tour de France n’attaquent le Tourmalet ». Une référence pas anodine : son intervieweur Éric Fottorino est un passionné de vélo, régulièrement invité à commenter la Grande boucle en direct à la télévision.

    Un récit national peaufiné

    Voilà pour les haltes prévisibles. Mais le président n’en reste pas à ces coups de cœur là. Il narre ses années d’études au Quartier latin à Paris, où, étudiant, il vivait dans une chambre de bonne. Et confie sa passion pour Marseille, qu’il dit aimer « infiniment » et où ce fan de l’OM passa ses premiers congés d’été comme chef de l’Etat. « C’est une ville où, comme dans tous ces grands ports, on arrivait, on s’installait, on était arménien, algérien, on devenait marseillais avant d’être français », souligne-t-il.

    Puis, Emmanuel Macron évoque les lieux découverts à la faveur des déplacements officiels : le Lot, notamment « Figeac », « Cahors », « Saint-Cirq-Lapopie ». Ou encore l’Est de la France, arpentée pendant l’itinérance mémorielle sur la Première Guerre mondiale. Moins attendu, il évoque la Seine-Saint-Denis avec des trémolos dans la voix. C’est « le département le plus jeune de France, avec deux aéroports internationaux, le plus important stade sportif et le plus grand nombre de créations de start-up par habitant, insiste-t-il. Il ne manque que la mer pour faire la Californie… C’est aussi le seul endroit où l’on a assumé d’être un pays d’immigration, qui intègre, qui élève les enfants nés ici comme ailleurs ».



    Il confie avoir eu sur place les intuitions qui l’ont guidé dans la gestion de crise : la nécessité de rouvrir les écoles, la responsabilisation individuelle des Français en matière de gestes barrière, etc. Les mauvaises langues diront que le président n’oublie aucune région. À l’orée de la présidentielle, il tresse des lauriers à la Bretagne, la Saône-et-Loire, L’Eure ou le Puy-de-Dôme, « terre d’industrie, d’élevage ». N’en jetez plus !

    Après la géographie, l’histoire. Dans cet entretien, Emmanuel Macron revient sur l’épisode des Gilets jaunes. Il s’agit, analyse le chef de l’Etat, d’ « un retour de la violence dans la société. On retrouve un des fondamentaux de notre vieux pays, fait de jacqueries. Cette idée que, lorsque la colère et la peur se nouent, tout devient possible ». Puis, il compare les turbulences contemporaines à la « fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance. C’est l’époque des grandes peurs, de phénomènes qui forgent un peuple, je dirais même de la réinvention d’une civilisation ». Avant d’entrer dans le vif de la présidentielle, Emmanuel Macron peaufine son récit national.