Migrants à Paris : pour Anne Hidalgo, «la situation est inhumaine»

La maire PS de Paris sera ce vendredi en fin de journée au campement du Millénaire pour le 5e vendredi de suite. Elle est prête à créer de nouveaux lieux d’accueil.

 Selon Anne Hidalgo, « le nouveau système que l’Etat a mis en place ne permet pas de prévenir la réapparition de campements de rue ».
Selon Anne Hidalgo, « le nouveau système que l’Etat a mis en place ne permet pas de prévenir la réapparition de campements de rue ». LP/Frédéric Dugit

    En début de semaine Christophe Castaner, secrétaire d'Etat en charge des Relations avec le Parlement, a déclaré lors des questions au gouvernement au Sénat que « si la mairie de Paris souhaite l'évacuation des migrants, elle peut parfaitement le demander au juge et si le juge le décide, le gouvernement mettra en œuvre les moyens à sa disposition pour exécuter cette décision de justice ». Anne Hidalgo, qui se rendra ce vendredi pour la 5 e fois au campement du Millénaire, attend que l'Etat fasse sa part de travail.

    Que ressentez-vous quand vous voyez des campements comme celui-ci grossir au fil des semaines ?

    ANNE HIDALGO. Des campements indignes comme celui-ci, j'en ai vu des dizaines en trois ans. Et si l'Etat ne change pas d'approche, il y en aura d'autres. Soyons lucides et disons la vérité aux Français. La crise migratoire que vivent l'Europe et la France est durable. La loi Collomb n'y changera rien. Est-ce l'honneur de la France que de laisser ces enfants, femmes et hommes dans la rue? Cette situation est inhumaine pour les réfugiés comme pour les riverains. C'est aussi un enjeu d'ordre public. Les Maires et les associations font ce qu'ils peuvent et bien au-delà. On organise des maraudes d'aide sociale, on distribue de la nourriture, on installe des points d'eau et des sanitaires, on fait venir des médecins… Mais c'est l'Etat qui a les cartes en main : c'est lui qui est légalement responsable de l'accueil, de l'hébergement et de l'examen administratif des réfugiés.

    Allez-vous attaquer l'Etat ?

    Je pense au contraire qu'il faut une grande alliance des villes, des associations et de l'Etat. Avec Alain Juppé, Martine Aubry, Dominique Gros et d'autres maires, nous avons écrit au Président de la République pour lui proposer d'agir ensemble. C'était en janvier. Nous n'avons eu qu'un accusé de réception. Je suis pourtant convaincue que nous pouvons sortir par le haut de cette situation, si nous nous mettons tous autour de la table. Nous sommes le pays de la déclaration des Droits de l'Homme. Notre société est fondée sur des valeurs humanistes et de solidarité. Nous sommes la cinquième puissance mondiale. Nous comptons soixante-sept millions d'habitants. Mais nous serions incapables d'accueillir dignement quelques milliers de réfugiés ? Ça n'a pas de sens.

    Quelles solutions mettre en œuvre pour en finir avec ces campements ?

    Le centre humanitaire de La Chapelle que nous avons créé mi-2016 a bien fonctionné. Grâce à lui, 25 000 réfugiés ont bénéficié d'un hébergement d'urgence. C'est autant de campements évités. L'Etat a tenu depuis à changer de dispositif. À l'évidence, le nouveau système qu'il a mis en place ne permet pas de prévenir la réapparition de campements de rue. Le Défenseur des Droits l'a très bien souligné. Il faut donc d'urgence que l'Etat retravaille cela, en lien avec les villes et les associations. Je suis prête à la création de nouveaux lieux qui seraient une vraie alternative.

    CLÉS

    • 30 Le nombre d’opération d’évacuations de campements à Paris depuis le 2 juin 2015, boulevard de la Chapelle (XVIIIe). La plus grosse mise à l’abri avait concerné quelque 4 000 migrants en novembre 2016, entre Stalingrad et Jaurès.
    • 750 Le nombre de places ouvertes par l’Etat, réparties dans cinq centres d’accueil en Ile-de-France.
    • 150 M€ Le coût annuel pour l’Etat de la prise en charge des migrants en Ile-de-France.
    • 550 Les migrants qui arrivent chaque semaine dans la capitale.