Coupe du monde : «Aucun des Bleus ne se demande s’il est bien Français»

Historien spécialiste de l’immigration, Yvan Gastaut analyse les commentaires sur les origines ethniques des champions du monde.

 Antoine Griezmann, Paul Pogba et Kylian Mbappé avant le coup d’envoi de la finale contre la Croatie dimanche.
Antoine Griezmann, Paul Pogba et Kylian Mbappé avant le coup d’envoi de la finale contre la Croatie dimanche. LP/Arnaud Journois

    En 1998, les débats sur les champions du monde « black-blanc-beur » avaient pullulé après le premier sacre des Bleus. Vingt ans plus tard, rares sont ceux en France à pointer du doigt l'origine des 23 tricolores sacrés dimanche en Russie.

    Mais à l'étranger, la donne est différente. D'un côté, des discours ouvertement racistes d'observateurs ou d'internautes qui s'en prennent aux « Africains », comprendre les Bleus, vainqueurs du Mondial. De l'autre, des propos saluant le rôle de l'immigration, comme ceux de Barack Obama - « Ils ne ressemblent pas à des Gaulois, mais ils sont Français » - ou du président vénézuélien Nicolas Maduro. Un décalage expliqué par l'historien spécialiste de l'immigration Yvan Gastaut, enseignant à l'université de Nice.

    Daily Show : «L'Afrique a gagné la Coupe du monde 2018»

    Pourquoi le débat sur l'origine des Bleus se fait peu entendre en France et bien plus à l'étranger ?

    Cela correspond à un écart entre deux visions de la France : une vue de l'intérieur et une vue de l'extérieur. Dans le pays, le discours actuel est très rassembleur, avec la « fraternité » qui revient comme mot d'ordre. A l'étranger, on a des points de vue opposés idéologiquement mais qui se retrouvent sur l'idée que la France n'est plus la France qu'ils connaissaient.

    Pourquoi le débat sur la France « black-blanc-beur » ne revient pas cette fois ?

    Parce qu'on l'a dépassé en 1998. Quand les Bleus gagnent la Coupe du monde à domicile, ils permettent à la France de prendre conscience de son rapport à l'immigration, à l'intégration et au racisme. Aujourd'hui, on sent davantage que l'on est dans la recherche de ce qui peut unir la société française. Et là en l'occurrence, c'est l'équipe de football qui permet le rassemblement et la fête.

    La classe politique a très peu développé ce thème également…

    Il y a un risque politique évident de surfer sur ce thème. C'est pour cela qu'Emmanuel Macron a lui aussi insisté sur les notions de collectif et de mise en avant de l'unité de ce groupe.

    Paul Pogba a parlé d'une « France qui n'a pas qu'une couleur ». En quoi est-ce différent de 1998?

    Avant tout, n'oublions pas que les joueurs n'ont pas la volonté première de revendiquer quelque chose. Ensuite, les mentalités sont différentes d'il y a 20 ans. A l'époque, certains éléments de l'équipe voyaient dans la notion de France « black-blanc-beur » une manière de montrer leur intégration. Aujourd'hui, aucun des Bleus ne se demande s'il est bien Français. C'est quelque chose d'acquis et de naturel.