JO de Tokyo : «Il a un talent fou», quand la légende Michael Phelps adoube Léon Marchand

Pour la première fois de sa vie, le nageur Michael Phelps, l’homme le plus titré de l’histoire des Jeux (28 médailles dont 23 en or) est présent en « retraité » au rendez-vous de l’olympisme. Une sensation étrange...

Michael Phelps est à Tokyo en tant que retraité (Nathan Frandino/Reuters)
Michael Phelps est à Tokyo en tant que retraité (Nathan Frandino/Reuters)

    Pantalon blanc, chemise bariolée, longue barbe cachée derrière un masque rouge, Michael Phelps, 36 ans a débarqué tout sourire devant une poignée de journalistes internationaux dans le pavillon d’Omega, l’un de ses principaux sponsors. Pour la première fois de sa vie, la légende des Jeux (28 médailles dont 23 en or entre 2004 et 2016), retraité depuis les JO de Rio, n’a pas besoin d’être rasée et affûtée (même s’il garde la ligne) pour se plonger dans le bain olympique. Et a hâte de profiter du spectacle…

    Qu’est-ce que cela vous fait d’être aux Jeux olympiques sans être athlète ?

    MICHAEL PHELPS. Je marchais sur le site ce matin et c’est tellement bizarre. La quantité d’émotions que je ressentais était presque écrasante. Mais c’était vraiment cool, génial, d’être de retour dans cet environnement. Sentir toute l’excitation qui règne dans ces lieux. Est-ce que la compétition me manque ? Oui, bien sûr. C’est ce que je préfère dans mon sport. J’adore la course. Mais je suis aussi heureux d’être passé à un autre chapitre de ma vie.

    Ces JO sont particuliers…

    C’est quand même extra d’avoir encore des Jeux ! J’avais vraiment peur qu’ils soient annulés. Je sais combien de travail il faut pour préparer les Jeux et ce par quoi sont passés les athlètes pour avoir l’opportunité d’être ici. J’ai pu me rendre compte à quel point on ne se préoccupe plus de ce qui se passe dans le monde à ce moment précis. Il n’existe aucune autre expérience comme ça. Et c’est fabuleux de voir tout ce que les gens ont réussi, tous les protocoles supplémentaires qu’il a fallu mettre en place pour permettre aux sportifs de venir et d’accomplir leurs rêves et leurs objectifs.

    Ne manque-t-on pas un peu de stars dans cette édition et en général ?

    Je ne suis pas d’accord avec ça. Il y a tellement d’athlètes étonnants. Chacun d’eux est un héros, chacun d’eux est un champion. C’est juste une question de temps pour voir émerger les stars en devenir qui vont concourir ici. Et il y a toujours quelque part un jeune enfant qui n’a pas peur de rêver aussi grand qu’il le peut et qui ne laissera rien se dresser sur le chemin de ses ambitions. Ça n’arrivera pas comme ça dans la nuit mais je suis sûr que nous allons voir d’incroyables athlètes à Tokyo et aller de l’avant.

    « Je suis impatient de voir ce que va faire Caeleb Dressel »

    Que vous inspire Caeleb Dressel, qui vise six titres à Tokyo ?

    Vous le regardez, il fait des choses tellement extraordinaires sous l’eau, son départ, ses virages, ses coulées… Il entraîne tous les jours son temps de réaction et c’est quelque chose d’insensé d’être capable de nager le 100 m et le 50 m aussi bien. Je suis impatient de voir ce qu’il va faire. Ça va être une semaine pleine de défis pour lui. Mais il est objectivement le nageur le plus talentueux que nous avons sur cette planète et il fait des trucs impressionnants.

    Mentalement, ces Jeux sont-ils les plus difficiles de l’histoire pour un sportif ?

    Dès que les Jeux ont été reportés (NDLR : au printemps 2020), c’était la chose qui m’inquiétait le plus. Comment les athlètes allaient gérer mentalement le fait d’avoir une année supplémentaire pour préparer. J’ai vu lors des qualifications olympiques en natation qu’il y avait du positif et du négatif. Positif, car nous avons tous ces jeunes qui ont intégré le collectif et qui n’auraient pas pu faire partie de l’équipe l’an passé. De l’autre côté, il y a les vétérans qui n’ont pas pu être à la hauteur, comme Nathan Adrian ou Ryan Lochte. Eux, ça leur a fait du mal.

    VidéoRio 2016 : Michael Phelps, le géant des bassins

    Vous avez-vous même dû affronter pas mal de défis mentaux…

    Nous sommes tous obligés, chacun à sa manière, d’affronter notre santé mentale. Pour donner le meilleur de nous-mêmes, nous devons considérer en même temps notre état physique et notre bien-être mental. Si nous ne le faisons pas, alors nous risquons de rencontrer des problèmes de dépression ou d’anxiété. Je suis passé par des centaines de luttes, des milliers de luttes (NDLR : notamment addiction à l’alcool ou marijuana), et je sais que ces luttes vont continuer, ce n’est pas quelque chose qui va disparaître, ce sont elles qui font de moi ce que je suis. Alors il faut continuer à en parler et être soi-même.

    Parmi les jeunes espoirs de la natation, il y a Léon Marchand, qui s’entraînera l’an prochain avec notre ancien mentor Bob Bowman. Que savez-vous de lui ?

    (Sourire) Son père (NDLR : Xavier Marchand) a nagé avant moi il y a quelques années… Je l’ai vu très bon sur ses séries du 400 m 4 nages (NDLR : le Français a ensuite fini 6e de la finale). Pour sa première expérience olympique, je suis sûr qu’il a beaucoup appris. Vous savez, quand toutes ces lumières s’allument, ça fait peur, ça peut être inhibant. Le voir s’entraîner avec Bob les prochaines années, ça va être super pour révéler le talent qu’il a. Il s’est déjà tellement amélioré ces derniers mois, surtout l’an passé. Ça va être amusant car il a un talent fou. On va le voir revenir dans son pays (NDLR : à Paris 2024) avec quelques petits changements. Je suis toujours jaloux des athlètes qui peuvent concourir dans leur pays d’origine. C’est quelque chose dont j’ai toujours rêvé. Je n’ose pas imaginer ce que ça va donner…