Coupe Davis : Lucas Pouille, le Nord c’est chez lui

A Lille, le numéro deux français sera presque à domicile pour disputer la finale face à la Belgique.

    A Lille, pour la finale France - Belgique à partir de vendredi, c'est en quelque sorte Lucas Pouille qui reçoit… Sur le court du stade Pierre-Mauroy, le n° 2 français ne sera qu'à quelque 90 km de chez lui.

    Chez Lucas, c'est encore un peu plus haut, vers la mer du Nord. C'est Grande-Synthe, où il est né voilà 23 ans, c'est Loon-Plage, collé à Dunkerque, où vit toujours sa famille et où il a toujours sa licence au club de ses débuts. C'est là qu'il a grandi, étudié, joué et découvert le tennis avant de parcourir le globe pour le circuit professionnel.

    Le Nord, c'est là que sont ses racines, comme en témoignent les quelques clichés ci-dessous, tous extraits de la collection familiale. Quand vendredi, le 18e joueur mondial entrera en scène pour défier le n° 1 belge David Goffin (7e), le soutien de près 20 000 spectateurs et le frisson n'en seront que plus forts.

    A 3 ans, Lucas jouait gardien

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    Lena, la maman de Lucas Pouille, pensait tenir un footballeur. Elle était loin de se douter que derrière ce gardien de but en herbe se cachait un futur champion de tennis. « Sur cette photo, Lucas n'a que trois ans mais s'il avait pu, il serait déjà allé jouer au football en club, assure-t-elle Malheureusement, c'était impossible. Là, il est dans le jardin de la maison familial. Nous venions d'emménager et le gazon n'était pas top. »

    A 5 ans, élève modèle à l'école maternelle

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    « Sur cette photo, prise pendant la Semaine du Goût, Lucas doit avoir 5 ans, se souvient sa mère. C'est à l'école primaire publique Gérard Philipe de Loon-Plage. Il n'était pas difficile par rapport la nourriture. A part les champignons, il était assez curieux de choses nouvelles. Il aimait les lasagnes et les boulettes de viande que je préparais. Beaucoup aussi les tartines beurre-confiture de fraise mais par-dessus les montagnes de beignets que je faisais pour ses frères, ses copains et lui… »

    Sur le plan scolaire, Lucas donnait toute satisfaction : « C'était un enfant facile, appliqué et très attentif aux consignes, poursuit sa maman. Ses cahiers étaient toujours très propres. Mais à la maison, il avait besoin de beaucoup bouger, il ne restait pas assis. Le quartier était assez neuf quand nous nous sommes installés. Par conséquent, il y avait beaucoup de jeunes enfants avec lesquels jouer dans la rue. »

    A 6 ans, attaquant au FC Loon-Plage

    Dès son plus jeune âge, bien avant le tennis, Lucas a tapé dans le ballon. « Nous avons commencé en école de foot au FC Loon-Plage, témoigne Florian Lecerf, à la droite de Lucas. Cette photo a certainement été prise peu après, à l'occasion d'un plateau débutants, pour les 5-6 ans. Quand Lucas et moi étions poussins dernière année (NDLR : 10 ans), nous avons été surclassés pour jouer en benjamins (NDLR : 11-12 ans). Lucas était plutôt attaquant et moi défenseur. C'était une très bonne époque, on était un bon groupe de copains. On s'est suivi jusqu'en benjamins. Lucas a arrêté vers 10-11 ans. Moi, j'ai arrêté le foot pour faire du judo deux ans après lui. Dès sa première année de tennis, il a été repéré par la ligue. Au début, on a été étonné, étant donné qu'il avait commencé le tennis assez tard (NDLR : vers 7 ans et demi). Mais même après qu'il a eu arrêté le foot, on a continué à faire des foots dans son jardin avec son papa. »

    Aujourd'hui employé chez EDF dans une centrale nucléaire de la région centre, Florian, qui a raccroché le kimono voilà deux ans, suit Lucas à distance : « Ça fait longtemps que je ne l'ai pas croisé mais d'après ce que me disent mes proches, il est resté le même. »

    A 11 ans, Lucas s'entraîne 12 heures par semaine

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    Fin 2004, Lucas l'emporte contre son camarade Pierre Maes en finale d'un Tournoi Multi Chances (TMC) catégorie « 11 ans » organisée par la Ligue des Flandres à Malo-les-Bains - Dunkerque. « C'est l'année précédant son intégration au pôle France de Poitiers, précise Frédéric Jonas, CTR de la Ligue des Flandres. « A cette époque, Lucas s'entraînait en club le lundi et le samedi. Je l'entraînais le mardi et le vendredi à Malo en individuel et en cours collectifs, ainsi que le mercredi à la Ligue des Flandres de Marcq-en-Baroeul dans le cadre d'un programme d'entraînement pour les 10-12 ans qui concernait 6 ou 7 enfants. On était sur une douzaine d'heures par semaine, en moyenne. A l'époque, Lucas n'était pas un extraterrestre mais on pressentait quand même un potentiel intéressant. Il était dans les dix meilleurs Français de son année de naissance. Au printemps-été suivant, il a éclaté au niveau national et c'est là qu'il s'est vu proposer le pôle France de Poitiers pour la rentrée suivante. »

    Quel jeune ado était-il ? « Sérieux au sens de calme, pour ne pas dire introverti, ajoute Jonas. Consciencieux, concentré sur ses actions, posé. Il n'était pas le comique de service mais était bien sans baskets et déjà un peu mature. Il avait pour lui un environnement familial avec l'investissement indispensable requis mais vraiment détaché, accordant sa confiance. » Pour l'anecdote, Pierre passe actuellement son diplôme d'Etat en vue d'enseigner le tennis.

    A 18 ans, dernier match au TC Loon-Plage

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    Ce dimanche 8 avril 2012, Lucas pose en compagnie du Belge Kimmer Coppejans, un camarade de club exactement du même âge que lui, et de Christophe Zoonekynd, son premier entraîneur et toujours capitaine de l'équipe du TC Loon-Plage.

    « Ce jour-là, c'est vraisemblablement la dernière fois que Lucas a joué en interclubs à domicile, l'année de notre montée en Nationale 4, précise Zoonekynd. Ensuite, il a fait la finale de poule avec nous à la Ligue des Flandres. Il s'est blessé en simple et n'a pas pu disputer Roland-Garros juniors en mai… Kimmer, qui était nettement moins fort et moins impressionnant… Mais c'est lui qui a gagné Roland-Garros juniors deux semaines plus tard… »

    Zoonekynd, dont l'équipe est désormais en N1A (la 2e division) et compte toujours Coppejans (ex-top 100, 262e) dans ses rangs, caresse l'espoir de pouvoir aligner son ancien protégé au TCLP (club dont il suggère parfois qu'il devrait être rebaptisé « TC Lucas Pouille »). « Lucas, c'est le gamin formé au club et celui à partir duquel le projet a démarré pour les interclubs. Depuis le départ de Lucas, la Mairie a fait depuis de gros efforts financiers pour l'équipe en espérant que Lucas revienne jouer à domicile. On n'est plus très loin de l'élite. Et pour Lucas, la fenêtre de novembre est plus favorable que celle de mai. Si on n'arrive à faire ne serait-ce qu'une rencontre à domicile avec notre top 20 mondial formé au club, Kimmer et tous ceux qui ont amené l'équipe à ce niveau, l'histoire sera super belle. »

    A 18 ans, en balade sur une plage de la Mer du Nord

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    Quel meilleur terrain de jeu qu'une plage du nord pour un jeune athlète local ? « Cette photo a été prise en automne, sur la plage de la Digue du Braek, à 7 ou 8 km de la maison, explique Lena, la maman. A ce moment-là, Lucas devait être dans sa dernière année à l'Insep ou dans sa première au Centre national d'entraînement de Roland-Garros (CNE). Je me souviens qu'il avait un petit problème à la cuisse et qu'il devait la mettre au froid. Donc, les bains de mer lui étaient recommandés. Là, Lucas est accompagné par notre chien Rox qui, hélas, est parti il y a un an maintenant. »

    A 20 ans, son unique Carnaval de Dunkerque

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    Lucas (à droite) et Nicolas, son frère aîné, 27 ans aujourd'hui, terminent leurs préparatifs au domicile familial avant de se rendre à un bal du Carnaval de Dunkerque, qui court chaque année de janvier à mars.

    « Si mes souvenirs sont bons, il s'agissait du Bal du Printemps en 2014, qui clôture la saison carnavalesque fin mars, dit Nicolas. Il a lieu au Kuursal de Dunkerque qui peut accueillir 10-12000 personnes. Il faut regarder des vidéos sur Internet pour se faire une idée de ce que c'est… On y était allés à une petite bande, six-huit garçons et filles. On s'est bien bien amusés, on avait dû rentrer vers 4 heures. Lucas n'avait pas la notoriété d'aujourd'hui, il n'était pas reconnu, excepté par des gens issus du tennis. »

    Chez les Pouille, la Carnaval tient une place importante, sauf pour le cadet trop accaparé par le début de la saison sur terre battue à cette époque de l'année : « Pour mon père, c'est une institution, reprend Nicolas, qui travaille au terminal méthanier de Dunkerque. C'était un vrai « carnavaleux ». Moi, j'ai un peu repris le truc depuis que j'ai 18 ans et mon petit frère (NDLR : Jonathan) le fait régulièrement depuis deux ans. On a chacun nos déguisements, mon père, mon petit frère et moi qui en ai deux sacs pleins. On rachète des choses d'une année sur l'autre, car les vêtements sont craqués après la saison. Mais Lucas, c'est probablement le seul qu'il a fait… »

    Jonathan, Lucas et Nicolas

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    Avec un frère globe-trotter, les opportunités sont tellement rares d'être réunis que le petit dernier, Jonathan, 21 ans, étudiant en management (à gauche), se souvient parfaitement de cette réunion de famille, en présence notamment de Nicolas, l'aîné, 27 ans, et de Lucas : « C'est ma mère qui a pris la photo, comme elle le fait à chaque que ses trois garçons sont réunis… Il s'agit du repas de Noël 2 015 chez Cathy, une voisine amie de la famille dont la fille, Laurie, est allée à l'école avec Lucas en maternelle et au primaire. La veille, nous avions fêté Noël en famille et, le lendemain, Lucas s'envolait pour l'Australie. Cette année-là, il venait de s'installer à Dubaï et, pour la première fois, il avait fait sa préparation hivernale loin de la maison. Clémence (NDLR : la petite amie de Lucas) avait souhaité passer Noël chez ses parents. C'est pourquoi Lucas était revenu passer deux trois jours avec nous. »

    Dans la famille Pouille, je voudrais le père…

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    Employé de la Fédération internationale des travailleurs du transport (ITF) et footballeur amateur, Pascal (au centre chemise bleu foncé) a initié ses trois garçons au sport au sens large. « J'avais un panier de basket mobile et un autre voisin avait le sien, raconte-t-il. On les tirait à l'extérieur et un ancien basketteur pro du quartier, Xavier Wallez, on transformait la rue en terrain de basket. Nicolas devait avoir 12 ans, Lucas, 8, et Jonathan 6 mais tout le monde jouait. A une époque, je les emmenais aussi voir le RC Lens à Bollaert, peu après le titre vers 1999-2000. »

    Pascal revendique aussi d'avoir le fait découvrir accidentellement le tennis à Lucas, quand un club a ouvert ses portes en 2001, à deux pas du domicile familial. « Je jouais au foot avec un jeune type qui avait trouvé un emploi jeune au tout nouveau club de tennis. Il nous a proposé de venir essayer et c'est comme ça que tout a commencé… »

    « En vacances, on pêchait tous les quatre à la ligne en rivière, en Mayenne par exemple. J'achetais 35 ou 40 lignes bon marché parce qu'ils les emmêlaient toutes. Lucas avait un don pour le brochet : de nous tous, il était le seul à en sortir… »

    Les enfants ont grandi et, comme tout le monde, Pascal se fait une raison : « Les réunions de famille, ça fait du bien mais tes gosses ne t'appartiennent pas. Si je reste 15 jours sans les voir ou les avoir au téléphone, c'est pas cool. Le principal pour moi, c'est que les trois frangins s'entendent et c'est le cas. »