Pochette d’album de Bowie, logo Renault : l’atelier du génie Victor Vasarely exceptionnellement ouvert au public à Annet-sur-Marne

L’artiste d’origine hongroise, dont tout le monde a vu au moins une fois sans sa vie une de ses oeuvres géométriques, avait fait construire un atelier loin du tintamarre de la capitale. Les locaux, qui ont été incendiés en 2005, sont ouverts gratuitement samedi et dimanche avec, en prime, une exposition.

Annet-sur-Marne, vendredi 8 juillet 2022. L'atelier du peintre Victor Vasarely est ouvert au public gratuitement tout le week-end. Il a été incendié en 2005. On peut y voir des oeuvres d'artistes inspirés par le maître, dont cette robe Paco Rabanne de la dernière collection en date. D'importants travaux de rénovation y seront bientôt réalisés. LP/Sébastien Roselé
Annet-sur-Marne, vendredi 8 juillet 2022. L'atelier du peintre Victor Vasarely est ouvert au public gratuitement tout le week-end. Il a été incendié en 2005. On peut y voir des oeuvres d'artistes inspirés par le maître, dont cette robe Paco Rabanne de la dernière collection en date. D'importants travaux de rénovation y seront bientôt réalisés. LP/Sébastien Roselé

    On a du mal à s’imaginer qu’ici, beaucoup de choses ont été pensées et créées. On a du mal à s’imaginer qu’ici, des artistes se sont bousculés, et non des moindres. David Bowie en personne est venu rencontrer le maître de céans. On a du mal à s’imaginer qu’ici, se trouvait un bâtiment blanc aux lignes pures dans le style du Bauhaus. Aujourd’hui la bâtisse en question est en triste état. Elle a été incendiée volontairement en 2005 par un groupe d’ados. Depuis, la végétation a envahi le terrain. Mais la bâtisse en question, même mangée par les flammes, même occultée par la verdure, est toujours là. C’est ici que l’immense artiste Victor Vasarely (1906-1997) avait posé ses chevalets et ses pinceaux depuis les années 1960. Son atelier* est ouvert au public tout le week-end et gratuitement avant une vaste opération de rénovation de lieux.

    « Il est hors de question de laisser ce lieu à l’abandon plus longtemps, lui qui est en déshérence depuis 2002 », explique Pierre Vasarely, petit-fils de l’artiste, qu’il a eu la chance de connaître. « L’équipe d’architectes BMR travaille depuis trois années sur la restauration complète du lieu. Ils ont fait une première proposition. » Il faudrait 4 millions d’euros pour tout restaurer. La fondation que le descendant de l’artiste dirige, déclarée au surplus d’utilité publique depuis 1971, recherche des mécènes publics et privés. Et aimerait que le bâtiment soit classé pour simplifier les choses.



    Peu après l’incendie, cinq mineurs en difficulté sociale demeurant dans un centre juste à côté de l’atelier avaient été interpellés. Au cours de l’incendie, quelques œuvres originales et des sérigraphies avaient été détruites. Le bâtiment, lui, tient toujours debout. « La structure est restée solide », se réjouit Pierre Vasarely. Mais il ne faudrait pas trop attendre.

    « Tout s’est passé ici entre 1966 et 1972 »

    À terme, le petit-fils du plasticien imagine dans ce lieu une résidence d’artistes mais aussi une salle d’exposition pour les créateurs qui se sont inspirés de Vasarely. Car ils sont nombreux, qu’ils le sachent ou non. On y reviendra.

    Annet-sur-Marne, vendredi 8 juillet 2022. Pierre Vasarely est le petit-fils de l'artiste et président de la Fondation Vasarely. LP/Sébastien Roselé
    Annet-sur-Marne, vendredi 8 juillet 2022. Pierre Vasarely est le petit-fils de l'artiste et président de la Fondation Vasarely. LP/Sébastien Roselé

    L’atelier d’Annet n’est pas un endroit anecdotique dans la vie du créateur hongrois. « Tout s’est passé ici entre 1966 et 1972. C’est ici qu’est née l’idée de la fondation. C’est ici qu’est née l’idée de la rénovation du château de Gordes (dans le Vaucluse, autre lieu très important dans la vie de Victor Vasarely) », énumère Pierre Vasarely. C’est dans son atelier seine-et-marnais que Vasarely rencontre à plusieurs reprises David Bowie dont il signera la pochette de l’album Space Oddity (1969).



    Même s’il était arrivé en France en 1930 depuis sa Hongrie natale, c’est en 1961 que l’artiste s’installe dans une maison à Annet. Puis fait construire sur un autre terrain en 1966 cet atelier. « C’était à l’époque loin de tout. Il n’y avait pas l’autoroute (l’autoroute A4 ne voit le jour qu’en 1976), pas l’aéroport de Roissy (il ouvre ses portes d’embarquement en 1974). C’était un choix délibéré de ce monstre de travail », analyse le petit-fils. Monstre de travail, en effet. Au cours de sa vie, il a produit 10 000 œuvres. Il voulait démocratiser le plus possible l’art. Mais un monstre qui voulait être au calme, même si le monde entier le réclamait.

    Père de l’art optique

    Dans cet atelier aux dimensions très respectables, à l’instar des maîtres de la Renaissance, Victor Vasarely s’est entouré d’une dizaine de collaborateurs qui l’aident dans son travail de création. « On l’a beaucoup critiqué à l’époque de recourir à ces assistants. Pourtant, cela lui a permis de dégager du temps pour réfléchir et travailler. »

    Dans cet atelier fantôme où l’on sent encore, bien des années après le sinistre, l’odeur de fumée, seront exposés dix-sept artistes au cours de ce week-end exceptionnel. Dix-sept créateurs choisis avec soin par Djeff, lui-même artiste et commissaire de l’exposition. Leurs œuvres dialogueront (selon la formule consacrée) avec les quelques pièces du maître exposées. « Certains plasticiens que j’ai choisis sont inspirés de Victor Vasarely et c’est assumé. D’autres ne le savent pas et c’est moi qui le leur ai dit. L’envie de Vasarely de démocratiser l’art a eu un impact. Son travail s’est diffusé. Et cette exposition le démontre. » On verra entre autres pièces une robe de Paco Rabanne dessinée par Julien Dossena pour la dernière collection en date.

    Père de l’art optique, Vasarely fut un artiste très renommé et réclamé dans les années 1960 et soixante-dix. C’est à lui que l’on doit le logo Renault en forme de losange avec quatre traits sur chaque côté. C’est à lui aussi que l’on doit la façade de RTL, avenue Bayard à Paris, démontée en 2017 depuis que la radio a déménagé. Il a eu une influence monumentale sur l’art et la culture pop. Mais sa cote ne reflète pas son importance.

    *Atelier de Victor Vasarely, 3B, rue du Général-de-Gaulle à Annet-sur-Marne. Ouvert de 10 h 30 à 17 h 30 ce samedi et ce dimanche.