Carte scolaire, confinement... les profs du Val-de-Marne redoutent «une rentrée catastrophique»

Après le confinement et deux petites semaines de cours, c’est avec beaucoup d’inquiétude que les enseignants laissent leurs élèves partir en vacances.

 Créteil, ce mercredi. Enseignants et parents ont manifesté devant la direction départementale académique pour dénoncer les fermetures de classes ajoutées au projet de carte scolaire.
Créteil, ce mercredi. Enseignants et parents ont manifesté devant la direction départementale académique pour dénoncer les fermetures de classes ajoutées au projet de carte scolaire. LP/Marion Kremp

    Les manifestations, les batailles à coups de communiqués de presse, pour demander plus de postes, plus de classes, ils connaissent. Les déceptions ne pas obtenir gain de cause, aussi. Mais cette année, la carte scolaire et ses mesures de fermeture a un goût plus amer.

    Pour les enseignants du Val-de-Marne qui ont rouvert leurs écoles le 22 mai, les vacances, qui s'ouvrent ce vendredi, bienvenues après trois mois d'enseignement à distance, et de rentrées échelonnées depuis le 18 mai, laisseront encore trop de questions en suspens. D'inquiétudes surtout.

    Car malgré les discours d'un ministre de l'Education national assurant de toute l'attention qui sera portée par l'institution envers les décrocheurs, les perdus de vue de l'école numérique, les moyens ne seront pas suffisants selon eux pour rattraper le retard pédagogique accumulé depuis la fermeture des écoles le 13 mars.

    « Depuis le 22 mai, on ne fait pas de l'apprentissage mais de la resocialisation »

    Ces deux dernières semaines, l'école redevenue obligatoire a montré ce qui attend les équipes éducatives à la rentrée de septembre. Et tous, syndicats et enseignants lambda sortis de leur réserve comme rarement, sans parler des parents d'élèves, s'attendent à une « rentrée catastrophique ».

    « Nos élèves, on ne les a pas retrouvés, on les a récupérés. Pour eux, l'année s'est arrêtée le 13 mars, depuis on a bidouillé, on a fait comme on a pu, mais on ne les a sûrement pas retrouvés. Depuis le 22 mai, on ne fait pas de l'apprentissage mais de la resocialisation, pour les ramener à la vie de classe. Les parents sont très inquiets eux aussi », dépeint Cécile, enseignante en CM1 et CM2 à Chevilly-Larue.

    Troubles du sommeil, anxiété…

    Difficultés de concentration, élèves anxieux, le confinement a selon une majorité d'enseignants profondément affecté les élèves dont beaucoup finissent par raconter qu'ils ont des problèmes de sommeil, qu'ils font des cauchemars. Un terrain peu propice pour revenir à l'essentiel des apprentissages à la veille des vacances.

    « On va se retrousser les manches, reprendre l'année au mois de mars, on va les prendre là où ils en étaient et les emmener le plus loin pour eux, là où l'on peut. En éducation prioritaire, là où le confinement a fait le plus de dégâts, l'école en distanciel dont la réussite a été vantée par le ministère n'a pas été possible dans la majorité des cas », replace une enseignante en CE1.

    « Il n'est pas question de laisser cette génération d'enfants être sacrifiée. Les difficultés vont être énormes sans moyens pour rattraper le retard. En CE1 par exemple, il risque d'y avoir beaucoup d'élèves qui ne savent pas encore lire. Ce qui est dramatique c'est que l'on ne nous a pas laissés le temps de travailler en équipe pour organiser cette rentrée en tenant compte des difficultés de chacun pour mettre en place des programmes adaptés », dénonce Marion Fouret, représentante du Snuipp-Fsu 94.

    « On vient d'apprendre qu'on perdait une classe alors qu'on a besoin plus que jamais de travailler en petits groupes »

    Dans le secondaire même constat. Yoann, prof de maths au collège Romain-Rolland d'Ivry ne comptait pas plus de cinq élèves de 3e derrière leur ordinateur pour les cours à distance. Pas plus d'une quinzaine en 6e : « Nous travaillons en équipe de profs de mathématique pour faire le point sur ce qui a pu être fait, ce qu'il faudra rattraper, mais la rentrée s'annonce très compliquée et on vient d'apprendre qu'on perdait une classe alors qu'on a besoin plus que jamais de travailler en petits groupes ».

    Tandis que le rectorat de Créteil s'est félicité du bon fonctionnement de l'enseignement à distance, que la directrice académique pour justifier sa carte scolaire et sa centaine de mesures de fermetures de classe a assuré qu'une attention sera portée à l'hétérogénéité des élèves, rien ne semble rassurer le corps enseignant qui pourrait se mobiliser à la rentrée. Comme l'avaient déjà annoncé les parents d'élèves qui eux aussi réclament un plan d'urgence pour le département.

    « Nous demandons depuis plusieurs mois à travailler avec le rectorat sur l'organisation de la rentrée de septembre, on sait qu'elle sera difficile, que le confinement aura laissé beaucoup d'élèves sur le carreau », s'alarme Nageate Belahcen, présidente de la FCPE 94.