Gaza : qu’est-ce que l’ONG World Central Kitchen, dont sept membres ont été tués par l’armée israélienne ?

Créée en 2010 par un chef hispano-américain, cette organisation de distribution de repas dans les zones sinistrées est peu à peu devenue un acteur clé de l’aide humanitaire à Gaza.

    « Le seul crime qu’ils ont commis est celui de nourrir des gens ». Le fondateur de World Central Kitchen (WCK) José Andrés n’a pas de mot assez dur pour exprimer sa colère après la mort de sept de ses bénévoles, après que leur convoi humanitaire a été visé par une frappe aérienne de l’armée israélienne ce lundi 1er avril à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza.

    La condamnation internationale a été unanime et l’armée israélienne a reconnu une « grave erreur » ce mercredi, alors que Benyamin Netanyahou a évoqué un « incident tragique » dont ont été victimes des « innocents ». « Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre WCK, mais aussi d’une attaque contre les organisations humanitaires qui interviennent dans les situations les plus graves où la nourriture est utilisée comme arme de guerre. C’est impardonnable », a tonné le président de WCK, Erin Gore, dans un communiqué.

    Une association lancée après le violent séisme en Haïti

    Les personnes touchées sont de nationalité britannique, américaine, polonaise, australienne et canadienne. Ce n’est pas la première fois que des membres de WCK sont victimes collatérales d’un conflit armé. Igor, un volontaire de l’association, avait été tué le 2 juin 2023 dans le bombardement de son immeuble à Kharkiv, en Ukraine.

    World Central Kitchen est une ONG créée en 2010 par le chef hispano-américain José Andrés, aujourd’hui âgé de 54 ans. À l’époque, le chef est installé aux États-Unis lorsque se produit un violent tremblement de terre en Haïti, causant la mort de plus de 100 000 personnes. Célèbre de l’autre côté de l’Atlantique pour avoir popularisé les tapas, il était également à la tête d’une émission culinaire populaire en Espagne dans les années 2000.

    Âgé de 54 ans, l'Espagnol José Andrés est connu aux Etats-Unis pour avoir importé les tapas. Mandel NGAN / AFP
    Âgé de 54 ans, l'Espagnol José Andrés est connu aux Etats-Unis pour avoir importé les tapas. Mandel NGAN / AFP

    C’est en s’appuyant sur cette célébrité et son réseau de restaurants implantés aux États-Unis qu’il a pu lancer son ONG. Lors du tremblement de terre qui a touché Haïti, le chef s’est rendu sur place et a cuisiné pendant plusieurs semaines des repas dans les camps de déplacés. Par la cuisine, il est ainsi devenu l’un des acteurs les plus prégnants de l’action humanitaire dans le monde.

    « Le plus grand succès pour nous, c’est d’être présent »

    Depuis 2010, WCK est notamment intervenu en Australie, en Égypte, au Liban, en Turquie, au Pérou, au Cambodge ou encore en Ukraine depuis l’invasion russe. José Andrés et ses bénévoles ont également organisé des distributions de repas aux États-Unis, que ce soit pour les sinistrés de l’ouragan Harvey en 2017, mais aussi lors de la pandémie de Covid-19 en 2020.

    Le but pour l’organisation est de réagir dès qu’une situation d’urgence se présente, que ce soit un conflit armé ou une catastrophe naturelle. Elle a enfin lancé ces dernières années des programmes alimentaires en Amérique centrale et dans les Caraïbes.

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    Le travail de José Andrés et de ses équipes à travers le monde leur a valu d’être nommés pour le prix Nobel de la Paix cette année, bien qu’ils n’aient pas été récompensés. « Le plus grand succès pour nous, c’est d’être présents. Je veux croire que par notre action nous réussissons à donner une lueur d’espoir aux gens (…) et c’est le sens de notre initiative », témoignait-il mi-mars auprès de France 2.

    Face aux polémiques de l’UNRWA, une alternative solide

    L’organisation opère à Gaza, en Israël et au Liban depuis les premiers jours du conflit à la suite des attaques du 7 octobre. Au total, elle a permis de servir 32 millions de repas sur les six premiers mois de la guerre, selon des chiffres rapportés en mars par le New York Times. En outre, WCK a livré 230 000 repas via la Jordanie, par voie terrestre et aérienne, et envoyé 435 000 repas par voie maritime, détaille la BBC. Elle a récemment annoncé que deux autres navires étaient chargés de 1,2 million de repas prêts à être envoyés dans le nord de Gaza.



    WCK s’est peu à peu imposé comme un acteur clé du conflit sur le plan humanitaire au fil des polémiques qui ont éclaté au sujet de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Cette dernière a été accusée fin janvier de fermer les yeux sur le comportement de certains de ses employés qui « militeraient au sein du Hamas », selon le renseignement israélien. En conséquence, une quinzaine de pays, dont la France, a suspendu ses financements à l’organisation onusienne, ce qui a considérablement aggravé la situation humanitaire.

    Le WCK a « contribué à combler le vide » laissé par l’UNRWA, a ainsi expliqué auprès de la BBC Khaled Elgindy, spécialiste de la Palestine à l’Institut du Moyen-Orient de Washington (États-Unis). « Il n’y a pas de véritable substitut à l’UNRWA pour le moment, mais la World Central Kitchen a pris beaucoup plus d’importance en son absence. Aujourd’hui, il n’y a littéralement personne pour distribuer le peu d’aide qui arrive », a-t-il souligné.