Six questions sur l’incendie de Notre-Dame de Paris

Les origines du sinistre survenu ce lundi sur la toiture de la cathédrale sont inconnues dans l’immédiat. Une enquête a été ouverte. La hauteur de l’édifice a compliqué l’intervention des pompiers.

    Un incendie a éclaté à Notre-Dame de Paris, ce lundi, peu avant 19 heures. Les origines du sinistre sont inconnues dans l'immédiat. Une enquête a été ouverte. Cet incendie intervient à un moment où des travaux d'envergure ont été lancés sur le bâtiment, monument historique le plus visité d'Europe.

    Quelles sont les premières hypothèses ?

    Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris, confiée à la brigade criminelle de la police judiciaire en raison de la complexité des investigations et de l'ampleur des dégâts. La piste d'un sinistre accidentel est privilégiée : des travaux de rénovation avaient été engagés, composés échafaudages disposés sur le flanc de la cathédrale.

    Selon une source policière, les enquêteurs étudient l'hypothèse d'un foyer provoqué par un travail de soudure sur la charpente en bois.

    Paris, le 15 avril. Des échafaudages avaient été installés pour la rénovation de la cathédrale./LP/Yann Foreix
    Paris, le 15 avril. Des échafaudages avaient été installés pour la rénovation de la cathédrale./LP/Yann Foreix Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê

    « Notre-Dame, c'est une boite d'allumette géante, un mikado, observe Serge Delhaye, expert judiciaire en incendies près de la cour d'appel de Paris. La charpente est très ancienne : entre les poussières de bois et la décomposition du bois en état spongieux, une flammèche, une soudure ou un court-circuit peut provoquer une braise incandescente indécelable durant plusieurs heures, voire jours, et se développer en incendie insidieusement. » Les experts judiciaires qui seront mandatés pour retrouver l'origine du foyer devront déterminer les responsabilités ou les négligences.

    Les pompiers peuvent-ils accéder au sommet de la cathédrale ?

    Durant plusieurs siècles, Notre-Dame fut le plus haut monument de Paris, avec sa flèche qui culminait à 96 mètres de haut. Un bâtiment monumental qui a largement compliqué l'intervention des pompiers.

    Le moment où la flèche s'écroule

    Le toit de Notre-Dame est situé à plus de 45 mètres. Or, « les bras élévateurs aériens de la BSPP sont capables de monter à environ 30 mètres, souligne le général Gilles Glin, patron de la brigade des sapeurs pompiers de Paris de 2011 à 2014. C'est une problématique qui rend l'intervention très délicate même si les lances à eau ont une portée relativement importante. » Pour tous les experts, il s'agit d'une opération extrêmement difficile.

    Paris, le 15 avril. 400 pompiers ont été déployés pour l’intervention à Notre-Dame./LP / Philippe de Poulpiquet
    Paris, le 15 avril. 400 pompiers ont été déployés pour l’intervention à Notre-Dame./LP / Philippe de Poulpiquet Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê

    Pourquoi les pompiers n'ont-ils pas attaqué l'incendie de l'extérieur ?

    Les images du feu se propageant à une vitesse folle sur la charpente contrastaient avec l'absence, pendant de longues minutes, de dispositif visible de l'extérieur : ni lances à eau déployées, ni grandes échelles posées sur le monument. C'est en réalité la doctrine française des soldats du feu. « Contrairement aux pompiers américains, les sapeurs-pompiers français s'attaquent aux incendies par l'intérieur et non de l'extérieur. Cette tactique est plus dangereuse pour les hommes mais plus efficace pour sauver le patrimoine, observe l'expert Serge Delhaye. Si l'on se concentre sur l'extérieur, on prend le risque de repousser les flammes et les gaz chauds, qui peuvent atteindre 800 degrés, vers l'intérieur et accroître les dégâts. »

    Cette stratégie reste valable tant que les risques d'un effondrement total de l'édifice - bien réels - ne sont pas trop élevés. « Aucun général n'enverra un de ses hommes risquer sa vie pour sauver une charpente, même celle de Notre-Dame. Notre métier est de sauver des vies, et là il n'y a pas de vie en jeu », confie un militaire en poste.

    Paris, le 15 avril. Le toit de la cathédrale s’élève à 45 m./LP / Philippe de Poulpiquet
    Paris, le 15 avril. Le toit de la cathédrale s’élève à 45 m./LP / Philippe de Poulpiquet Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê

    Pourquoi les Canadairs ne sont-ils pas intervenus ?

    La question était dans toute les têtes. Y compris celle de Donald Trump, qui a jugé que « les Canadairs pourraient être utilisés pour l'éteindre ». Sauf que cette option était totalement irréaliste. « Une masse d'eau qui tombe violemment depuis les canadairs ou les hélicoptères, c'est trop dangereux en ville », assure le général Glin. Autant pour les civils que pour les pompiers. Car paradoxalement, « la puissance de l'eau risque de transmettre le feu plus que de l'éteindre et menacer la vie des pompiers à l'intérieur », assure Serge Delahaye, qui assure : « La flèche n'aurait de toute manière pas pu être sauvée ». Par ailleurs, les Canadairs sont basés dans le sud de la France et puiser l'eau de la Seine est risqué en raison des ponts.

    Quels sont les systèmes de protection pour ces bâtiments historiques ?

    Notre-Dame était bien équipé d'alarmes incendie. Qui ont fonctionné. « Nous l'avons entendue à 18h30, assure André Finot, responsable de la communication de Notre-Dame. Une alarme que l'on a tout suite identifiée et reconnue, car il y a encore quelques jours, nous nous étions livrés à un exercice incendie. » En revanche il est très compliqué de doter ces bâtiments anciens d'appareils d'extinction automatique. D'abord pour des raisons architecturales. L'autre problème majeur, de ces équipements c'est, paradoxalement… les risques qu'ils font courir au bâtiment.

    « Les systèmes d'extinction automatique peuvent se révéler extrêmement destructeurs, assure l'ancien patron des sapeurs-pompiers de Paris. C'est toujours très délicat de les installer car cela se déclenche très rapidement et peut tout simplement détruire des œuvres inestimables. » En clair, les systèmes anti-incendie font « courir plus de risque et causent plus de dégâts qu'ils ne sont utiles en cas d'incendie. »

    Comment sauver les objets culturels situés dans la cathédrale ?

    Tous les bâtiments culturels d'ampleur bénéficient, en cas d'incendies, de crues, de plans d'évacuation des objets culturels. Car si la cathédrale représente un patrimoine inestimable, les objets qu'elle protège sont eux aussi d'une valeur patrimoniale difficilement quantifiable.

    Notre vidéo des travaux

    « En amont, nous travaillons avec les monuments nationaux pour recenser les objets à sauver », souligne le général Glin. En plus des pompiers mobilisés pour éteindre les flammes, certains soldats du feu « ont donc été mobilisés pour sortir les objets culturels en urgence. D'autres sont mobilisés pour protéger les œuvres, en restant par exemple à proximité de tableaux avec des lances.»

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