Biathlon : talent, famille, argent… Martin Fourcade revisite sa carrière

Il y a deux mois, le biathlète quintuple champion olympique tirait sa révérence à 31 ans. Retour sur un parcours et un sportif hors normes.

 Martin Fourcade a stoppé sa carrière à la mi-mars après avoir remporté tous les plus grands titres dans le monde du biathlon.
Martin Fourcade a stoppé sa carrière à la mi-mars après avoir remporté tous les plus grands titres dans le monde du biathlon. LP/Arnaud Dumontier

    Il y a deux mois, Martin Fourcade choisissait, à 31 ans, de mettre un terme à son incroyable carrière. Le confinement lui a permis de partager enfin du temps avec Hélène sa compagne, Manon et Inès, leurs deux petites filles. Retour en quelques mots sur le parcours de l'un des plus illustres sportifs français.

    Carrière

    « Elle passe plus vite qu'on l'imagine. Très tôt, je me suis rendu compte qu'aux yeux du public et du staff, on passait vite du statut de jeune prometteur à celui d'athlète usé. Du coup, le leitmotiv a été : Prends tout dès que tu peux. On n'est jamais trop jeune pour être médaillé olympique. Oui, c'est passé vite - les JO de Vancouver, je n'ai pas l'impression que c'était il y a dix ans - mais comme j'ai cette sensation d'avoir profité de tout, je ne me retourne pas en disant : Ah mince, c'est déjà fini. »

    Travail

    « J'ai travaillé, oui, mais pas plus que les autres. Il n'y a pas de secret, j'ai fait un sport où sans travail tu ne réussis pas. Mais ce serait mégalo de dire que j'ai été bon parce que j'ai plus travaillé que les autres. »

    Talent

    « C'est un préalable mais le talent ne suffit pas, il faut du travail, du mental, de l'investissement. Je ne le renie pas, j'avais des qualités, notamment cardiaques, mais je suis sûr que ce n'est pas là-dessus que j'ai fait ma carrière. C'est plus sur mes facultés mentales, et ça, je ne le vois pas comme du talent. »

    Perfection

    « Elle m'a guidé sur la fin de ma carrière, sur l'après Sotchi. Jusqu'aux Jeux de 2014, je recherchais la victoire, qu'importe la manière. Après Sotchi, pour nourrir ma motivation, j'ai eu ce besoin de me rapprocher de la perfection. »

    PODCAST. Martin Fourcade : itinéraire d'un géant du sport français

    Doute

    « Il a été présent quotidiennement, tout au long de ma carrière, même quand ça marchait. Beaucoup pensent que le sportif de haut niveau est un être qui a une confiance absolue en lui. Oui, j'avais confiance en moi, mais aussi une part de doute, qui m'obligeait à m'investir davantage. Les doutes ont été différents selon les moments de ma carrière. Doute dans ces conditions - la neige, le vent, la forme du jour - qui rappellent qu'on pratique un sport aléatoire. En 2019, j'ai douté de mes capacités. En 2020, je me suis demandé si je réussirais à relever le défi de revenir au top. »

    Collectif

    « Le sens du collectif s'est développé chez moi, car ce n'était pas du tout quelque chose d'inné. J'ai avant tout choisi un sport individuel et, peu à peu, j'ai accepté le fait qu'il y avait un groupe autour de moi. En 2018, en devenant papa, en acceptant ce rôle de porte-drapeau aux JO mais aussi, sans doute, parce que je savais que je m'approchais de la fin de ma carrière, j'ai eu cette envie de partage. La notion de collectif a pris un autre sens, le titre de champion du monde par équipes cette année est un joli signe. C'est le moment de ma carrière où, humainement, je le méritais le plus. »

    Fratrie

    « Simon m'a accompagné du début à la fin. J'ai commencé le biathlon pour suivre mon grand frère, je ne peux que le remercier pour tout ça. Même pour les moments difficiles, qui nous ont obligés à nous adapter, qui nous ont fait grandir et qui m'ont sans doute rendu meilleur parfois. On a vécu de beaux moments, des périodes plus délicates mais, sans la fratrie, cette histoire n'existe pas. »

    Martin Fourcade lors de la dernière course en public de sa carrière, le 12 mars, à  Kontiolahti, en Finlande./Icon Sport/Manzoni
    Martin Fourcade lors de la dernière course en public de sa carrière, le 12 mars, à Kontiolahti, en Finlande./Icon Sport/Manzoni LP/Arnaud Dumontier

    Famille

    « Ma compagne et mes deux filles ont été un moteur. Le confinement a un peu permis de rattraper tout le temps que je leur ai pris ces dernières années. Elles ont joué un grand rôle, notamment l'an dernier. Il n'y avait que du négatif sur le plan sportif et elles m'ont apporté une vraie bouffée d'oxygène. Les saisons où j'ai le plus performé, sont celles où j'ai été papa. Sans doute parce que je savais que, quoi qu'il se passait sur la piste, mes filles étaient là. »

    Amour

    « Je dois beaucoup au public, d'autant que ce n'est pas moi qui ai créé ce lien. Assez égoïstement, je me suis lancé dans une carrière de sportif pour me prouver que j'étais capable de réussir des choses. C'est pour ça que le gamin de 15 ans que j'étais est parti un jour à 800 km de chez lui. Le public m'a adopté et a transformé une quête individuelle en une aventure collective. J'ai terminé ma carrière sur un huis clos et j'ai encore plus pris conscience de l'importance des supporters. Regarder une course de biathlon sans public à la télé, c'est moins sympa, la vivre en tant que sportif sur la piste, c'est carrément très étrange. »

    Argent

    « J'ai galéré pendant quelques années. Mes parents avaient des revenus modestes, deux de leurs trois enfants en appartement, du matériel à acheter, des compétitions à financer. De 2004 à 2009, ils ont fait des sacrifices. L'argent est venu au fur et à mesure, j'ai atteint des sommes que je n'aurais pas imaginées en tant que biathlète. Ce n'est ni une fierté, ni une honte. Je suis transparent vis-à-vis de ça. Oui, j'ai de revenus importants, mais j'estime qu'il y a une pudeur à avoir dans ma façon de consommer. »

    Avenir

    « Il est dans le sport. Je l'aime passionnément et c'est ce qui a rendu ma décision d'arrêter si difficile. Je trouverai d'autres chemins pour l'exprimer. J'espère m'investir davantage dans l'aventure Paris 2024. J'ai la volonté de représenter les athlètes au CIO en 2022, de continuer à donner à mon sport. Je ne vais pas mentir, je n'ai pas d'autres pistes. Je n'ai pas arrêté parce que j'avais un plan tout tracé mais parce que je ressentais au plus profond de moi que c'était le moment de tourner la page. »