Ne vous laissez pas berner par le greenwashing
![Soyez attentifs et déjouez le greenwashing](https://www.test-achats.be/-/media/ta/images/home/famille-prive/consumer-rights/dossier/greenwashing/3313_thumbnail-01.jpg?rev=3684d2a3-22b9-4da1-b6ca-dba7e6022ad0&mw=480&hash=79857E19A9E42FDAF46E5533C6C8BE5E)
Vraies allégations ou greenwashing?
Il ressort de diverses enquêtes - dont la nôtre réalisée en 2023 - que les consommateurs veulent être mieux informés des incidences environnementales de leur consommation et faire de meilleurs choix. Vous souhaitez une plus grande transparence en ce qui concerne la durabilité et l’empreinte environnementale des produits. Et cela ne peut se faire que sur base d’allégations environnementales honnêtes qui font souvent défaut aujourd’hui. Dans ce dossier, nous vous aidons à séparer le bon grain de l’ivraie.
Qu’est-ce qu’une allégation environnementale?
Tout message (réglementairement non obligatoire) entrant dans le cadre d’une communication commerciale, affirmant ou suggérant qu’un produit, un service, ou une entreprise a une incidence positive, nulle ou moins préjudiciable pour l’environnement peut être considéré comme une allégation environnementale.
Ce message peut prendre la forme de texte, d’image, de représentation graphique ou de symbole, en ce compris un label. Il peut également se nicher dans la raison sociale d’une entreprise, la dénomination d’une marque ou d’un produit.
Pourquoi a-t-on assisté à la dérive des allégations environnementales?
A l’origine, les allégations environnementales étaient plutôt réservées et mises en avant par des entreprises ayant fait de réels efforts dans la conception plus durable de leurs produits et services. Ces allégations se basaient sur un label ou une certification écologique reconnus, répondant à une charte précise et faisant l’objet d’un contrôle indépendant.
Facteur de compétitivité
Mais faute d’un cadre juridique clair balisant l’utilisation de telles allégations, les dérives sont d’autant plus vite apparues que les produits plus respectueux de l’environnement ont enregistré une croissance supérieure à celle des produits standards. Le fait de se prétendre « vert » et durable devenait ainsi un facteur de compétitivité.
Prolifération hors de contrôle
Les entreprises et fabricants ont vite compris les bénéfices qu’ils pouvaient tirer de l’utilisation, tous azimuths, de l’écologie et de la durabilité pour la promotion de leurs produits et services. Les auto-proclamations écologiques, ne bénéficiant d’aucune certification contrôlée ou officiellement reconnue, ont alors proliféré.
Qu’est que le greenwashing?
Le greenwashing ou éco-blanchiment consiste à laisser entendre qu'un bien, un service ou une entreprise a un effet positif, neutre ou réduit sur l'environnement alors qu’il n’en est rien. Soit que ces informations soient fausses, largement exagérées ou impossibles à vérifier.
Vision trompeuse
A travers ce type de communication-marketing, les informations transmises présentent donc au minimum une version déformée, trompeuse de la réalité. L’objectif étant de donner une image plus durable que méritée à la marque, aux produits ou aux services promus. Pour cela, tous les moyens sont bons, tant sur la forme que sur le fond : déclarations, informations, symboles, logos, illustrations et noms de marques, couleurs sur les emballages, étiquetages, publicités dans la presse, les médias sociaux, les sites internet, à la télévision...
Pratique commerciale déloyale
Outre le fait de manipuler l’opinion publique et les consommateurs en mettant en avant des arguments écologiques à des fins purement économiques, le greenwashing peut être considéré comme une forme de publicité mensongère et une pratique commerciale trompeuse.
Qui pratique le greenwashing?
Nous avons, jusqu’ici, beaucoup parlé des entreprises parce qu’il y va de leurs performances commerciales et financières. Mais toutes sortes d’organisations peuvent pratiquer le greenwashing. Y compris une administration ou un gouvernement pour améliorer leur image.
Quelle est l’ampleur du problème?
Ces dernières années, la Commission Européenne s’est plusieurs fois penchée sur des centaines d’allégations environnementales. Il est ressorti des enquêtes que plus de 50% des allégations évaluées fournissaient des informations vagues, trompeuses ou infondées sur les caractéristiques environnementales d’un large éventail de produits. Et rien n’indique aujourd’hui que la situation s’est améliorée.
Toutes ces allégations trompeuses ou imprécises induisent le consommateur en erreur sur la durabilité réelle des marques, produits et services concernés.
Pourquoi est-ce important de combattre le greenwashing?
Comme vous le verrez dans la suite de ce dossier, le greenwashing impacte l’environnement, les consommateurs et les entreprises à différents niveaux. Mais la conséquence la plus dommageable de la prolifération, du manque de transparence et de fiabilité des allégations environnementales, c’est qu’elle prive les consommateurs des moyens d’agir efficacement en faveur de la transition écologique.
Une information fiable, claire, pertinente, comparable et vérifiable sur les principaux impacts environnementaux des produits (biens et services) et/ou des organisations est, en effet, un préalable indispensable aux décisions d’achats plus durables des consommateurs.
Dans ce dossier sur le greenwashing
Nous aborderons en détails:
Les impacts du greenwashing
Impossibilité de choix conscients, perte de confiance des consommateurs, préjudice aux structures réellement engagées dans la durabilité,… Nous passons en revue les nombreux impacts du greenwashing.
Les indices trahissant le greenwashing
Des informations peu crédibles, insuffisantes ou manquantes, des termes vagues ou ambigus, une démarche durable dérisoire ou hors sujet… Voici les indices essentiels, avec des exemples, qui vous aideront à débusquer le greenwashing.
Le greenwashing inhérent à certains secteurs
Le greenwashing existe dans tous les secteurs. Mais certains nous paraissent plutôt mal placés pour vanter l’actuelle durabilité de leurs produits et services: voitures électriques, compagnies aériennes, compagnies pétrolières et gazières, fast fashion.
Se prémunir et se défendre contre le greenwashing
En privilégiant les labels officiels et reconnus, vous vous épargnez les déconvenues. Mais face au greenwashing, vous pouvez aussi contre-attaquer: recours à la garantie, plainte à l’Inspection économique, au Jury d’Ethique publicitaire, action en cessation.
Evolution du cadre réglementaire national et européen
Les règles aujourd’hui opposables au greenwashing sont largement perfectibles, mais elles ont le mérite d’exister. Bientôt de nouvelles directives européennes entreront en vigueur dans l’Union. Point sur l’ensemble des législations anti-greenwashing.
Le greenwashing, voile sur des dégradations qui perdurent
Les entreprises qui pratiquent le greenwashing continuent leurs pratiques non durables ou polluantes en donnant l'impression qu'elles sont respectueuses de l'environnement. Sans réelle réduction de leur empreinte écologique, elles continuent ainsi à dégrader l'environnement.
Le greenwashing peut ainsi détourner l'attention des véritables problèmes environnementaux en mettant en avant des initiatives insignifiantes ou superficielles. Avec pour effets de freiner les efforts pour résoudre les problèmes environnementaux urgents et importants.
Impossibilité du choix conscient favorable à l’environnement
Confrontés aux allégations fausses, présentées de manière trompeuse ou non vérifiée, les consommateurs ne peuvent prendre de décision d’achat « responsable » en toute connaissance de cause. Sans le vouloir, ils peuvent ainsi contribuer à la pollution et au gaspillage de ressources.
Si les allégations environnementales étaient loyales, les consommateurs seraient en mesure de choisir des produits réellement meilleurs pour l’environnement. Une concurrence honnête favoriserait les produits plus durables au détriment des autres, et réduirait d’autant les incidences négatives sur l’environnement
Perte de confiance des consommateurs
Les consommateurs sont aujourd’hui confrontés à un trop-plein d’informations non vérifiées entraînant confusion et perte de confiance. Ceci engendre chez certains un phénomène de frustration, d’habitude ou de désintérêt, allant jusqu’au rejet quand ils s’aperçoivent qu’ils ont été trompés.
Du discrédit des entreprises fautives au discrédit généralisé
Le greenwashing mis à jour peut entraîner une perte de confiance envers l'entreprise qui la pratique avec des conséquences sur sa réputation et ses résultats. Ce qui n’est, somme toute, qu’un juste retour des choses. Mais le dommage ne s’arrête pas là. Le greenwashing entraîne un scepticisme généralisé et discrédite l’ensemble des allégations environnementales rendant plus difficile l'engagement du public dans des efforts réels de durabilité.
Frein et préjudice aux structures engagées dans la durabilité
Les entreprises qui pratiquent le greenwashing profitent d’un avantage concurrentiel indu, en attirant les consommateurs soucieux de l’environnement, sans pour autant assumer les coûts liés à une production plus respectueuse de la planète. Cela nuit incontestablement aux entreprises qui investissent réellement dans des pratiques durables, en réduisant leur rentabilité et leur compétitivité. La concurrence déloyale décourage les initiatives et détourne l'attention des entreprises qui font de réels efforts en faveur de l’environnement.
Allocation inappropriée de ressources, retour de flamme juridique et financier
Les entreprises pratiquant le greenwashing sont susceptibles de détourner le financement d'investisseurs croyant placer des fonds dans des entreprises respectueuses de l'environnement. Cela peut entraîner des investissements inefficaces, une allocation inappropriée des ressources et surtout constituer une escroquerie.
Le greenwashing fait partie des pratiques commerciales trompeuses et est, à cet titre, rigoureusement interdit. En cas d’infraction, une entreprise est passible de sanctions civiles, administratives et pénales dont une amende pouvant aller jusqu'à 80.000€ (à multiplier par les décimes additionnels) ou 4 % du chiffre d’affaires annuel.
Il n’est pas nécessairement évident de savoir si on a affaire ou non à du greenwashing. Voici quelques indications qui vous aideront à le repérer plus facilement et à le déjouer.
1. Une information fausse ou peu crédible
C’est notamment le cas quand un produit ou service ne présente aucun avantage écologique – malgré qu’il soit vanté – dans sa nature, ses caractéristiques principales, les risques qu’il présente, sa composition, son mode de fabrication, les résultats qui peuvent être attendus de son utilisation et les résultats de tests ou contrôles effectués sur lui.
Par exemple: présenter un produit comme « vert », « naturel» … alors qu’il contient des conservateurs toxiques, des ingrédients nuisibles à la nature ou polluants ou qu’il ne contient, dans sa composition, qu’un seul ingrédient vert ou naturel.
Ces lingettes pour chiens n’ont rien d’écologique. Pourtant l’emballage vert, le design de feuilles, le nom Eco en plus de la mention Ecofriendly peuvent le laisser penser.
Le logo bioFlush, non officiel, fait croire que ces lingettes sont biodégradables dans l’eau des toilettes. Or, non seulement on ne trouve aucun résultats de tests sur le site du fabricant mais d’autres tests réalisés par des associations de consommateurs ont prouvé que les lingettes biodégradables jetées dans la toilette n’avaient pas le temps de se dégrader et se retrouvaient dans les stations d’épuration.
En outre, la chlorhexidine est un antiseptique bactéricide à large spectre. Il s’agit d’un désinfectant qui n’est pas du tout écofrienly.
2. Une démarche durable disproportionnée, dérisoire ou hors sujet
On parle ici de certaines allégations qui soulignent un seul avantage pour l’environnement tout en dissimulant les aspects qui ont une influence négative sur l’environnement (« l’arbre qui cache la forêt »). Autrement dit, la démarche existe, mais n’est pas aussi développée que le message le prétend, ou encore est-elle dérisoire par rapport au bilan global de l’entreprise.
Par exemple: une publicité vantant une nouvelle carte bancaire conçue en plastique recyclé et de couleur blanche pour utiliser moins d’encre. Alors que l’impact environnemental de l’action réalisée est minime par rapport aux enjeux sectoriels de l’organisation.
Lors de sa dernière Keynote, Apple a présenté ses Apple Watch Series 9 et Ultra 2 comme étant neutres en carbone avec 100 % d’énergie verte utilisée pour leur production. Ceci, grâce au principe des crédits carbone considéré comme trompeur et inexact. Pas sûr qu’un tel « effort » doive nous distraire du bilan écologique des gadgets high-tech.
3. Des mots ou des termes vagues, imprécis, ambigus, absolus
L’utilisation de termes qui ne sont pas définis clairement dans le message, tels que « pure nature », « non polluant », « bon pour la planète », « écologique », « respectueux de la nature », « durable », « préserve l’environnement », etc. sans aucune information justifiant l’existence réelle de cette démarche.
C’est, par exemple, trop souvent le cas de nombreux produits cosmétiques vantant leur caractère sans expliquer pourquoi. Ou sans que cela soit le cas.
Même si cette eau de cologne est produite avec des huiles essentielles et des colorants alimentaires, la présence d'alcool dénaturé en tant que principal ingrédient indique que le produit n'est pas entièrement naturel ou écologique contrairement à ce que son nom pourrait faire penser. De plus, on ne sait pas ce que contient le mot Parfum dans la composition.
4. Des informations pertinentes insuffisantes ou manquantes
Le produit ou la démarche de développement durable présente un avantage pour l’environnement mais cet avantage n’est pas expliqué, ou l’est insuffisamment, pour que le consommateur comprenne en quoi il consiste et quel est son intérêt qualitatif et quantitatif pour l’environnement.
C’est une spécialité des marques de produits ménagers. Ces entreprises utilisent souvent des termes induisant en erreur : ingrédients «naturels», «d’origine végétale», produit «écologique», etc.
Au-delà des éléments de nature illustrant probablement « les notes de fleurs de lagon parfum de synthèse », le détergent Ajax Mediterranean affiche fièrement que 99% des ingrédients sont d’origine naturelle, sans apporter de preuves permettant de le vérifier ni sur l’étiquette ni sur le site du fabricant.
Pour parfaire cette touche verte, le logo « Save water » inventé par le fabricant invite, en vidéo sur son site, les gens à ne pas gaspiller d’eau robinet.
Enfin, Le logo www.cleanright.eu (une terre avec un arbre, un dauphin et une hirondelle) renvoie lui aussi à des conseils. Faisant penser à un logo environnemental, il a été créé conjointement par l'AISE, le secteur européen des détergents et le CEFIC, le secteur européen de l’industrie chimique, sans certification officielle ni contrôle d’un organisme agréé extérieur.
Autres exemples
L’allégation « matériau 100% recyclé » figure sans autre précision, sur un produit, elle est censée se rapporter à l’emballage et à son contenu. Mais c’est loin d’être toujours le cas.
Ou encore, si l’allégation « consomme 30% en moins d’énergie » figure sur un lave-linge, encore faut-il préciser que cette économie d’énergie est valable uniquement si le programme « eco » est activé.
5. Des preuves inexistantes
Les entreprises mettent parfois en avant des impacts environnementaux positifs sans fournir de preuves concrètes, de données ou de méthodologie de calcul pour étayer leurs allégations.
Leur justification devrait pourtant être adéquate, démontrer les performances du produit au moyen d’évaluations d’experts, de tests ou de méthodes scientifiquement reconnus, une analyse du cycle de vie du produit, … que ce soit sur son site internet ou en réponse à des demandes d’explications par courrier.
Le recours aux compensations carbone parfois utilisés pour détourner l’attention des pratiques non durables est ainsi sévèrement critiqué par les experts de l’ONU. Leurs mécanismes étant en outre difficiles à vérifier.
La plupart des crédits-carbone achetés pour compenser les émissions sont générés par l'installation de nouvelles capacités de production d'énergie renouvelable qui auraient probablement vu le jour de toute façon (la rentabilité de tels projets est rarement dépendante de la vente de crédits carbone). A moins que la justification de ces crédits proviennent de projets qui stockent le carbone dans des écosystèmes naturels, principalement des forêts. Et dans ce cas, le stockage durant quelques années ne compensera jamais les émissions de CO2 dues à la combustion de combustibles fossiles présentes dans l'atmosphère pour des siècles.
Le logo Carbone neutral arboré par ce produit s'appuie sur l'utilisation de crédits carbone inappropriés pour compenser les émissions associées au produit.
6. Visuels trompeurs et pseudo labels
La présentation générale et la mise en contexte d’un produit - c’est-à-dire les effets visuels comme les images ou les couleurs utilisées - font croire à un avantage environnemental d’un produit alors qu’il n’en est rien. Ces visuels n’ont alors aucun lien direct avec le produit/service/démarche de l’entreprise mis en avant.
Par exemple, un symbole ou une couleur (verte) évoquant de manière évidente la nature sur l’emballage d’un produit ménager alors qu’il n’a aucun impact positif ou un impact positif minime sur l’environnement.
La recharge désodorisant Essential Rosée du matin de Carrefour arbore des plantes et un beau ciel bleu évoquant la nature mais elle est uniquement composée de substances chimiques et synthétiques. Rien de naturel dans ce produit, qui plus est, non essentiel.
Ceci peut encore prendre la forme d’un symbole, d’un logo, d’un « label » « écologique » ou de « développement durable » qui font croire à une reconnaissance officielle, alors que le produit ne fait l’objet d’aucune approbation de ce type, n’est certifié ni par un tiers, ni contrôlé par organisme compétent et indépendant.
Comme ce logo We care for planet créé par La Vache Bleue
7. Des comparaisons trompeuses
Certaines entreprises peuvent utiliser des comparaisons trompeuses pour faire paraître leurs produits plus écologiques qu'ils ne le sont en réalité.
Par exemple, en comparant leur produit à un concurrent moins respectueux de l'environnement plutôt qu'à la norme environnementale idéale.
8. Fausse exclusivité et obligation déjà requises par la loi
Un avantage écologique d’un produit ou service est vanté, parfois même présenté comme une exclusivité, alors que la loi oblige tous les produits/services similaires à l’adopter ou que la majorité des produits/services mis sur le marché présente déjà cet avantage.
Par exemple: un produit va se vanter d’être sans CFC – utilisé dans les années 1980 dans l’industrie des nettoyants notamment – alors que les CFC sont interdits en Europe depuis 1989.
Ou encore affirmer que les produits cosmétiques sont « non testés sur les animaux » alors que c’est interdit dans toute l’Europe depuis 2013.
9. Des promesses reportées dans le temps
Les allégations environnementales, en particulier celles qui concernent le climat, font de plus en plus référence à des performances futures, en évoquant, par exemple, une hypothétique neutralité carbone à un certain horizon. Si acheter des produits parés de telles allégations donne aux consommateurs l’impression qu’ils contribuent à l’émergence d’une économie à faible intensité carbone, rappelons que les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient.
1. Les voitures électriques
L’Union européenne part du principe que les voitures électriques sont climatiquement neutres. Si elles n’émettent, en effet, pas de gaz à effet de serre, elles dépendent néanmoins, pour leurs recharges, de centrales électriques et de leurs conditions de production, c’est-à-dire du mix énergétique de chaque pays. Or, pétrole, charbon et gaz se taillent toujours la part du lion dans ce domaine. L’énergie hydraulique et les énergies renouvelables restent négligeables à l’échelle mondiale.
En Belgique, la part des énergies fossiles dans la production d’électricité se situe aux environs de 20%. On ne peut donc pas dire que rouler en voiture électrique est climatiquement neutre. De plus, tout au long de son cycle de vie, une voiture électrique entraîne des émissions de CO2 : de sa fabrication à sa livraison, durant son utilisation et ce, jusqu’à sa fin de vie et le recyclage de ses éléments.
En moyenne, on estime que la voiture électrique émet 100g de CO2eq par kilomètre. Dans ces conditions, une publicité annonçant qu’une voiture électrique est neutre en carbone ou propre n’est autre que du greenwashing.
Il y a, en outre, voiture électrique et voiture électrique. Des matériaux comme le lithium, le cobalt, le nickel, le manganèse entrant dans la composition des batteries, sont aujourd’hui extraits et traités dans des pays dits en développement, dans de mauvaises conditions sanitaires et environnementales. Et les impacts augmentent avec la taille de la batterie et l’accroissement de l’autonomie du véhicule.
En raison de leur taille et de leur poids, les gros SUV consomment 3 fois plus de cuivre et d’aluminium et 5 fois plus de lithium, nickel et cobalt qu’une petite citadine électrique. Plus petite sera la voiture électrique, moins nocive à l’environnement elle sera. Ce qui n’empêche pas les fabricants automobiles de présenter leurs SUV électriques dans des paysages naturels rappelant leur caractère faussement durable. Comme Subaru ci-après.
2. Les compagnies aériennes
"Think green, fly green", "Choose sustainable aviation fuel" propose la compagnie aérienne AirBaltic dans une publicité sur Facebook.
Voler vert avec du carburant durable, vraiment ? Dans son rapport annuel, AirBaltic reconnaît que la compagnie a consommé en 2022, 420 924 tonnes de carburant, dont seulement 6150 tonnes de SAF, soit moins de 1,5 pourcent. Cette publicité constitue donc un parfait exemple de greenwashing.
Plus généralement, les compagnies aériennes doivent cesser de faire des déclarations qui donnent aux consommateurs l'impression que l'aviation est durable. C'est tout simplement faux. L'aviation n'est pas durable et n'est pas prête de le devenir dans un avenir proche.
Dans ce secteur, les allégations et pratiques commerciales liées au climat induisent les consommateurs en erreur. Aucune des stratégies déployées par le secteur de l'aviation n'est actuellement en mesure de prévenir les émissions de gaz à effet de serre.
Les compagnies aériennes ne devraient pas non plus être autorisées à proposer aux consommateurs de payer des frais "verts" supplémentaires pour rendre leur trajet soit-disant plus durable. Si elles investissent dans des projets de protection du climat, ces derniers ne doivent pas être présentés comme neutralisant ou compensant les émissions des vols. Si les bénéfices climatiques des activités de compensation se révèlent hypothétiques, les dommages causés par les émissions de CO2 des voyages aériens sont, en revanche certains.
En juin 2023, le Bureau Européen des Consommateurs et 23 de ses organisations membres dont Testachats ont déposé une plainte auprès de la Commission européenne et du réseau des autorités de protection des consommateurs (CPC) pour dénoncer les allégations trompeuses de 17 compagnies aériennes européennes sur le climat.
3. Les industries pétro-chimiques
Selon une récente étude (2023) de Greenpeace, les engagements climatiques et la promesse d’engager une transition vers les énergies renouvelables de 12 grandes entreprises pétrolières et gazières actives sont bien peu en phase avec la réalité.
Avec seulement 0,3% de renouvelables dans leur production, ces grandes compagnies trompent manifestement leur monde.
L’étude de Greenpeace, intitulée The Dirty Dozen, décortique les rapports annuels 2022 de six majors mondiales des combustibles fossiles et de six compagnies pétrolières et gazières européennes.
Si la plupart des compagnies analysées ont promis le “net zéro” d’ici 2050, aucune d’entre elles n’a développé de stratégie cohérente pour atteindre cet objectif. Le rapport met en exergue le greenwashing massif pratiqué par les entreprises, qui multiplient les techniques de communication pour se donner une image verte et pour minimiser les impacts négatifs de leurs activités réelles.
Dans plusieurs cas, les engagements de réduction des émissions visent seulement les émissions liées aux processus de production. Le reste serait compensé par des solutions très controversées telles que le captage et le stockage du carbone (CSC) ou la compensation des émissions de carbone. Dans la plupart des cas, la plus grande partie des émissions, à savoir les émissions liées à la vente de pétrole et de gaz est simplement ignorée ou rebaptisée de manière fallacieuse.
4. La « fast fashion »
Nombre d’entreprises de l’industrie textile essayent de verdir leur image de marque. Les déclarations d’intention se multiplient mais nous sommes encore très loin de résultats réellement convaincants. Consommatrice de ressources non renouvelables, d’eau et de terres cultivables et aussi émettrice de GES, l’industrie textile est reconnue comme étant la 2ème industrie la plus polluante au monde.
Les actions durables valables pour les fabricants de vêtement consisteraient à fabriquer des vêtements facilement recyclables (donc d’une seule matière), d’organiser la collecte de ses produits, de les recycler pour éviter le gaspillage de matières premières, de participer à l’économie circulaire pour que les vêtements ne finissent pas comme déchets au risque de polluer l’environnement.
Actuellement en Europe, moins de 38 % de ces produits finis (vêtements et textiles ménagers) sont collectés pour être vendus sur le marché de seconde main et seulement 10% recyclés.
Pour les consommateurs, entrer dans une logique de durabilité signifierait acheter moins de vêtements neufs et davantage en seconde main, porter ses vêtements le plus longtemps possible.
Ne croyez pas systématiquement tous les messages des entreprises. Pour détecter le greenwashing, restez vigilant et critique face aux messages vantant le caractère éco-responsable des entreprises, de leurs produits.
- Privilégiez les labels officiels et reconnus, tels que l’écolabel européen, qui garantissent le respect de critères environnementaux stricts et transparents.
- Méfiez-vous des termes vagues ou ambigus, tels que "conscient", "respectueux de l’environnement", "durable", "vert", "écologique", etc. Ces termes ne sont pas définis ni réglementés, et peuvent être utilisés de manière abusive.
- Comparez le produit ou le service plus durable avec des produits ou des services similaires.
- Vérifiez si les allégations « vertes » sont fondées, contrôlez si les labels sont certifiés, pour contrer les auto-déclarations des entreprises sans contrôle ni vérification indépendants.
- Cherchez quel aspect du cycle de vie du produit est concerné par l’allégation.
- Vérifiez si l’allégation relève d'une obligation légale ou d'une pratique courante.
Comment se défendre?
Confronté au greenwashing que pouvez-vous faire?
Recours à la garantie légale
Vous avez effectué un achat en raison de certaines affirmations concernant l’impact environnemental du produit mais celles-ci se révèlent, au final, inexactes. Vous pouvez faire valoir qu’il s’agit d’un produit non conforme aux caractéristiques communiquées par le vendeur et avoir recours à la garantie légale.
Voyez ici la marche à suivre sur la page web du SPF Economie.
Plainte devant le Jury d’Ethique publicitaire
Avec d’autres acteurs comme Testachats, des fédérations professionnelles ou des instances officielles, les consommateurs eux-mêmes peuvent déposer plainte auprès du Jury d’Ethique Publicitaire.
Le Jury d’Éthique Publicitaire (JEP), est l’organe d’autodiscipline de la publicité composé à parts égales de personnes du secteur publicitaire et de personnes de la société civile.
Il est compétent pour l’examen des contenus publicitaires diffusés via les médias ou les supports suivants : télévision, cinéma, radio, presse écrite, affichage sur lieux publics ou librement accessibles, folders et brochures, publicité adressée et/ou personnalisée, médias digitaux, supports publicitaires à l’intérieur et à l’extérieur des points de ventes.
Sa mission consiste à examiner la conformité des contenus publicitaires à la législation et aux codes autodisciplinaires applicables en matière d’éthique publicitaire.
Il peut demander à un annonceur de modifier ou supprimer la publicité en question.
Les décisions du JEP ne sont pas contraignantes. Mais, bien que nous nous heurtions ici aux limites de l’auto-régulation, dans la majorité des cas, les annonceurs acceptent de s’y conformer.
Exemple: En 2022, le JEP a ainsi demandé à la compagnie aérienne Lufthansa de modifier ou supprimer des publicités, car celles-ci « véhiculent le message selon lequel le transport aérien présente toutes sortes d’avantages environnementaux et induisent les consommateurs en erreur quant à l’impact environnemental du transport aérien ».
Les publicités mentionnaient comme slogans « Connecter le monde, protéger son avenir » et « En matière de durabilité, le ciel n’est pas la limite », ainsi que des images d’avions combinées à des arbres ou la Terre.
Le JEP concluait que ces publicités étaient contraires au code de la publicité écologique, entraînant leur retrait par la compagnie allemande.
Plainte auprès de l’Inspection économique (SPF Economie)
Tout consommateur peut faire un signalement de greenwashing comme de la publicité trompeuse ou mensongère au point de contact de l’Inspection économique. Celui-ci renvoie vers le Service de Médiation pour le consommateur.
L’Inspection économique est chargée de veiller au respect des dispositions légales relatives aux pratiques commerciales déloyales et d’appliquer, le cas échéant, les sanctions prévues par le Code de droit économique.
Si une infraction est constatée, l’Inspection économique dispose principalement des possibilités suivantes:
- adresser un avertissement mettant en demeure de régulariser la situation;
- transmettre ses constatations au procureur du Roi;
- recourir à une transaction (proposition d’une somme dont le paiement volontaire et la cessation de l’infraction éteignent l’action publique);
- imposer une amende administrative.
En 2022, l'inspection économique du SPF Economie a reçu 21 signalements de greenwashing. Les agents de l’Inspection économique ont procédé à 55 contrôles qui ont donné lieu à 36 avertissements. Toutes les entreprises ont volontairement procédé à la régularisation.
Si le signalement concerne une entreprise située dans un autre pays de l’Union européenne, le Point de contact de l’inspection économique vous renverra vers le Centre Européen des Consommateurs.
Action devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire
Il est rare que des consommateurs saisissent les juridictions compétentes pour se plaindre d’une pratique trompeuse en matière environnementale, en raison d’aspects de procédures, de coûts et de preuves.
En cas de pratique commerciale déloyale, une action en cessation potentiellement avantageuse peut pourtant être menée par les consommateurs contre des entreprises.
Si l’issue est heureuse pour le consommateur, la sanction civile l’est tout autant puisqu’elle permet d’obtenir le remboursement des sommes payées sans restitution du produit livré. Autrement dit, le consommateur peut garder le produit pour lui tout en demandant le remboursement.
Le régime de la preuve est ici favorable au consommateur : la loi prévoit, en effet, qu’en cas d’action en cessation, c’est l’entreprise/le vendeur qui est tenu(e) d’apporter la preuve de l’exactitude matérielle des données factuelles qu’elle communique dans le cadre d’une pratique commerciale. En l’absence de ces données ou si celles-ci sont jugées insuffisantes, elles peuvent être considérées comme inexactes ou contraires à la loi.
En matière d’allégations environnementales, le renversement de la charge de la preuve est essentiel car il sera souvent très difficile, voire impossible pour le consommateur de démontrer le caractère erroné des allégations.
Enfin, une action en réparation collective peut également être introduite par les entités habilitées à le faire (NB : ni une personne physique seule, même si elle est lésée, ni un groupe de consommateurs qui se constituerait dans ce but ne peut introduire une action en réparation collective. Seul le représentant d’un groupe peut le faire).
Exemple : la procédure introduite par Testachats contre VW, suite aux informations trompeuses concernant les chiffres d’émission de gaz NOx des véhicules (Dieselgate).
Directive sur les pratiques commerciales déloyales (UE) et Code de droit économique (Belgique)
Dans la mesure où le greenwashing peut être considéré comme un cas particulier de pratique commerciale trompeuse, il est couvert par la directive sur les pratiques commerciales déloyales au niveau européen et par le Code de droit économique belge.
Ces législations interdisent les actions et omissions trompeuses, mais n’identifient pas spécifiquement celles liées à la durabilité d’un produit.
En outre, si les règles nationales et européennes prévoient les informations que les commerçants sont tenus de divulguer aux consommateurs, les dispositions ne visent pas les considérations de durabilité ou environnementales.
C’est l’Inspection économique qui est chargée de contrôler le respect de la loi et d’appliquer/prononcer les sanctions prévues par le Code de droit économique.
Code (intersectoriel) de la publicité écologique
Le Code de la publicité écologique est un code autodisciplinaire applicable à toute publicité évoquant les effets d’un produit sur l’environnement.
Le Code interdit par exemple les affirmations comme « bon pour l’environnement » qui impliquent que le produit n’a aucun effet sur l’environnement, à moins que l’annonceur puisse justifier son affirmation « de manière certaine et sans délai ».
Aucune publicité ne peut en outre inciter à des comportements qui iraient à l’encontre de la protection de l’environnement.
C’est sur cette base en particulier que le Jury d’Ethique publicitaire peut examiner la conformité des contenus publicitaires et demander à l’annonceur de modifier ou supprimer la publicité en question.
Evolution à venir du cadre réglementaire
La nouvelle Directive européenne sur l'autonomisation des consommateurs pour la transition verte
Jusqu’il y a peu, l’UE ne disposait pas d’un cadre législatif spécifique pour lutter contre le greenwashing. Les choses ont changé depuis le 17 janvier 2024 avec l’adoption de cette Directive sur l'autonomisation des consommateurs pour la transition verte.
Celle-ci doit maintenant recevoir l’approbation finale du Conseil et être publiée au Journal officiel du l’UE. La Belgique disposera alors de 24 mois pour la transposer dans le droit national.
Que prévoit la nouvelle directive?
La nouvelle Directive vise à interdire les informations trompeuses sur les produits, et donc le greenwashing.
Celle-ci prévoit notamment que:
- Les mentions environnementales génériques et autres arguments commerciaux trompeurs seront interdits.
- Seules les mentions de durabilité basées sur une certification approuvée ou établies par les autorités publiques seront autorisées.
Dès que cette Directive aura été transposée en droit national, les allégations environnementales devront être « fiables, justes et compréhensibles ». Les allégations génériques et vagues telles que « produit vert », « biodégradable », « bon pour le climat », « écologique », « naturel » seront bannies des emballages ou des publicités à moins que la marque ne puisse de démontrer « d’excellentes performances environnementales » en lien avec d’autres législations européennes ou labels reconnus.
Exit aussi la compensation carbone et les allégations du type « neutre pour le climat », « certifié neutre en CO2 », « carbone positif » qui laissent à penser aux consommateurs que la production du produit n’a eu aucun impact sur l’environnement, ce qui n’est jamais le cas.
Notez que trois nouveaux éléments ayant trait aux caractéristiques des produits seront à prendre en considération pour déterminer si une pratique commerciale est trompeuse:
- L’impact environnemental ou social
- La durabilité
- La réparabilité
Cette nouvelle Directive est destinée à fonctionner en parallèle avec la directive sur les allégations écologiques (Green Claims Directive).
La directive sur les allégations écologiques
Celle-ci est actuellement au stade de l’examen en commission au Parlement européen
Cette directive vise spécifiquement à lutter contre le greenwashing en établissant des règles pour la justification des allégations écologiques et des labels environnementaux.
Avec elle, les allégations environnementales non certifiées seront en principe bannies.
Pour être considérées comme fondées, les allégations devront notamment répondre aux critères suivants:
- Elles devront s'appuyer sur des preuves scientifiques reconnues et des connaissances techniques de pointe.
- L'importance des impacts, des aspects et des performances dans une perspective de cycle de vie devra pouvoir être démontrée, ceci avant que l'allégation ne soit utilisée dans la communication commerciale.
- Elles devront préciser si elles concernent l'ensemble du produit ou seulement certaines parties de celui-ci.
- Des informations indiquant si le produit est nettement plus performant sur le plan environnemental que ce qui est observé dans la pratique courante devront être fournies.
En conclusion
Le nouveau cadre réglementaire offert par les nouvelles Directives sur les allégations écologiques et le greenwashing constituera un grand pas dans la reconstruction de la confiance du consommateur envers les déclarations environnementales des entreprises.
Elles devraient lui permettre de faire des choix conscients de produits durables répondant aux attentes, c’est ce que nous réclamions et nous nous en félicitons.