Quatre questions pour des millions

Quatre questions pour des millions

    Pourquoi le Qatar investit en France ? Le Qatar a créé en 2005 un fonds souverain (c'est-à-dire un fonds de placements financiers détenus par un Etat), la Qatar Investment Authority (QIA), pour diversifier une économie tournée exclusivement vers le gaz et le pétrole. Présidée par le Premier ministre, beau-frère de l'émir, la société a un seul but : faire fructifier ses liquidités en investissant dans l'immobilier et en entrant au capital de sociétés. Estimé entre 60 et 80 milliards de dollars, « le fonds n'est pas le mieux doté de la péninsule, mais il est celui à qui l'on promet le plus bel avenir », commente Barah Mikaïl, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques.

    L'Europe représente un tiers des investissements de Qatari Diar, la société chargée de réaliser les opérations financières pour le compte du fonds souverain. Si les investissements qataris sont plus importants à Londres, Paris a les faveurs de la famille régnante.

    Comment se décident ces investissements ? Une société dénommée Elypont SA, présidée par Guy Delbès, étudie les dossiers et les transmet à Doha. « Les Qataris ne s'intéressent pas à ce qui se trouve au-dessous de 100 millions d'euros », dit-il. Le cabinet Deloitte conseille également la famille régnante.

    Mais ce sont l'émir et le Premier ministre, président du QIA, qui donnent les instructions.

    Le rachat d'un vaste ensemble de bureaux entre Opéra et Madeleine, estimé à plus de 300 millions d'euros, et un autre sur les Champs-Elysées pour 160 millions d'euros sont à l'étude.

    Pourquoi l'immobilier est-il prioritaire ? « C'est ce qu'ils connaissent le mieux », répond Guy Delbès. Longtemps, les Qataris n'ont juré que par le triangle d'or (Champs-Elysées, avenue Montaigne, avenue George-V). L'immobilier leur assure des rendements à 5 % ou 5,5 %.

    « Il y a quelques années, ils ont racheté l'immeuble Fauchon à la Madeleine, et l'ont revendu à un groupe espagnol avec un bénéfice de 30 % », se souvient un professionnel.

    Le maire de Paris travaille à leur faire connaître d'autres arrondissements. « On les a beaucoup dragués lors du déplacement du maire à Doha, confie l'entourage de Delanoë, pour leur présenter les dossiers de Paris nord-est et de Paris rive gauche (NDLR : deux quartiers en cours d'urbanisation).

    » Les Qataris ont aussi soutenu Jean Nouvel pour boucler le projet de la tour Signal à La Défense.

    Quels sont les intérêts de la France ? Les fonds du Golfe représentent une manne financière considérable pour les pays occidentaux. La crise ne les a pas épargnés, mais, au plus gros de la tempête, ils détenaient avec les fonds asiatiques les dernières réserves de cash de la planète. Accueillir les Qataris en France, c'est aussi entretenir les liens avec un pays dont les échanges commerciaux sont de plus en plus importants. A l'Elysée, on explique : « Le Golfe, c'est stratégique sur le plan économique. Leurs fonds sont bienvenus car ils ne sont pas spéculatifs. Les Qataris veulent investir à long terme dans un but productif. »