« Nadal joue moins bien que l'année dernière »

PATRICK MOURATOGLOU, coach professionnel*

« Nadal joue moins bien que l'année dernière »

    Ereinté par un combat de quatre heures et deux minutes en demi-finale de Madrid, samedi face à Djokovic, Rafael Nadal s'est incliné hier en finale face à Roger Federer (6-4, 6-4). A une semaine de Roland-Garros, le Suisse qui n'avait plus battu sa bête noire depuis le Masters 2007 met fin à une série de trente-quatre victoires sur terre battue du numéro un mondial. Est-ce un avertissement pour l'Espagnol, qui court après une cinquième couronne de rang à Paris ? En spécialiste, Patrick Mouratoglou* donne quelques réponses.

    Pourquoi Nadal est-il si fort sur terre battue ?

    Patrick Mouratoglou. Son type de jeu est hyper adapté à cette surface. 1. Ses coups de défense sont exceptionnels, ce qui est primordial étant donné la difficulté de finir le point sur terre battue. 2. Il joue très haut et très lifté. Par conséquent, il rate peu et donne des balles difficiles à l'adversaire. 3. Il est très difficile à déborder.

    Il est capable de tenir des échanges de quarante ou cinquante frappes. Souvent lors d'un match, les deux joueurs se tiennent jusqu'au moment où l'un d'eux a le sentiment que l'autre ne faiblira pas et finit par jeter l'éponge. Nadal impose ce bras de fer. Plus la concurrence pensera qu'il est increvable, plus il gagnera de matchs et plus facilement il les gagnera.

    Qu'est-ce qui le rend quasiment imbattable ?

    Il a une faculté de concentration très supérieure à la moyenne. Il joue 100 % de ses matchs à 100 %. Federer passe par des hauts et des bas au cours d'un match. Nadal, quasiment jamais. Idem à l'entraînement. Nadal frappe toutes les balles avec 100 % d'intensité du 1 e r janvier au 31 décembre. C'est ça, le vrai haut niveau. Il s'est forgé un physique conforme à cette approche. Le résultat, c'est un niveau de jeu au-dessous duquel il ne descend jamais. Ã?a lui confère un avantage psychologique monumental. La démonstration de la force est aussi efficace que la force elle-même sur le mental des adversaires.

    Nadal est-il encore plus fort cette année ?

    Non, j'estime qu'il joue moins bien que l'année dernière à la même époque. Il n'est pas aussi agressif, la balle sort moins bien de sa raquette. On le sent moins confiant. Il prend davantage de sécurité, cherche moins d'angles.

    L'an dernier à Roland-Garros, si l'adversaire touchait par malheur le coup droit de Nadal, alors c'était finiâ?¦ Il visitait le court jusqu'à l'asphyxie. Cette année, Nadal arrive sur terre battue pour la première fois en numéro un mondial. Du coup, il a énormément de pression et il a du mal à se lâcher.

    Où le situez-vous parmi les joueurs de légende ?

    Ce qu'il a déjà réalisé sur terre battue est exceptionnel par rapport à Borg et Vilas, car la concurrence aujourd'hui est très supérieure à celle d'il y a vingt ans. Et puis, Nadal, qui a déjà gagné sur toutes les surfaces, est dans les temps pour battre tous les records, y compris celui des quatorze Grands Chelems de Sampras. Peut-être même mieux placé que Federer (NDLR : treize titres). Federer a remporté son premier titre majeur à 22 ans et demi. Nadal, au même âge, en est à six titres ! La question est de savoir si son corps il a besoin d'être à 100 % physiquement lui permettra de continuer.

    * Directeur de la Mouratoglou Tennis Academy depuis 1996. Il a formé Marcos Baghdatis, finaliste de l'Open d'Australie 2006. Il entraîne aujourd'hui Anastasia Pavlyuchenkova, 17 ans et demi, 28 e joueuse mondiale.