Communiqué

Assurance protection juridique un avantage fiscal en trompe l'oeil!

22 novembre 2018

En date du 14 novembre 2018, Test Achats a pris connaissance de manière informelle de l’avant-projet du Ministre de la Justice concernant la déductibilité fiscale partielle des primes d’assurance protection juridique, pour les contrats rentrant dans les conditions légales.  De manière générale, les critiques ci-dessous formulées poussent l’organisation de consommateurs à demander la révision de cet avant-projet, à l’avantage des assureurs et très peu favorables aux assurés et aux citoyens en mal d’accès à la justice.

Couverture: trop faible!

1) Les plafonds minimaux généraux (13.000 € dans les affaires civiles, 500 € de plus dans les affaires pénales) sont beaucoup trop bas et pourraient valoir 1 étoile sur 5 dans le cadre de notre évaluation des polices d’assurance familiale. Seulement 2 assureurs sur 18 placent la barre aussi bas (recherche 2017).
Si les assureurs veulent s’inspirer de ces minima, nous assisterons à une forte baisse par rapport à ce qui est courant dans la protection juridique traditionnelle vendue dans l’assurance familiale.

2) L’assureur peut limiter son intervention pour toute activité d’avocat au montant indiqué dans la longue liste de 62 pages de l’annexe à l’Arrêté royal.  Ces montants sont très bas.  L’avocat n’est nullement tenu de limiter ses honoraires et frais à ce montant. Tout excédent reste à la charge de l’assuré.  Sur la seule base de cet aspect, il ne semble pas souhaitable que quelqu’un remplace sa protection juridique classique de bonne qualité par ce type de contrat « élargi ».

3) Le plafond minimum pour les conflits contractuels liés à la construction est beaucoup trop bas. Ce plafond, s’élevant à 6.750 €, s’applique aux litiges contractuels relatifs à la bonne exécution de la construction, de l’extension, de l’amélioration, de la rénovation, de la restauration et de la démolition d’un immeuble, lorsque l’intervention d’un architecte ou l’obtention d’une autorisation d’une autorité compétente est requise par la loi.

Un expert judiciaire coûte à lui seul entre 4.000 et 5.000 €. En pratique, vous devez presque toujours avoir un architecte ; on se demande dès lors dans quels cas une couverture plus élevée sera accordée.

De plus, le risque de sinistre est moins grand lorsque la présence d’un architecte est obligatoire. Le risque est donc moins important pour l’assureur.

 

Intervention de l’Etat dans la fixation des honoraires

A l’analyse, il semblerait que ce projet va créer 2 marchés de l’assurance protection juridique (APJ).

  1. Marché de base : les honoraires de base des avocats seront couverts si ceux-ci respectent les barèmes visés par le projet. Ce qui semble assez naïf car nous savons que, même si les avocats doivent maintenant informer clairement les consommateurs en matière d’honoraires, il y a généralement un dépassement des barèmes. Les consommateurs en seront-ils suffisamment au courant ? Le prévoiront-ils ? Probablement qu’une partie des frais d’avocats ne sera ainsi couverte par cette assurance et les consommateurs devront payer des suppléments.
  2. Marché « premium » : un marché de l’APJ qui prévoira une plus grande couverture mais également alors de plus grandes primes pour les assurés. On va créer un marché de base et une sorte « d’omnium » de l’APJ.

Ensuite, si certains avocats respectent les barèmes (en devenant en quelques sortes les « avocats des APJ »), qu’en sera-t-il de la qualité du service rendu ?

 

Diverses remarques

  1. Comment cela va-t-il s’articuler avec l’indemnité de procédure ? Ici la tarification semble être faite sur la base de l’acte visé. Or, l’indemnité de procédure est calculée sur la base de l’enjeu du litige (avec une indemnité de base et possibilité d’aller plus bas ou plus haut que le montant de base). Déconnexion apparente avec l’indemnité de procédure.

     

  2. Les honoraires des médiateurs seront couverts à concurrence de 700 euros… Montant qui parait assez ridicule alors que le Code judiciaire encourage la médiation. Cela va ramener tout un contentieux vers les cours et tribunaux et va donc favoriser les litiges (et la lenteur de la justice).

     

  3. Quid procédure en matière de litiges du travail. Beaucoup de travailleurs sont déjà couverts par leur syndicat. Doublon.

     

  4. Idem que c. pour les consommateurs qui passeraient par des entités comme Test Achats.

     

  5. Qu’en est-il du libre choix de l’avocat ? Il y a de fortes chances que les assurances travaillent de manière plus ou moins officielle avec une liste établie d’avocats (ne dépassant pas les barèmes etc.). Qu’en est-il du choix du consommateur ? Et de la qualité du service rendu par l’avocat qui « s’obligerait » à ne pas dépasser les barèmes (voir ci-dessus) ? Ensuite, si certains avocats respectent les barèmes (en devenant en quelques sortes les « avocats des APJ »), qu’en sera-t-il de la qualité du service rendu ?

 

Fiscalement

Du point de vue fiscal, il s’agit d’une réduction d’impôt s’élevant à 40 % d’une partie de prime de 300 € maximum. Les pensionnés et allocataires sociaux avec une faible pension ou une faible allocation ne pourront pas en bénéficier. Dans un couple dont un des partenaires a un revenu de remplacement faible, la réduction d’impôt sera en partie perdue.

Ce problème pourrait être évité si on fait de cette réduction d’impôt un crédit d’impôt remboursable, comme pour les titres-services. Mais cette solution est expressément rejetée.

Pour ceux qui se trouvent entre le bénéfice de l’aide judiciaire et des revenus suffisamment imposés, il y a donc une lacune regrettable.

A titre subsidiaire, Test Achats plaide pour une réduction par un crédit d’impôt.

 

Test Achats - novembre 2018

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