Opinion

La pénurie d'Ozempic est principalement la faute de son fabricant Novo Nordisk

14 novembre 2023
Pénurie d'Ozempic

La pénurie actuelle d'Ozempic est-elle due au fabricant du médicament ? La firme Novo Nordisk a investi des millions de dollars en publicités pour le Wegovy aux Etats-Unis, un médicament très similaire à l'Ozempic puisque seul le nom et le dosage diffèrent. Des campagnes qui, via les réseaux sociaux, ont également été visibles chez nous. Il fallait donc s'attendre à une hausse de la demande pour le sémaglutide. Mais selon nous, Novo Nordisk n'a pas anticipé cette hausse.

Le médicament Ozempic est actuellement en rupture de stock. Au départ destiné aux diabétiques, ce médicament est également utilisé par des personnes souhaitant perdre du poids. Les mérites de l'Ozempic à ce niveau sont notamment vantés sur les réseaux sociaux, ce qui empêche aujourd'hui les personnes diabétiques d'avoir accès à leur traitement. Il en va de même pour le Rybelsus, également destiné aux diabétiques, et là aussi en rupture de stock.

Et le rôle de leur fabricant, Novo Nordisk, est selon nous loin d'être anecdotique dans la pénurie actuelle.

La responsabilité de Novo Nordisk dans la pénurie d'Ozempic

Alors, à qui la faute ? Dans les médias, deux catégories de personnes sont pointées du doigt. Les personnes qui achètent le médicament alors qu'elles ne souffrent pas de diabète, et les médecins qui prescrivent le médicament à des personnes qui ne souffrent pas de diabète.

"Mais selon nous, la responsabilité est largement à imputer à Novo Nordisk, qui a massivement investi pour promouvoir le Wegovy, ce qui a fortement augmenté l'attrait pour le médicament", déplorent Gitte Wolput et Martine Van Hecke, expertes santé chez Testachats. Le principe actif contenu dans Wegovy est le même que dans l'Ozempic. Il s'agit du sémaglutide. "En revanche, contrairement à l'Ozempic, le Wegovy a été reconnu comme médicament amaigrissant. Mais comme il n'est pas encore vendu chez nous, les patients se rabattent sur l'Ozempic."

Des millions de dollars dépensés en publicités pour Wegovy

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la firme ne lésine pas sur les moyens pour faire parler de ses produits. L'entreprise a mené de vastes campagnes de promotion sur plusieurs fronts. Aux États-Unis, selon la chaine d'informations CNBC, Novo Nordisk aurait dépensé près de 20 millions de dollars en publicités pour Wegovy sur les sept premiers mois de l'année, principalement pour des vidéos en ligne.  Elle a également consenti à de lourdes dépenses au Royaume-Uni, 21,7 millions de livres sterling selon le journal britannique The Observer. Cet argent a été utilisé pour sponsoriser des spécialistes et des organisations de santé. Par la suite, certains ont commencé à promouvoir le Wegovy. Une approche qui, comme le savent les entreprises pharmaceutiques, ne peut faire que stimuler les ventes de leurs médicaments.

Impartialité non garantie pour décider du remboursement ou non des médicaments

L'entreprise a également lancé, en parallèle de son médicament Wegovy, une campagne de sensibilisation autour de l'obésité. Le visage de cette campagne ? Ni plus ni moins que Queen Latifah. "Mais ne vous y trompez pas : il s'agit ici encore d'une solide opération marketing. Ce n'est en effet pas un secret qu'attirer l'attention sur une maladie attire également l'attention sur les solutions disponibles", insistent-elles.

 

Queen Latifah a participé à la campagne de sensibilisation de Novo Nordisk sur l'obésité.

L'entreprise n'a pas hésité à partager, en Europe comme partout dans le monde, des communiqués de presse destinés à vanter les mérites du sémaglutide en matière de perte de poids et de santé. Ils ont été repris sans aucune analyse critique par les médias, avant même que tous les résultats ne soient connus. Ce qui, d'après nous, est évidemment bon pour les chiffres de vente.

Nous suspectons Novo Nordisk d'avoir pris d'autres initiatives du genre pour promouvoir le Wegovy. La firme n'est pas irréprochable en matière de publicités pour ses médicaments. Elle fait actuellement l'objet d'une enquête aux États-Unis, alors qu'une autre est arrivé à son terme au Royaume-Uni. L'Association Britannique de l'Industrie Pharmaceutique (ABPI) a conclu à des "graves violations" concernant la manière dont elle avait promu le Saxenda, un ancien médicament amaigrissant de l'entreprise, sur LinkedIn auprès de professionnels de la santé.

La pénurie d'Ozempic en Belgique

Si la publicité pour les médicaments disponibles sur ordonnance n'est pas autorisée en Belgique, elle est en revanche légale aux Etats-Unis. Mais à l'heure actuelle, les réseaux sociaux permettent à tout contenu de voyager à travers le monde et de toucher plus de la moitié de la population mondiale. Une publicité visant le marché américain peut ainsi atterrir chez nous. 

La pénurie d'Ozempic due aux patients ? Absolument pas pour Testachats

Avec une telle machine de guerre en matière de marketing et de publicité, ce n'est donc selon nous en rien surprenant de voir la demande exploser de la sorte.

Aujourd'hui, Novo Nordisk explique rencontrer des problèmes au niveau de ses capacités de production. Les seringues d'Ozempic avec le dosage le plus élevé (1mg) ne seront plus disponibles avant la fin de l'année 2023, ce qui plonge les patients atteints du diabète dans une situation très compliquée. Une situation qui pose question : l'entreprise n'aurait-elle pas pu/dû anticiper la situation actuelle ? Pour nous, la réponse est évidemment oui.

Pourquoi l'Ozempic est-il utilisé pour tenter de perdre du poids ?

Au départ, l'Ozempic  a donc été mis sur le marché pour traiter les patients atteints de diabète de type 2. Certains médecins ont toutefois commencé à le prescrire officieusement pour permettre à certaines personnes de perdre du poidsLe principe actif contenu dans le médicament est le sémaglutide, une substance qui permet de jouer sur le taux de sucre dans le sang et de réduire l'appétit. Il fournit également une sensation de satiété plus rapide et plus longue.

Si lors des études cliniques, des pertes de poids ont bel et bien été observées chez les patients qui en prenaient, il ne faut pas oublier que les patients bénéficiaient d'un encadrement professionnel. Le traitement à l'Ozempic s'accompagnait d'activités physiques et d'une alimentation saine, le tout permettant de pertes de poids de 10 à 16 % après 1 an et 3 mois.

Notre dossier complet sur l'Ozempic

Des mesures nécessaires

La pénurie actuelle d'Ozempic met en relief plusieurs problématiques déjà bien connues, et rappelle le besoin de mesures concrètes de la part des autorités compétentes.

  • Déterminer la responsabilité de Novo Nordisk : l'entreprise a-t-elle respecté les règles en matière de publicité ? Doit-elle être tenue responsable de la pénurie d'Ozempic et de Rybelsus en Belgique ? Les négociants et les entreprises pharmaceutiques sont légalement tenus d'assurer un approvisionnement constant de leurs médicaments sur le marché. Nous demandons donc à l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (Afmps) d'enquêter afin de déterminer si la responsabilité de Novo Nordisk peut être engagée. De plus, nous soupçonnons également Novo Nordisk de d'abord chercher comment réaliser le plus de profits lors de la distribution du sémaglutide (qu'il s'agisse de l'Ozempic ou du Wegovy), au lieu de d'abord se préocuper des besoins en matière de santé publique.
  • Une réforme nécessaire au niveau européen : Si nous sommes conscients de la difficulté pour les autorités de faire respecter cette obligation, cet exemple est une nouvelle preuve du besoin urgent d'une réforme en la matière. La Commission européenne a récemment mis sur la table une proposition de révision de la législation, c'est désormais le moment d'agir. Il en va de même en ce qui concerne les règles en matière de publicité autour des médicaments, qui doivent être adaptées à l'ère des réseaux sociaux.
  • Investir dans la prévention contre l'obésité et le surpoids : les pouvoirs publics doivent stimuler l'adoption d'une alimentation plus saine et stimuler l'activité physique. Il faut également fixer des limites à la promotion de produits mauvais pour la santé à destination des enfants. Les acteurs de l'industrie alimentaire doivent revoir leurs recettes, adapter les portions et offrir des aliments sains à des prix plus abordables.

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