Essonne : la première médiathèque à porter le nom de Cabu a ouvert à Boussy-Saint-Antoine

Principalement destiné aux enfants, cet équipement a été inauguré ce dimanche, en présence de la famille du dessinateur de presse tué lors des attentats contre Charlie Hebdo. Une exposition de ses œuvres de jeunesse est également présentée jusqu’à la fin du mois.

 À Boussy-Saint-Antoine, le 13 septembre 2020. Véronique Cabut, la veuve de Cabu, était présente pour l’inauguration de cette médiathèque. La sœur et le frère du dessinateur de presse avaient aussi fait le déplacement.
À Boussy-Saint-Antoine, le 13 septembre 2020. Véronique Cabut, la veuve de Cabu, était présente pour l’inauguration de cette médiathèque. La sœur et le frère du dessinateur de presse avaient aussi fait le déplacement. LP/PAULINE DARVEY

    « Ce lieu, c'est une manière de faire vivre la mémoire de Cabu en réponse à la barbarie. » Ce dimanche matin, Véronique Cabut, la veuve du dessinateur de presse tué dans les locaux de Charlie Hebdo, est émue. Alors que le procès des attentats du 7 janvier 2015 se tient actuellement à Paris, la toute première médiathèque à porter le nom de son mari s'apprête à être inaugurée à Boussy-Saint-Antoine.

    Cet équipement culturel intercommunal permettra aux usagers d'avoir accès à l'ensemble des quelque 400 000 ouvrages disponibles dans les 11 médiathèques du Val d'Yerres-Val de Seine. Mais cette bibliothèque est, avant tout, destinée aux enfants. « Et c'est pour cela que nous avons souhaité lui donner le nom de Jean Cabut », assure Romain Colas, le maire socialiste de la ville.

    « Cabu apprenait aux enfants à devenir libres »

    Car pour ce quadragénaire, le nom du caricaturiste évoque d'abord « un souvenir d'enfance ». « Nos générations ont découvert le dessin et la caricature avec Cabu dans Récré A2 », rembobine l'élu. Dans ce programme télévisé phare de la jeunesse des années 1980 - présentée, entre autres, par Dorothée - le dessinateur faisait des illustrations en direct.

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    « En assassinant Cabu, c'est comme si on avait tué une part de mon enfance », poursuit le maire. « Dans ces émissions, Cabu apprenait aux enfants à devenir des hommes libres », abonde Véronique Cabut.

    Au lendemain des attentats du 7 janvier 2015, Romain Colas a très vite l'idée de donner le nom de celui qui a tant marqué sa jeunesse à l'un des lieux de sa ville. « J'avais écrit à Véronique Cabut pour lui en parler, retrace-t-il. Mais elle m'avait répondu qu'il était encore un peu tôt. »

    « Transmettre son esprit de liberté »

    Il y a quelques mois, quand le projet de déplacer la bibliothèque jeune public de la ville dans un lieu plus grand et mieux adapté, l'idée de Romain Colas a refait surface. « Cette bibliothèque se trouvait dans l'une des dépendances de la mairie qu'on appelle « Le Grenier », c'était un lieu peu accessible, détaille l'édile. Nous avons donc décidé de la déménager dans La Ferme, un espace qui abritait jusqu'à présent une halte-garderie. »

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    Dans la foulée, Romain Colas écrit à nouveau à Véronique Cabut. « Donner le nom de Cabu à une médiathèque c'est aussi une manière de transmettre ses valeurs aux générations futures et à son esprit de liberté », argue-t-il. « Il m'a envoyé une très belle lettre, rebondit la veuve du dessinateur. Je n'ai pas hésité un seul instant. Je me suis dit qu'il fallait le faire. »

    Véronique Cabut émet toutefois une condition : « Je voulais que la médiathèque ait un lien avec la Duduchothèque. » Ouvert en décembre 2018 à Châlons-en-Champagne - la ville dans laquelle Cabu est né en 1938 - cet espace d'exposition est dédié à ses œuvres de jeunesse. « Nous avons des dessins qui datent de ses 10-12 ans jusqu'à son départ à Paris vers 20 ans, précise Pascaline Watier, la directrice de ce lieu, dont le nom fait référence au Grand Duduche, ce grand lycéen rêveur qui est l'un des personnages emblématiques de cet auteur prolifique.

    Un partenariat avec la Duduchothèque

    Désormais, la Duduchothèque a aussi une antenne à Boussy-Saint-Antoine. « Nous avons mis en place un partenariat avec, entre autres, une charte graphique commune et une grande expo que nous allons prêter chaque année à la ville », complète Pascaline Watier.

    « K-bu avant Cabu » inaugure cette collaboration. Cette exposition est présentée jusqu'à la fin du mois à la salle Chamaillard, située à deux pas de la médiathèque. « C'est celle qui a inauguré la Duduchothèque, rappelle sa directrice. K-bu, c'était sa signature quand il était jeune. »

    Dans la bibliothèque, les enfants pourront aussi découvrir une biographie de Cabu illustrée par ses propres dessins. « Nous avons sélectionné quelques dates marquantes de sa vie et nous avons associé à chacune d'entre elles l'un de ses dessins, décrit Pascaline Watier. L'idée, c'était que son parcours soit aussi accessible au jeune public. »

    Accrochés dans la médiathèque, des dessins de Cabu illustrent les différentes étapes de sa vie./LP/PAULINE DARVEY
    Accrochés dans la médiathèque, des dessins de Cabu illustrent les différentes étapes de sa vie./LP/PAULINE DARVEY LP/PAULINE DARVEY

    Dans les prochaines années, la Duduchothèque devrait d'ailleurs continuer à étendre ses antennes. « Nous aimerions développer ces partenariats avec d'autres médiathèques pour faire vivre la mémoire de Cabu », confirme la responsable de la Duduchothèque. « Cela permettrait de fabriquer encore beaucoup de Grands Duduches », anticipe déjà Véronique Cabut.

    « C'est important que les enfants n'oublient pas »

    A ses côtés ce dimanche, Michel, le frère du dessinateur, espère, lui aussi, que le souvenir de Cabu se transmettra aux générations futures. « Le hasard a fait que cette médiathèque se trouve juste à côté de chez moi, souligne cet habitant de Yerres, qui a joué pour l'occasion avec son groupe de musique, le Hot swing orchestra. En tant que "régional de l'étape", ça me touche d'autant plus. »

    Pour marquer le coup, Michel a également fait le déplacement avec la fameuse Trèfle Citroën de Cabu, qui apparaît dans plusieurs de ses dessins. « J'en suis le légataire, sourit-il. On avait fait le tour de France avec cette voiture. »

    Michel, le frère de Cabu, est venu à l’inauguration de la médiathèque avec la Trèfle Citroën qui appartenait au dessinateur./LP/PAULINE DARVEY
    Michel, le frère de Cabu, est venu à l’inauguration de la médiathèque avec la Trèfle Citroën qui appartenait au dessinateur./LP/PAULINE DARVEY LP/PAULINE DARVEY

    Pour lui, la date de cette inauguration - qui devait initialement avoir lieu au printemps - et qui se déroule finalement en plein procès des attentats de Charlie Hebdo, est aussi « très symbolique ». « La mémoire est quelque chose qu'il faut perpétuer », insiste-t-il.

    Un constat que partagent également Rania et Imed. « C'est important que les enfants n'oublient pas ce qui s'est passé », assure ce couple, à la sortie de la médiathèque. Ces habitants de la ville ont d'ores et déjà prévu de venir régulièrement sur place avec leurs deux enfants de 7 et 2 ans.

    « K-bu avant Cabu », à la salle Chamaillard de Boussy-Saint-Antoine, les 16, 19, 23 et 26 septembre, de 16 heures à 18 heures, gratuit.