Gilets jaunes : Drouet, Ludosky... quelles têtes pour incarner la colère ?

S’il souhaite avoir un avenir politique, le mouvement devra s’incarner. Les prétendants sont nombreux.

 Paris, samedi 5 janvier. Priscillia Ludosky fait partie des figures qui ont émergé des Gilets jaunes : c’est elle qui a lancé notamment la pétition originelle contre la hausse des taxes du carburant.
Paris, samedi 5 janvier. Priscillia Ludosky fait partie des figures qui ont émergé des Gilets jaunes : c’est elle qui a lancé notamment la pétition originelle contre la hausse des taxes du carburant. LP/Olivier Corsan

    Un gigantesque gilet jaune. Et pour l'instant personne pour se glisser officiellement, durablement dedans. Le mouvement de protestation paré de fluo déferle sur le pays depuis près de deux mois. Il a trouvé sa force dans un ras-le-bol généralisé, sans figure emblématique qui serait le berger de cette colère populaire. Mais le mouvement peut-il prétendre se présenter à des élections, ou passer l'hiver, s'il n'est pas un minimum coordonné? Incertain.

    Au sein des Gilets jaunes, plusieurs figures ont émergé. Plébiscités par les réseaux sociaux ou révélés dans les médias. Éric Drouet, chauffeur routier de Seine-et-Marne de 33 ans, attire le plus l'attention. Il a même reçu les louanges de Jean-Luc Mélenchon. Ce père de famille s'est illustré en allant provoquer son arrestation pour dénoncer les « méthodes » de l'État. Mais même chez les Gilets jaunes, Drouet divise.

    Il est réputé proche de Priscillia Ludosky et Maxime Nicolle, deux autres figures influentes du mouvement. Nicolle, alias « Fly Rider », publie régulièrement des vidéos à tendance complotiste très regardées sur Facebook et n'hésite pas à prédire un soulèvement armé! Mais de là à emmener à eux seuls le mouvement… Une myriade de porte-parole locaux existent, mais sans lien entre eux. « Il faudrait que l'on puisse échanger entre nous », confie François Boulo, jeune avocat et porte-parole des Gilets en Normandie.

    Dupont-Aignan en gilet fluo

    Attirées par la lumière, des personnalités - ou des people - ont tenté d'apporter leur soutien de « figure populaire » au mouvement. Le chanteur Francis Lalanne souhaite participer à la constitution d'une liste aux européennes – « c'est le droit et le devoir du peuple de se révolter », a lancé, opportuniste, celui qui s'était déjà présenté aux européennes en 2009. L'écrivain-trublion Alexandre Jardin a lui aussi annoncé soutenir l'idée de liste. Mais on ignore si des suites seront réellement données à ces coups d'éclat médiatiques.

    Reste la classe politique, qui observe le mouvement avec gourmandise. Ils sont plusieurs à avoir tenté de le récupérer ostensiblement. Le patron de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a rapidement revêtu le gilet, tout comme l'ex-frontiste Florian Philippot, isolé à la tête de son parti Les Patriotes. Tous espèrent que cette dynamique sera autant de vent dans leurs voiles aux européennes. Les Insoumis ont eux aussi foncé tête baissée dans le soutien au mouvement, expliquant que les Gilets jaunes portaient les mêmes revendications que Mélenchon.

    « Porte-parole du peuple »

    « Ce qui compte, ce sont les pas de géants que font les propositions de notre programme dans l'esprit et la conviction du grand nombre dans ce pays », a écrit le leader des Insoumis sur son blog ce samedi, persuadé que le mouvement, sur le fond, joue pour lui. Même si c'est lui qui semble plutôt courir après. Électron libre chez les Insoumis, François Ruffin était avant la trêve des confiseurs le plus actif, sautant de rond-point en rond-point, se revendiquant même « porte-parole du peuple ».

    Mais les poils des Gilets Jaunes se hérissent dès qu'approche de trop près un politique. Et cela, Marine Le Pen l'a bien compris. Tapie dans l'ombre, la patronne du RN, dont l'image était ternie depuis la présidentielle, reste à distance, persuadée, elle aussi, que le Gilet jaune porte, en filigrane, ses initiales.