Nouveaux soupçons d’empoisonnements pour l’anesthésiste de Besançon

Déjà mis en examen pour sept cas suspects, ce médecin est interrogé depuis ce mardi en garde à vue sur une quarantaine d’autres dossiers.

 Besançon (Doubs), septembre 2017. Depuis deux ans, les enquêteurs ont passé au crible le passé professionnel du docteur Frédéric Péchier.
Besançon (Doubs), septembre 2017. Depuis deux ans, les enquêteurs ont passé au crible le passé professionnel du docteur Frédéric Péchier. LP/Olivier Lejeune

    C'est une affaire glaçante qui pourrait basculer dans une tout autre dimension. Déjà mis en examen pour sept empoisonnements avec préméditation - dont deux mortels - le docteur Frédéric Péchier a été placé en garde à vue ce mardi matin pour être interrogé sur une quarantaine d'autres cas qui pourraient lui être imputés depuis 2008, au terme de plus de deux ans d'enquête menée par la police judiciaire de Besançon (Doubs). Parmi ces « événements indésirables graves » (EIG), selon la terminologie hospitalière, on dénombre quinze décès.

    Anesthésiste-réanimateur à la réputation jusque-là sans tache, Frédéric Péchier avait été interpellé le 4 mars 2017 et mis en examen deux jours plus tard. Il est suspecté d'avoir sciemment introduit dans les poches de réhydratation des patients de ses collègues des produits à dose létale (anesthésiques locaux ou chlorure de potassium), provoquant artificiellement des arrêts cardiaques.

    Selon l'accusation, il aurait ainsi empoisonné sept patients âgés de 37 à 53 ans, entre 2008 et 2017, lors d'opérations sans difficultés particulières dans deux cliniques privées de Besançon. Son mobile ? Apparaître aux yeux de ses collègues comme praticien hors pair, lui qu'on appelait si souvent à la rescousse en cas de pépin. « C'est un excellent médecin, très capé en réanimation, l'un des meilleurs. Dès qu'on avait un problème grave avec un patient, c'est lui qu'on appelait », nous confiait alors l'un de ses collègues de la clinique Saint-Vincent, sous le choc de sa première mise en examen.

    Son passé professionnel passé au crible

    Une thèse de pompier pyromane qu'a toujours réfuté Frédéric Péchier. « C'est un moment terrible pour moi, je suis innocent mais j'ai foi en la justice », avait affirmé ce père de famille de 47 ans devant les médias en mars 2017, alors que les juges devaient statuer sur son placement en détention provisoire. Il avait finalement été laissé libre avec l'interdiction d'exercer.

    « Il reste dans la même logique et conteste intégralement les faits qui lui sont reprochés », réagit Me Randall Schwerdorffer, l'un de ses avocats, qui depuis deux ans multiplie les recours notamment pour lui permettre de retravailler. En vain. L'avocat se dit également « agacé » que l'information sur la garde à vue de son client a été rendue publique. « Il a été communiqué à dessein pour lui nuire judiciairement », attaque le pénaliste.

    Depuis deux ans, les enquêteurs ont passé au crible le passé professionnel du docteur Péchier, qui a majoritairement exercé à la clinique Saint-Vincent, avec un passage de quelques mois, en 2009, à la polyclinique de Franche-Comté. Ils ont repris l'ensemble de ses interventions, croisé des tableaux de présence, et fait examiner les dossiers médicaux des cas suspects à des experts pour préparer la garde à vue. Ils ont également procédé, en décembre dernier et avec l'accord des familles concernées, à quatre exhumations pour retrouver des traces de produits.

    Une technique qui a ses limites : à la mort, du potassium se libère de façon naturelle dans un cadavre. Sans compter que plusieurs personnes décédées de façon suspectes ont été incinérées. Reste l'examen des dossiers médicaux - plusieurs de ces cas, classés comme erreurs médicales, avaient fait l'objet de procédures d'indemnisation.

    « Rien ne dit que ces cas présentés comme nouveaux ne sont pas juste des EIG, car nous en connaissions déjà la grande majorité », affirme Me Randall Schwerdorffer, dont le client pourrait, à l'issue de sa garde à vue, être mis en examen pour de nouveaux empoisonnements… et, cette fois, être placé en détention provisoire. En cas de procès, Frédéric Péchier encourt la réclusion criminelle à perpétuité.