A Bordeaux, la campagne anti-Parisiens ne fâche pas que Juppé

Des autocollants et des tags demandant aux Parisiens de «rentrer chez eux» fleurissent dans les rues de Bordeaux, provoquant une véritable polémique et la colère du maire, Alain Juppé.

Bordeaux (Gironde). Autocollants, tags... la nouvelle ligne à grande
vitesse qui met Bordeaux à deux heures quatre de Paris et ses répercussions supposées sur l’immobilier local  suscitent des réactions tranchées.
Bordeaux (Gironde). Autocollants, tags... la nouvelle ligne à grande
vitesse qui met Bordeaux à deux heures quatre de Paris et ses répercussions supposées sur l’immobilier local suscitent des réactions tranchées. PHOTOPQR/MAXPPP/« SUD OUEST »/[email protected]

    «Parisien, rentre chez toi» : c'est le message d'un autocollant que les Bordelais ont vu fleurir dans les rues de leur ville depuis mardi, un message qui a provoqué la colère du maire (LR), Alain Juppé. Selon lui, cette campagne est l'œuvre de l'ultragauche et il n'a pas mâché ses mots dans un tweet publié jeudi : «Les attaques anti-nouveaux arrivants sont une honte pour la ville.» Une plainte pour dégradations volontaires a été déposée dans la foulée auprès du procureur de la République de Bordeaux par un des adjoints d'Alain Juppé.

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    Mais que reproche-t-on aux Parisiens ? Dessiné sur les autocollants, un TGV rappelle que l'Océane, la nouvelle ligne à grande vitesse, relie Paris à Bordeaux en deux heures quatre (au lieu de trois heures quatre) depuis juillet. Ce qui, pour certains habitants de la capitale girondine, n'a pas que de bons côtés : inflation des prix de l'immobilier, fuite des classes populaires, bouchons supplémentaires... sur les réseaux sociaux, les revendications sont nombreuses.

    «On n'aurait jamais imaginé une telle ampleur médiatique !» s'étonne Vincent Poudampa, un des deux fondateurs du FBFP (Front bordeluche face au parisianisme), à l'origine des autocollants. Cet avocat trentenaire, né dans le Béarn, l'assure : «C'est vraiment une blague de potaches sans aucune connotation politique. L'idée est venue quand on a vu une tour Eiffel englobant Bordeaux sur une carte de vœux d'Alain Juppé. On a eu envie de réagir à ça. Mais, franchement, Alain Juppé n'aurait pas dû répondre de la sorte. C'est totalement excessif !»

    Dans le quartier, tout le monde n'apprécie pas

    Dans le quartier populaire Saint-Michel, ce sont des tags anti-Parisiens qui sont apparus, notamment : «Parlez pas de mixité quand vous gentrifiez», ou encore «Saint-Mich nique les riches» en lettres blanches sur une vitrine. Un acte que condamne Laurent (45 ans) qui vit ici depuis six ans : «Je suis originaire des Ardennes mais personne ne me l'a jamais reproché quand je suis arrivé. Si des gens veulent quitter Paris pour vivre ici, personne ne peut les en empêcher et heureusement.»

    «Je suis halluciné par l'ampleur du phénomène ! s'exclame Olivier, serveur dans un restaurant du quartier. Au début, tout le monde rigolait des autocollants mais là, ce n'est plus du tout marrant. J'ai un ami à Paris qui m'a même demandé s'il y avait des manifestations organisées dans les rues. C'est n'importe quoi !» Même son de cloche chez Anne-Laure, chargée de production audiovisuelle et voisine du magasin tagué. «Je voudrais bien savoir qui sont ces Bordelais autoproclamés défenseurs du quartier. S'ils pensent que c'est en dégradant des vitrines qu'ils vont se faire entendre, ils se trompent.»

    Un membre de l'équipe municipale insiste sur le « télescopage de deux actions complètement différentes » dans ce dossier : «Il y a quelques agitateurs professionnels qui n'ont rien à voir avec ceux qui ont placé le débat sous le signe de l'humour, comme le FBPP.» En attendant, d'autres villes françaises profitent des messages anti-Parisiens diffusés à Bordeaux pour tenter de les séduire, comme Libourne, Agen ou encore Tours, qui se vante d'être à une heure seulement de la Ville Lumière.