Urgences saturées face à la grippe : «Des gens attendent plus de huit heures dans les couloirs»

Une épidémie de grippe particulièrement virulente sévit cet hiver en France. La faute notamment à un vaccin « moyennement efficace cette année ».

 Des patients jusque dans les couloirs, comme ici dans le service des urgences de l’hôpital d’Argenteuil (Val-d'Oise).
Des patients jusque dans les couloirs, comme ici dans le service des urgences de l’hôpital d’Argenteuil (Val-d'Oise). LP/Olivier Arandel

    Plus de 39°C de fièvre, douleurs musculaires, problèmes respiratoires… En raison notamment d'un vaccin « d'une efficacité moyenne » des dires de la ministre de la Santé, l'épidémie de grippe s'avère particulièrement violente cet hiver. Conséquence : de nombreux hôpitaux font face depuis plusieurs jours à une situation de surchauffe préoccupante. Selon le ministère, 18% des établissements disposant d'urgences se déclarent actuellement en « situation de tension », terme technique désignant un décalage entre le flux de patients et les moyens humains et matériels disponibles.

    « On a des gens qui attendent plus de huit heures dans les couloirs sur leurs brancards avant d'être pris en charge. D'autres sont depuis trois jours dans des box dans l'attente d'un lit dans un service, liste pour Le Parisien Michaël Casimir, responsable syndical Sud-Santé Sociaux à Libourne (Gironde). En principe, on n'est pas censé rester plus d'une journée aux urgences. Les équipes font le maximum pour qu'ils aient un minimum d'intimité et de confort mais ce n'est pas simple. Parfois, il n'y a même pas de fenêtres dans ces pièces ». Afin d'éviter toute contagion, le personnel doit en plus privilégier les chambres individuelles pour les malades.

    Santé Publique France, qui a recensé ce mercredi près de 1 800 décès attribuables à l'épidémie au mois de janvier, confirme une « contribution très importante de la grippe dans les hospitalisations ». Parmi les 14 000 patients qui se sont présentés aux urgences la semaine dernière, 2 171 ont été hospitalisés (contre moins de 2 000 la semaine précédente), selon le réseau Oscour. Ces hospitalisations concernent particulièrement les 75 ans ou plus (48 %) et les moins de 5 ans (13 %).

    La transition vers l'ambulatoire critiquée

    « Comme chaque année depuis un certain temps, c'est un peu la catastrophe aux urgences, poursuit Didier Machou, responsable CGT à Lyon-Sud (Rhône). Mais là, en plus, on n'arrive pas à trouver de lits supplémentaires dans les services d'aval ». La faute selon lui à un virage vers l'ambulatoire « mal maîtrisé ». La ministre Agnès Buzyn investit fortement sur cette méthode de séjours courts, afin notamment de réduire les coûts d'hospitalisation. « Sur le principe, on est pour. Sauf que cela a pour effet de diminuer le nombre de lits disponibles le soir et les week-ends, ce qui s'avère dommageable pour les pics d'activité comme celui-ci », poursuit le Lyonnais.

    Michaël Casimir, à Libourne, indique lui aussi que l'ouverture d'un nouvel hôpital tournée vers l'ambulatoire accentue les difficultés chroniques.

    Félix, interne en gériatrie à l'hôpital Sainte-Musse de Toulon (Var), déplore lui aussi un « jeu de chaises musicales incessant » depuis deux semaines. « On est contraint de placer des gens dans des services qui n'ont rien à voir avec la grippe, comme la chirurgie ou l'oncologie, mais où ils seront un minimum médicalisés […] Un chef de mes chefs m'a dit qu'il n'avait jamais vu ça ». Même constat à l'hôpital Cochin (14e arrondissement). « Nos services d'aval comme la pneumologie, où on doit transférer nos patients, sont assez congestionnés. Donc nous aussi », abonde Pierre, interne en réanimation dans la capitale.

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