Agnès Buzyn, la discrète omniprésente

La ministre de la Santé, qui porte plusieurs réformes phares de « l’acte II » du quinquennat, est sur tous les fronts, de la canicule à la PMA.

 Le nom d’Agnès Buzyn revient, en coulisses, pour Matignon, si Edouard Philippe était appelé vers d’autres cieux électoraux.
Le nom d’Agnès Buzyn revient, en coulisses, pour Matignon, si Edouard Philippe était appelé vers d’autres cieux électoraux. LP/Frédéric Dugit

    Dans les mois qui ont suivi sa nomination au gouvernement, elle faisait toujours le même cauchemar : « Quand n'importe quel accident se produisait en France avec des morts, je me sentais responsable. J'étais bouleversée », confie Agnès Buzyn, qui a arpenté trente ans les couloirs hospitaliers, à Necker notamment, spécialiste des leucémies et greffes de moelle, avant d'être bombardée ministre de la Santé à 54 ans.

    « J'ai mis longtemps à comprendre que je n'étais pas le médecin de 66 millions de Français! » La vie, elle en connaît le prix. C'est pour cela, plus que par crainte du ratage, qu'elle s'est tant mobilisée face à la canicule. « Je sais que des gens vont mourir bêtement, en allant faire du vélo en plein soleil par exemple. Il y a des morts que l'on peut éviter, des drames familiaux. »

    Grève des urgences, déremboursement de l'homéopathie, réforme des retraites et de la dépendance, procréation médicalement assistée, elle est sur tous les fronts. Un peu trop? Les jaloux en macronie, trompés par son style sage de grande bourgeoise, la jugent fragile et poussent pour que le Monsieur retraites Jean-Paul Delevoye soit promu pour l'épauler. Elle, tranquille, jamais un mot plus haut que l'autre, assure qu'elle gère très bien son agenda, merci!

    La fibre sociale et empathique du gouvernement

    « J'étais médecin en soins intensifs, le stress ne me fait pas peur, ça me stimule. Je suis toujours très calme dans les périodes de forte tension. J'avais une salle de 18 malades très lourds. Il m'est déjà arrivé de devoir en intuber trois en même temps un dimanche matin. » Elle concède : « Mon look me dessert, j'ai toujours l'air guindée ». Dans les moments de pression, elle dit souvent : « Personne n'est mort. » Elle a trop souvent eu à annoncer des diagnostics définitifs, ça lui a tanné le cuir. Son histoire familiale aide aussi puissamment à relativiser : son père fut rescapé d'Auschwitz.

    En coulisses, son nom revient pour Matignon, si Edouard Philippe était appelé vers d'autres cieux électoraux. Elle a, autour du président, de puissants soutiens qui veillent sur son destin et fait partie de ce petit club de ministres que Brigitte Macron affectionne. Son grand atout? A la tête du ministère des Solidarités – elle a porté le plan pauvreté, elle incarne la fibre sociale et empathique qui manque à « l'acte II » du quinquennat, après la crise des Gilets jaunes.

    François Hollande avait du reste failli la nommer ministre. Un brevet de gauche, s'il en est. Il s'y est refusé, à regret, de peur du conflit d'intérêts : son mari Yves Lévy dirigeait alors l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). « Il a du respect pour elle », témoigne un fidèle de l'ex-président.

    Au secours de Benjamin Griveaux à Paris ?

    Son point faible ? Jeune recrue en politique, elle n'a jamais été élue et n'a pas de troupes. « Elle n'a pas la capacité politique de diriger une large équipe », constate un macroniste, qui l'apprécie. Elle, fascinée par la vie de Winston Churchill, jure qu'elle ne s'en préoccupe pas. « Je suis une femme d'action, je veux cranter de vraies réformes. C'est toujours mon travail qui m'a conduite à des fonctions supérieures, je n'ai jamais rien demandé. »

    Agnès Buzyn se laisserait bien tenter, un jour, par l'aventure électorale. Fervente européenne, elle s'était vue proposer la tête de la liste Renaissance aux européennes. « La belle-fille de Simone Veil ( NDLR : elle a eu trois enfants avec l'avocat Pierre-François Veil, fils de l'ancienne ministre de la Santé ), ça aurait de la gueule! » se pâmait un proche du président. Elle a préféré poursuivre ses réformes. « On en a beaucoup discuté avec Nathalie Loiseau, on n'était pas du tout en compétition. Il m'a semblé qu'elle était plus utile que moi au Parlement européen. Je pensais que je n'avais pas du tout les compétences et que j'avais encore beaucoup de choses à faire au gouvernement », explique-t-elle.

    D'aucuns, en coulisses, phosphorent déjà sur un scénario où cette pure Parisienne, amoureuse de la Corse, se présenterait aux municipales dans la capitale. « Un plan B intelligent. Mais, comme dit Griveaux, est-ce qu'elle se ferait désosser? » ironise un habitué de l'Elysée, pas fan du tout du candidat investi par LREM. Elle s'en étonne : « Paris, c'est déjà réglé. » À moins que la médecine ne la rappelle. A chaque visite d'hôpital, elle retrouve, intacts, ses réflexes de soignante. Médecin un jour, médecin toujours.