Les comptes étranges de Pain Plus Distribution

Les comptes étranges de Pain Plus Distribution

    Les traits crispés, 26 salariés de Pain Plus Distribution se rassemblaient hier sur le site de leur usine, à Bondy-Nord. Depuis trois semaines, leur entreprise de boulangerie industrielle est en liquidation judiciaire. Les salaires de février n'ont pas été versés. La comptable, en arrêt maladie, refuse de donner le code de son ordinateur, qui contient le logiciel de paie.

    Entre four et pétrin, l'inquiétude se lit sur les visages dont certains refoulent des larmes. « J'ai trois mois de retard sur mon loyer, témoigne Patricia, vendeuse. C'est bientôt la fin de la trêve hivernale et j'ai peur d'être expulsée. J'ai été embauchée il y a deux ans, je croyais en avoir fini avec la précarité. » Le désespoir et l'amertume gagnent ces travailleurs qui accumulent les difficultés financières. Les mois de novembre, décembre et janvier avaient déjà été payés en retard, début février.

    L'entrepreneur, Lazare Karroupi, lui, tombe des nues en épluchant les comptes. Il y a un an, il rachetait l'entreprise, mais laissait les anciens propriétaires aux postes de gérant (avec un CDD d'un an) et comptable. Depuis la liquidation judiciaire, il a repris les rênes de Pain Plus et découvre des bizarreries. Quatre boulangers, salariés depuis plus de trente ans, étaient payésâ?¦ au smic, 8,71 â?¬ de l'heure.

    « Mon erreur, c'est d'avoir fait confiance »

    « J'ai demandé plusieurs fois des augmentations », raconte Ahmadi. Mais le patron a toujours refusé. Quoi que je dise, de toute façon, il n'écoutait pas. » « C'est incroyable, renchérit Lazare Karroupi. On ne peut pas rester trente-trois ans dans une entreprise sans avancement. » Patron et employés sont sur la même longueur d'onde.

    L'examen des papiers a livré d'autres surprises. Une complémentaire santé a été souscrite au profit du gérant, de la comptable et des membres de leur famille, une douzaine de personnes au total, pour un montant de 11 000 â?¬ payé en décembre par l'entreprise. Une époque où les autres employés attendaient leur salaire. En décembre encore, le même gérant quittait l'entreprise après un CDD d'un an, avec un chèque de 34 000 â?¬. Lazare Karroupi assure ne pas avoir été informé de ces deux opérations. « Mon erreur, dans cette affaire, c'est d'avoir fait confiance », reconnaît-il aujourd'hui. La semaine dernière, alors qu'il pensait encaisser des factures de clients, il a découvert que le logiciel concerné était mystérieusement inutilisable.

    « L'urgence aujourd'hui, c'est leur salaire de février, et un licenciement dans les formes pour qu'ils touchent le chômage », résume Lazare Karroupi. Mais l'obstacle reste le même. Un huissier doit être mandaté aujourd'hui pour recueillir le fameux code de l'ordinateur de la comptable.