Macron : une lettre pour ouvrir le grand débat

Avec cette missive, diffusée dans la presse et sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron interpelle les Français pour qu’ils participent à la consultation nationale qui s’ouvre ce mardi.

 La lettre aux Francais du président de la République .
La lettre aux Francais du président de la République . AFP/Ludovic MARIN

    Deux jours enfermés dans son bureau élyséen. Et prière de ne pas déranger. « Il travaille sa lettre, peaufine le moindre détail. Chaque mot compte », explique en plein cœur du week-end un proche d'Emmanuel Macron. Ce dimanche soir, le chef de l'Etat a fini par envoyer sa « lettre aux Français » aux rédactions. Nous en dévoilons l'intégralité : 2335 mots précisément, pour justifier son projet présidentiel, réaffirmer sa capacité à réformer. Et inviter chacun à prendre la parole.

    L'exercice est inédit sous la Ve République, à l'exception de François Mitterrand (1988) et Nicolas Sarkozy (2012), qui eux l'avaient fait dans un cadre purement électoral. Aujourd'hui, le contexte est tout autre : empêtré depuis des semaines dans la crise des Gilets jaunes, le président de la République entend reprendre la main en s'adressant donc directement aux Français par cette missive. Et il veut donner les contours du grand débat national qu'il lance ce mardi et pour deux mois.

    Car c'est bien là l'objectif. « Ce débat devra répondre à des questions essentielles qui ont émergé ces dernières semaines », insiste le chef de l'Etat, sans pour autant en dévoiler les modalités pratiques. Au préalable, il a rappelé en guise d'introduction les préceptes de liberté, d'égalité et de fraternité qui guident notre nation. Et « la fierté d'être Français ». Comme pour mieux poser sa première condition : « n'accepter aucune forme de violence. […] Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait! », sermonne ainsi Macron, marqué par les heurts qui ont encore émaillé les rassemblements de Gilets jaunes ce week-end.

    33 questions pour débattre. Alors ce grand débat, qui commencera pour lui par un déplacement ce mardi dans l'Eure, doit être l'occasion d'une grande remise à plat. « Pas de questions interdites », assure-t-il. « Pas de sujet tabou, on n'a peur d'aucun sujet », enfonce son entourage, même si les débats seront contenus autour de quatre thèmes : la transition écologique, la fiscalité, la démocratie et la citoyenneté, l'organisation de l'État et des services publics. Dans sa lettre, Macron ne se prive pas d'apporter en creux sa propre contribution, tout en interpellant régulièrement le lecteur par des questions ( 33 au total). Manière de montrer qu'il prendra en compte leur jugement, tout en prévenant que ce débat ne sera « ni une élection, ni un référendum ».

    Un pas de deux sur l'écologie. La hausse sur la taxe carbone avait déclenché le mouvement des Gilets jaunes, et c'est tout naturellement que la transition écologique avait été placée par Édouard Philippe comme le premier thème du débat. Mais en lisant Emmanuel Macron, on note un petit changement : la question environnementale est désormais reléguée au troisième rang, au profit de la fiscalité et de l'organisation de l'Etat. « La lecture des cahiers de doléances ouverts en mairie depuis trois semaines a montré que l'écologie arrivait très loin après les sujets de pouvoir d'achat. Il en a tenu compte », explique tout simplement un proche. « Aujourd'hui, personne ne conteste l'impérieuse nécessité d'agir plus vite. Plus nous tardons à nous remettre en cause, plus ces transformations seront douloureuses », se rattrape néanmoins le président pour donner des garanties de son volontarisme aux écologistes.

    Pas de remise en cause de l'ISF. Malgré les coups de boutoir de l'opposition, et même de quelques membres du gouvernement, le chef de l'Etat n'entend pas remettre en cause la suppression partielle de l'impôt sur la fortune. « Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d'encourager l'investissement et faire que le travail paie davantage », s'arc-boute-t-il. Et tant pis si les Gilets jaunes ont fait de ce sujet un de leurs totems. On peut parier que le sujet sera largement abordé lors des débats.

    Vers une immigration choisie? Édouard Philippe s'était refusé à mettre un cinquième thème, celui de l'immigration et de la laïcité, sur la table des discussions, car potentiellement trop clivant et trop explosif. Emmanuel Macron, lui, revient à la charge : « En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asiles remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement? », interroge-t-il, en laissant planer l'hypothèse d'éventuels quotas d'immigration. Un clin d'œil, peut-être, aux électeurs de Marine Le Pen, sa principale adversaire en vue des prochaines européennes.