Hygiène intime des enfants : arrêtez la vente de ces produits !

Vous avez sans doute déjà vu des produits dits d’« hygiène intime » dans les rayons de votre magasin. Peut-être avez-vous même entendu ou lu le terme « hygiène vaginale », qui est pourtant totalement erroné – vu que c’est la vulve (partie externe) qu’il convient de laver et pas le vagin (partie interne).

Plusieurs marques proposent en effet des produits pour effectuer la toilette intime féminine et vont jusqu’à développer des variantes à l’intention des petites filles. Pourtant, aucune étude ne confirme que leur utilisation est plus indiquée qu’un simple lavage à l’eau claire.

Vue d'ensemble des produits d'hygiène intime pour enfants

Parmi les produits d’hygiène intime spécialement destinés aux jeunes filles à partir de 2 ou 3 ans, on peut citer Saugella Girl, Saforelle Miss ou TooFruit Intimousse. D’autres se présentent comme des produits pouvant être utilisés aussi bien par les adultes que les enfants à partir de 3 ans, ce qui est le cas du gel lavant douceur Bio Hygiène Intime de Puressentiel.

Ces quatre produits que nous avons analysés appartiennent à la catégorie des cosmétiques, ce qui signifie que les exigences minimales pour les commercialiser sont assez faibles. Il n’est par exemple pas nécessaire de comparer l’efficacité d’un produit avec un groupe de contrôle ou un placebo. C’est pourtant essentiel à nos yeux, étant donné qu’un produit d’hygiène intime n’apporte une valeur ajoutée que si son effet, par exemple sur les infections ou les irritations, est plus rapide et plus efficient qu’un nettoyage à l’eau seule. 

Pourquoi des produits d'hygiène intime pour enfants ?

Enfance, puberté, ménopause, grossesse…. Les firmes cosmétiques voudraient nous faire croire que nous avons besoin de produits d'hygiène intime différents selon les étapes de notre vie, ce qui n’est absolument pas le cas.

Les produits spécialement développés pour laver cette zone n’offrent aucune valeur ajoutée, quelle que soit l’étape de la vie. Il suffit en fait de nettoyer la peau de la vulve une fois par jour à l’eau tiède, sans savon. 

Les risques et les inconvénients des produits d’hygiène intime pour enfant

L'utilisation de produits spécifiquement développés pour l'hygiène intime peut-elle faire plus de mal que de bien ? Il n'y a pas d'indications claires à ce sujet, à condition de ne les appliquer qu'en externe et avec modération. Cependant, il se peut que certains ingrédients ou parfums contenus dans ces produits irritent ou dessèchent la peau sensible de la zone intime.

En effet, lors de notre étude, nous avons remarqué que Saugella Girl, Saforelle Miss et TooFruit Intimousse contiennent du parfum. Heureusement, il ne s'agit pas de l'un des 25 parfums que la législation exige de mentionner dans la liste des ingrédients si leur concentration dépasse un certain seuil, car ils peuvent provoquer des allergies.

Cela ne signifie pas pour autant que les réactions allergiques sont exclues pour d'autres parfums ou à des concentrations inférieures à ce seuil. Nous préférons ne pas voir de parfums dans les produits pour enfants, et encore moins dans les produits destinés aux petites filles ayant une peau sensible et déjà irritée.

Pourquoi faudrait-il interdire la vente de ces produits ?

Absence d’utilité, manque d’études, allégations trompeuses, risques d’allergies et de développement de complexes : il existe plus d’une raison de ne pas acheter de produits d’hygiène intime pour les petites filles (et pour les adultes aussi, d’ailleurs). 

Commercialisation inutile auprès des enfants

Nous nous opposons fermement à l’existence des produits d’hygiène intime en général, et c’est encore plus le cas pour ceux destinés aux enfants. Il s’agit uniquement d’une tentative, de la part des firmes, de créer un besoin auprès des petits filles, en leur faisant croire, dès le plus jeune âge, qu’elles doivent se servir de produits spécifiques pour leur hygiène intime. Pourtant rien ne prouve qu’ils apportent un quelconque bénéfice par rapport à l’eau. Ce point de vue est d'ailleurs partagé par les gynécologues pédiatres affiliés aux hôpitaux universitaires que nous avons contactés.

De plus, en leur donnant l’impression que leurs parties intimes sont sales si elles ne sentent pas la fleur, ces produits peuvent créer des complexes chez les jeunes filles. Depuis des années, l'industrie capitalise habilement sur l'insécurité des femmes concernant leur zone intime, ainsi que les pertes et odeurs qui y sont associées.

Les entreprises ont essayé de les convaincre, par toutes sortes de campagnes publicitaires, que l'utilisation de produits d’hygiène intime leur permet de se sentir fraîches et à l'aise parce que leur zone intime sent bon. Or, celle-ci n'a pas à sentir la lavande ou la fleur ! Les pertes vaginales sont tout à fait normales et peuvent avoir une odeur légèrement aigre, il n'y a pas lieu d'en avoir honte. 

Le manque d’études

Nous n’avons pas trouvé de preuves convaincantes démontrant l’intérêt d’utiliser ces produits d’hygiène intime pour jeunes filles plutôt que de l’eau. Pire, nous avons constaté que les allégations utilisées par les marques pour vendre ces produits sont encore moins bien étayées que celles des produits pour adultes. Cela n'est pas surprenant en soi : en général, il y a peu d'études de qualité concernant les plaintes vulvo-vaginales et l'hygiène intime chez les jeunes filles ; une lacune qui fait bien les affaires des entreprises cosmétiques.

La mention "Spécialement conçu pour les petites filles" étant apposée sur la plupart des emballages, on pourrait s’attendre à ce que ces produits aient été testés sur des petites filles, mais ce n'est, hélas, pas toujours le cas. D’une manière générale, pour les produits que nous avons étudiés, les études disponibles sont peu fiables :

• Trop peu de sujets
• Pas de groupe de contrôle (nettoyage à l’eau uniquement), ni de comparaison avec un placebo
• Tests effectués sur des adultes
• Tests sur d’autres zones que la vulve
• Utilisation du produit sur une trop courte durée
• Résultats qui n’ont pas été mesurés objectivement, mais se basent sur les opinions des sujets

Notre analyse de 4 produits 

Passons en revue les études disponibles pour les 4 produits que nous avons analysés.

• Saugella Girl

Concernant les allégations d’effet apaisant, ou protecteur des produits analysés, seul Saugella Girl a été testé sur des petites filles souffrant d’irritation ou d’inflammation des parties intimes (40 fillettes prépubères de 3-12 ans). 

Malheureusement, il n'y avait pas de groupe de contrôle composé de fillettes qui nettoyaient leur zone intime avec de l'eau uniquement. Nous ne savons donc pas si le produit soulage davantage les démangeaisons et l'inconfort que l'eau seule. 

L'entreprise affirme également que le produit a un "effet protecteur". Une allégation sans doute délibérément vague car elle ne précise pas contre quoi le produit protège. Certainement pas contre les infections vaginales, car aucune étude n'a été réalisée à ce sujet.

• Saforelle Miss

La tolérance du produit a été testée sur 50 jeunes filles en bonne santé (2-12 ans) en présence d'un pédiatre, mais pas sur des jeunes filles à la peau sensible ou ayant déjà des irritations de la vulve ou du vagin. Très curieux, pour un produit qui prétend apaiser et hydrater la peau sensible de la vulve des petites filles. 

Les effets apaisants et hydratants ont bien été étudiés sur un nombre limité d'adultes à la peau sensible ou sèche, mais uniquement en usage unique, et même pas sur la peau de la vulve. Á nouveau, aucun groupe de contrôle composé de sujets ayant utilisé de l’eau uniquement n’a été prévu ici.

• TooFruit Intimousse
  

Aucun test n'a été effectué sur des jeunes filles, l'entreprise estimant que cela n'était pas conforme à l'éthique. Celle-ci part donc du principe que les résultats obtenus chez les adultes s'appliquent également aux enfants. 

Pour ce qui est des différentes allégations, les études nous semblent peu étayées : c’est le cas notamment concernant les effets prétendument apaisants et protecteurs du produit. 

Quant au fait que la marque mette en avant les prébiotiques présents dans cette mousse, cela nous apparait purement et simplement comme un stratagème marketing qui profite de la méconnaissance des consommateurs pour les induire en erreur.On leur fait croire que l’addition de ces prébiotiques au produit d’hygiène intime contribuerait à maintenir l’équilibre naturel de la flore alors que cela n’a pas été testé sur des humains dans le cadre d’études cliniques basées sur l’utilisation de ces produits sur la peau de la vulve. 

• Gel lavant douceur Bio Hygiène Intime de Puressentiel

Pour ce produit, nous ne savons pas si des tests ont été effectués sur des jeunes filles. Les distributeurs Puressentiel ont refusé de partager ces informations et nous n’en avons pas trouvé par ailleurs : nous ne pouvons donc pas vérifier si les allégations concernant l’effet apaisant, hydratant et protecteur de ce gel sont suffisamment étayées, ni s’il respecte bien l'équilibre intime.

Le rôle de la guidance parentale et l’apprentissage de la propreté

Il est conseillé d’enseigner aux petites filles comment prendre soin de leur hygiène intime dès le plus jeune âge, quand elles apprennent la propreté et à se laver seules. C’est à ce moment-là qu’elles doivent adopter de bonnes habitudes pour éviter les irritations de la zone intime.

En tant que parent, il est important d’accompagner son enfant pour l’aider à appliquer les bons gestes. Dans le cadre de cet apprentissage, une petite fille cherchera à faire « comme maman », il s’agit donc de lui montrer le bon exemple :

• Aux toilettes : en lui expliquant qu’il faut s’essuyer de l’avant vers l’arrière (pour éviter que les bactéries des selles ne passent de l’anus à la vulve, ce qui peut provoquer des infections) et se laver les mains ensuite.

• Sous la douche ou dans le bain : en utilisant uniquement de l’eau pour la toilette intime, afin de ne pas lui donner l’impression qu’elle doit recourir à des produits spécifiques pour son hygiène intime.

Approches alternatives de l'hygiène intime chez les enfants

Éducation à l'hygiène personnelle

Du côté de la salle de bain aussi, il faut faire en sorte que les petites filles adoptent les bons réflexes. La meilleure façon de procéder est de laver la peau de la vulve une fois par jour à l’eau tiède et sans savon.

Il s’agit bien de nettoyer la partie extérieure des organes génitaux féminin : il n’est pas nécessaire, voire contre-indiqué, de laver le vagin (partie interne) qui est entièrement autonettoyant. En effet, celui-ci contient naturellement toutes sortes de micro-organismes, appelés "flore vaginale", qui créent un environnement acide et le protègent ainsi des influences extérieures potentiellement nocives. En cherchant à le nettoyer, on peut perturber cet équilibre naturel et donc faire pire que mieux.

Après la douche ou le bain, il suffit de sécher l’entre-jambe avec une serviette, sans frotter trop fort afin de ne pas irriter la peau sensible de cette région.

Pas de savon sur la vulve

Si nous déconseillons d’utiliser du savon pour nettoyer la peau de la vulve, c’est principalement pour deux raisons :

• Le savon - mais aussi trop de lavage sans savon - peut assécher la peau et interférer avec les mécanismes de protection naturels de la peau.
• Il peut contenir des parfums et des colorants qui irritent davantage la peau sensible de la vulve.

L'importance d'un lavage régulier et de bonnes habitudes

Les petites filles se plaignent souvent de démangeaisons, de brûlures ou de rougeurs dans la zone intime. Dans la plupart des cas, il n’est pas question de bactéries, de champignon ou autres : il s’agit simplement d’une irritation de la peau de la vulve. Étant plus fine que celle des adultes et dépourvue de poils, celle-ci est en effet plus sensible.

Par conséquent, la peau autour de la vulve s'irrite plus facilement si, par exemple, des restes d'urine, de matières fécales ou de papier hygiénique s’y déposent, en cas de port prolongé d'un maillot de bain mouillé, etc.

En outre, la peau de la vulve des petites filles s'infecte plus facilement par les mains, par exemple lorsqu'elles se touchent les parties intimes après avoir toussé, s'être curé le nez ou avoir essuyé leurs selles sans s'être lavé les mains. 

Les bonnes habitudes à enseigner à une petite fille en matière d’hygiène intime sont donc les suivantes :

• S’essuyer de la vulve vers l’anus et non l’inverse lorsqu’elles vont aux toilettes
• Se nettoyer uniquement la vulve et pas le vagin
• Se laver les mains régulièrement, et après chaque passage aux toilettes
• Changer chaque jour de sous-vêtements
• Éviter les vêtements serrés ou non respirants (synthétiques)
• Ne pas rester trop longtemps avec un maillot de bain mouillé
• Ne pas utiliser de savon pour se laver
• Se laver une fois par jour maximum, à l'eau tiède
• Ne pas se laver trop longtemps, ni utiliser d'eau trop chaude     

Vous l’aurez compris, les produits pour l’hygiène intime féminine ne sont rien de plus qu’une construction marketing : ils n’apportent aucune plus-value par rapport à l’eau, ni pour les adultes, ni pour les enfants. Pour la toilette, l’eau tiède reste la meilleure alliée de la vulve, alors pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?