Avec Elsa Triolet, les figures féministes de plus en plus timbrées

La Poste met à l’honneur à partir de ce week-end la résistante communiste et femme de lettres Elsa Triolet, avec un timbre à son effigie. Dans les choix des personnalités célébrées, la parité est désormais au coeur des réflexions à La Poste.

Un timbre à l’effigie de la résistante communiste, femme de lettres et première lauréate du prix Goncourt, Elsa Triolet, est édité par La Poste à 495 000 exemplaires.
Un timbre à l’effigie de la résistante communiste, femme de lettres et première lauréate du prix Goncourt, Elsa Triolet, est édité par La Poste à 495 000 exemplaires.

    C’est une forme de visibilité de l’empreinte des femmes dans l’Histoire, collée au coin d’une enveloppe. À partir de ce lundi, un timbre à l’effigie de la résistante communiste, femme de lettres et première lauréate du prix Goncourt, Elsa Triolet, sera disponible. Il le sera même en avant-première dès ce samedi à la Maison Aragon-Triolet située à Saint-Arnoult-en-Yvelines (Yvelines), où Elsa Triolet vécut ses dernières années. Edité à 495 000 exemplaires, il a été conçu par la graphiste Ségolène Carron à partir d’un célèbre cliché de la photographe Gisèle Freund. Si la parité est encore loin du côté des personnalités de l’Histoire mises à l’honneur, force est de constater qu’une véritable dynamique est en place.

    Elsa Triolet rejoint en effet Olympe de Gouges, autrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, l’égérie de la Commune Louise Michel, Simone Veil, qui a porté la loi dépénalisant l’avortement, ou encore la philosophe et féministe Simone de Beauvoir. « Aucun timbre-poste n’avait été réalisé sur Elsa Triolet, autrice majeure du XXe siècle, 1er prix Goncourt attribué à une femme, alors qu’un timbre est paru en 1991 sur Louis Aragon, son compagnon. La commission des programmes philatéliques a donné un avis favorable dès l’été 2019 à l’émission d’un timbre sur Elsa Triolet », précise-t-on à La Poste. La crise sanitaire a, en effet, repoussé l’initiative qui devait être lancée en 2020, lors du 50e anniversaire de sa disparition.

    Mais au fait, qui choisit les heureux élus? On ne le sait pas mais toute personne peut proposer un sujet de timbre. Il suffit d’adresser son idée à Phil@poste*, service de La Poste qui s’occupe de la philatélie, de la conception à la vente. Le thème doit avoir une importance au moins nationale, voire internationale, et le choix sera ensuite soumis à la Commission des programmes philatélique, un organe collégial consultatif d’une vingtaine de membres, avec à sa tête le président de La Poste, Philippe Wahl. Le programme philatélique annuel est ensuite fixé par arrêté du ministère de tutelle, en l’occurrence le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire.



    « La Commission des programmes philatéliques est attachée à défendre la parité dans le choix des émissions consacrées aux personnalités et figures de l’Histoire. Au cours des vingt dernières années, plus d’une centaine de femmes ont ainsi illustré les timbres du programme philatélique », nous rappelle d’ailleurs La Poste.

    Anticommunisme et misogynie convergent pour tenir l’écrivaine dans l’ombre

    Et au vu de son destin, la présence d’Elsa Triolet dans ce club de moins en moins fermé de grandes femmes honorées par La Poste ne fait souffre d’aucune contestation. Née dans la langue russe, la jeune architecte s’y fait romancière. Repérée par l’écrivain Maxime Gorki, elle poursuit ce chemin jusqu’à ce que l’amour d’un jeune surréaliste nommé Aragon la retienne en terre française. S’ouvrent le temps de la création romanesque en français et celui de la traduction, chemin constamment arpenté entre sa langue d’adoption et la langue maternelle. Femme de lettres, Elsa Triolet n’en est pas moins femme de combats. D’origine juive et russe dans la France occupée des années 1940, l’écrivaine s’engage pleinement dans la Résistance. La Libération lui apporte le prix Goncourt pour « Le premier accroc coûte deux cents francs ». Ce titre intriguant est l’un des messages énigmatiques émis par Radio Londres pour annoncer le débarquement en Provence.

    Mais la guerre froide ne tarde pas à l’éloigner des tribunes d’honneur. Anticommunisme et misogynie convergent pour tenir l’écrivaine dans l’ombre. Cela n’empêche pas Elsa Triolet d’initier la « Bataille du Livre » pour soutenir et développer la lecture populaire, d’encourager la jeune création poétique, et d’affronter tous les régimes d’oppression, stalinisme compris.

    *La demande peut être accompagnée d’un visuel et doit être envoyée à Phil@poste, 3/5 avenue Gallieni 94257 Gentilly Cedex, ou, par Internet, à [email protected]