Présidentielle : comment Macron et Le Pen soignent leur image

Fait du jour. Cette semaine l'a bien montré, Marine Le Pen et Emmanuel Macron s'affrontent par médias interposés, soucieux de l'image qu'ils renvoient ! Une image qui ne doit rien au hasard.

Amiens (Somme), le 26 avril. Emmanuel Macron suivi par de nombreux journalistes à Whirlpool.  
Amiens (Somme), le 26 avril. Emmanuel Macron suivi par de nombreux journalistes à Whirlpool.   (LP/OLIVIER LEJEUNE.)

    Pour le second tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron se rendent coup pour coup. Les deux candidats se livrent une véritable guerre des images.


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    LES AFFICHES

    Sur leurs affiches (photoshopées) qui s'apprêtent à fleurir devant tous les bureaux de vote, les finalistes se démarquent. « Le portrait de Macron est assez sobre, sans logo, il vise à rassurer. La posture est très présidentielle avec cette omniprésence du visage et du buste », observe Alexandre Eyries, chercheur en communication politique. « Sur l'affiche de Le Pen, il y a une prise de risque avec un assouplissement des codes habituels. La candidate entend adoucir son image. Elle penche légèrement la tête, en position de séduction, et joue sur sa féminité en laissant entrevoir une cuisse. Assise en bout de table, on dirait une cadre sup qui va faire son briefing ou une présentatrice télé plutôt qu'une future présidente. En même temps, elle pose devant un fond de bibliothèque, un décor très présidentielle », souligne le spécialiste.

    Mais les deux adversaires présentent aussi des points communs. « Le regard qui vous fixe droit dans les yeux : c'est une astuce de publicitaire pour adresser un message de transparence. Emmanuel Macron et Marine Le Pen portent chacun une veste bleue, couleur symbolisant la stabilité, l'apaisement et qui est souvent celle des chefs d'Etat en exercice. Enfin, ils ont imaginé un slogan simple, sans doute pour éviter les détournements sur les réseaux sociaux », estime Alexandre Eyries.

    LA POLITIQUE EN DUO OU EN SOLO

    Au soir du premier tour, Brigitte Macron est sur toutes les images, et c'est à elle — aussi — que le candidat d'En Marche! s'adresse : « A Brigitte, toujours présente et encore davantage, sans laquelle je ne serais pas moi. »

    A 200 km de là, à Hénin- Beaumont, Marine Le Pen n'a, elle, pas un mot pour son compagnon, Louis Aliot. Entre la candidate à la présidentielle et celui qu'elle surnomme, en privé, son « loulou d'amour », c'est une affaire de discrétion. En huit ans de relation, seul un tweet de Marine Le Pen les montrant s'embrassant et légendé « En direct de Perpignan, dédicace à Closer! » — en réponse à des rumeurs de séparation lancées par l'hebdomadaire people — a fait office de preuve en image. Quant à ses enfants, la candidate refuse catégoriquement de les exposer. L'inverse des Macron, dont on ne compte plus les unes de magazines et les articles en couple ou en famille. Cette semaine encore, ils sont en couverture de « Paris Match »

    « Dévoiler sa vie privée a toujours été bénéfique aux hommes ou aux femmes politiques. Ça permet d'adoucir une image. Marine Le Pen a bien tort de s'en priver », estime Pascal Rostaing, le célèbre paparazzi. Le couple Macron l'a si bien compris qu'il a confié l'exclusivité de l'image du candidat à l'agence Bestimage, de Michèle Marchand, alias Mimi, la reine des people. C'est elle qui a convaincu Brigitte de poser en maillot hawaïen au côté de son mari sur la plage de Biarritz à l'été 2016. « Evidemment que cette une de Match est mise en scène, s'emporte Rostaing, sans doute retouchée mais l'image est bonne. Contrairement à beaucoup d'autres couples politiques, ils ne font pas semblant, et ça se voit! »

    LES MOTS

    Entre Macron et Le Pen, la bataille verbale se joue sur le sens des mots. « Chacun veut imposer sa propre définition, sa propre vision du peuple. Lui se présente comme son porte-parole, il ne se met pas à son niveau, il prend de la hauteur. Elle souhaite montrer qu'elle en fait partie », décrypte le linguiste Julien Longhi, spécialiste de l'analyse du discours politique. Le nom propre « France » suscite le même genre d'opposition. « Pour le premier, c'est un pays européen dynamique. Pour la seconde, c'est une entité avec une culture, une langue », poursuit le professeur à l'université de Cergy-Pontoise.

    Pour « faire peuple », la prétendante du FN a eu recours ces derniers jours à des expressions familières comme « serrer le kiki » (en guise de synonyme d'« étrangler ») ou « tout pourri » pour qualifier le front républicain. « Par cette transgression, elle entend montrer une certaine proximité avec ses interlocuteurs, être dans le mimétisme pour créer de la connivence », explique l'expert.

    Le chef de file d'En Marche ! a davantage « un langage théorique, généraliste, avec l'emploi de mots comme projet ou innovation, qui incarnent un état d'esprit. » Le Pen, elle, mise sur un vocabulaire « tourné vers le passé », qui renvoie à « la grandeur de la France » avec des mots comme « revenir » ou « redressement ».

    LE LOOK

    Jeans, bottines et blouse bon marché pour elle, costard ajusté bleu nuit et cravate sombre pour lui. Le look des deux finalistes a évolué depuis qu'ils sont en campagne. Pour Marine Le Pen, difficile de faire plus passe-partout. Des couleurs sobres, des vêtements peu cintrés et surtout jamais de marque de haute couture : derrière l'allure de la « candidate du peuple » se cache celle de « la mère de famille » à qui l'on peut s'identifier. « On sait la valeur d'un sou, explique sa soeur Marie-Caroline Le Pen à notre confrère Olivier Beaumont dans l'Enfer de Montretout (Flammarion), on n'a jamais manqué de rien, certes, mais nous n'avons jamais grandi dans le fric. » Mais depuis peu, il y a du nouveau côté vestiaire. La jupe a fait son apparition. « Marine Le Pen s'est beaucoup féminisée, note Laurence Pieau, directrice du magazine Closer. On la voit, coquette, se maquiller sur plusieurs clichés, loin de son image dure et agressive. »

    Emmanuel Macron, lui, a troqué son noeud de cravate Windsor, trop golden-boy pour un simple noeud classique. Le candidat En Marche! est allé jusqu'à livrer le prix de ses costumes pour tordre le cou à l'image de l'ancien banquier d'affaires : 600 €, achetés chez un petit tailleur de la rue d'Aboukir à Paris, jure son entourage. Faire moderne, incarner l'air du temps sans tomber dans le bling-bling. Son modèle : Barack Obama. La photo du candidat, en bras de chemise, dans son QG au téléphone avec l'ex-président américain est déjà collector. Mais pour la patronne du journal people, « son meilleur accessoire de mode reste… Brigitte »!