Réponse d’expert

Comment savoir si vous souffrez d'un trouble mental?

10 février 2022
trouble mental

Vous avez des problèmes émotionnels. Vous ne vous sentez pas bien dans votre peau. Vous souffrez d’anxiété ou d’insomnie. Jusqu'à quand ces symptômes sont-ils normaux ? A partir de quand y a-t-il une maladie mentale ?

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Vous avez des problèmes émotionnels ? Vous ne vous sentez pas bien dans votre peau ? Vous souffrez d’anxiété ou d’insomnie ? Vous n’êtes pas le ou la seul(e). Une enquête de Sciensano révèle que pas moins de 45% des Belges présentent des symptômes d’anxiété et de dépression. Et sept sur dix ont souvent un sommeil difficile. Peut-être vous demandez-vous : jusqu’à quel point ces problèmes sont-ils normaux, et à quel moment s’agit-il d’un trouble psychique ?

Pour l'évaluer, de nombreux cliniciens se rabattent sur le "Diagnostical and Statistical Manual of Mental Disorders" (DSM). S’il reste le principal ouvrage de référence pour les désordres psychiques, il n’en est pas moins toujours quelque peu controversé (pourquoi? Lire notre dossier "Tout le monde aura bientôt un trouble mental?").

Enumération de symptômes

Le DSM est une tentative de mettre de l’ordre dans la complexité vertigineuse des problèmes psychiques. Ce système de classification internationalement reconnu répartit la souffrance psychique en près de 350 troubles mentaux différents. Cette classification se base sur des symptômes souvent associés, et non sur des causes ou des anomalies biologiques sous-jacentes, comme certains le pensent. Non, les personnes en dépression n’ont pas toutes une carence en sérotonine (un transmetteur chimique dans le cerveau). Et les enfants avec un déficit de l’attention ou une hyperactivité (TDAH) n’ont pas tous une anomalie cérébrale. Ce sont des fables de l’industrie pour vendre davantage de médicaments.

Le DSM présente une check-list pour chaque trouble mental. Si vous vous reconnaissez dans un certain nombre de symptômes, peut-être êtes-vous atteint de ce trouble. Par exemple, pour souffrir d’un trouble dépressif, vous devez présenter au moins 5 des 9 symptômes répertoriés, et cela pendant deux semaines minimum . Pour souffrir d’un "trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle" votre enfant doit faire au moins trois fois par semaine des crises de colère, à la maison et à l’école ou en contact avec des enfants de son âge.

Un critère d’application systématique : un trouble n’est reconnu comme tel que s’il est accompagné d’une souffrance persistante ou d’une grave altération du fonctionnement quotidien. Dès lors, si vous n’en souffrez que de temps en temps, il n’y a pas de trouble. Et, en principe, vos problèmes sont alors considérés comme "normaux".

Suffit-il de cocher ?

Peut-on se contenter de parcourir cette check-list pour poser un diagnostic? Certainement pas, explique le Prof. Dr. Stephan Claes, du groupe de recherche
psychiatrique à la KU Leuven. "On ne peut pas appliquer aveuglément les codes DSM (qui identifient un trouble) sans tenir compte du contexte et de l’histoire du patient." C’est d’ailleurs ce que préconise le DSM lui-même.

Claes : "J’ai rencontré hier un homme très malheureux. Est-il en dépression ? Selon les critères du DSM, c’est possible, mais j’en doute néanmoins. Quand j’entends son histoire, ses problèmes correspondent à ce qu’on peut attendre dans ces circonstances. La personne en question a des problèmes de relation et des difficultés au travail".

Déterminer si quelqu’un souffre ou non d’un trouble mental reste une évaluation sur base de l’expérience clinique. Aucun test en laboratoire ne peut apporter de certitude à cet égard.