Mondial : Lukaku, enfant miséreux, joueur mal-aimé et arme fatale des Belges

Le buteur des Diables Rouges et de Manchester United, souvent très critiqué dans son pays, qui affronte la Tunisie ce samedi (14 heures), a raconté son histoire bouleversante dans une tribune.

 Romelu Lukaku, en train de prier après son doublé contre le Panama (3-0), le 18 juin dernier.
Romelu Lukaku, en train de prier après son doublé contre le Panama (3-0), le 18 juin dernier. AFP/Adrian Dennis

    Un tank. A l'entraînement de l'équipe de Belgique, à Dedovsk, dans la grande banlieue de Moscou, la silhouette musculeuse de Romelu Lukaku, 25 ans, 1,91 m, 94 kg, détonne dans le groupe des Diables Rouges. En fait, l'attaquant qui a marqué un doublé lors du premier match contre le Panama, n'a jamais été dans les standards.

    Dans une lettre bouleversante qu'il signe sur le site « The Players Tribune », cette semaine, l'homme aux 27 buts en 51 matchs pour sa première saison à Manchester United a tout raconté : le lait coupé à l'eau que lui servait sa mère pour faire des économies, l'eau chauffée sur la gazinière pour se laver, les suspicions sur son âge, à 11 ans, lui, le garçon noir né à Anvers. Et surtout la motivation, incroyable dès l'âge de six ans, de s'extirper à ce cruel destin par le football.

    « Il n'a pas fait cette lettre pour attirer la sympathie, prévient Ariël Jacobs, son entraîneur à Anderlecht, dont il est resté proche. Pour moi, c'est nouveau aussi. Je savais qu'il avait eu pas mal de problèmes, mais on n'en avait pas trop parlé ensemble. Il m'a dit que l'occasion de l'évoquer s'était présentée comme ça. C'est le cri de quelqu'un qui a ressenti le besoin d'évoquer son chemin. Je ne suis pas sûr qu'il s'attendait à autant d'interprétations, même positives. Peut-être même qu'il le regrette, même s'il a été très sincère et personnel. »

    Si on peut comparer son enfance à celle de Zlatan Ibrahimovic, par exemple, Romelu Lukaku n'a jamais versé dans la revanche sociale. « Souvent, quand les jeunes intègrent le groupe pro, ils se croient arrivés, raconte Ariël Jacobs. Avec lui, l'osmose s'est créée sans le moindre problème. Il était loin des coupes de cheveux excentriques, des tatouages et des gestes déplacés. »

    « Si vous n'étiez pas là quand je n'avais rien, vous ne pouvez pas me comprendre »

    Un tel parcours doit blinder la cuirasse, aurait-on tendance à penser. « On ne choisit pas la vie qu'on a, mais elle te forge une détermination, salue son coéquipier belge Thomas Meunier, défenseur du PSG. Le fait d'avoir eu un passé difficile lui donne une maturité et un mental que d'autres n'auront jamais à 40 ou à 50 ans. » Pourtant, son ancien entraîneur corrige : « Non, c'est un être humain et comme tout le monde, il est touché par la critique. Mais il considère depuis ses 16 ans que tout se règle sur le terrain. »

    Car il reste un malentendu. Même s'il a marqué 38 buts en 70 sélections, même s'il reste sur cinq buts en trois matchs, la Belgique continue de chipoter sur ses contrôles un peu longs et ses manières d'éléphant dans un magasin de porcelaine. « Avec tous les buts qu'il marque, on pourrait le soutenir un peu plus », réclame le Monégasque Youri Tielemans.

    Lukaku, qui se régale à parler de deuxième division allemande avec Thierry Henry, l'entraîneur des attaquants belges, a de quoi prendre du recul, comme il le glisse dans ses écrits : « Je ne sais pas pourquoi certains dans mon propre pays veulent me voir échouer. Je les entendais rire quand je ne jouais pas à Chelsea et quand j'ai été prêté à West Brom. Mais ces personnes n'étaient pas là quand nous versions de l'eau sur nos céréales. Si vous n'étiez pas avec moi quand je n'avais rien, alors vous ne pouviez pas vraiment me comprendre. »