Football : 17 ans de prison ferme contre trois propriétaires de sites de streaming illégaux

La Premier League de football a obtenu la condamnation à de la prison ferme de propriétaires de sites de streaming illégaux de rencontres sportives. Une des peines les plus lourdes jamais données.

 ILLUSTRATION. Trois personnes ont été condamnées à de la prison ferme par la justice anglaise pour avoir diffusé illégalement des rencontres de la Premier League.
ILLUSTRATION. Trois personnes ont été condamnées à de la prison ferme par la justice anglaise pour avoir diffusé illégalement des rencontres de la Premier League. ADRIAN DENNIS/AFP

    Le marteau est tombé et il a rarement cogné aussi fort. Les dirigeants de différents sites de streaming illégaux britanniques ont été condamnés mercredi à une durée totale de 17 ans de prison ferme, l'une des peines les plus longues jamais prononcées pour des crimes liés au piratage sur Internet selon la FACT (The Federation Against Copyright Theft), l'équivalent britannique de l'ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) en France.

    Steven King, le principal organisateur du système de fraude, a écopé de sept ans et quatre mois de prison ferme. Paul Rolston a été condamné à une peine de six ans et quatre mois, et Daniel Malone à une peine de trois ans et trois mois, à l'issue d'un procès-fleuve qui aura duré quatre semaines.

    Le trio avait fourni un accès illégal aux rencontres de la Premier League anglaise à plus de 1 000 pubs, clubs ou encore foyers en Angleterre et au Pays de Galles. Ils opéraient via des sites web comme dreamboxtv.co.uk et yourfootie.com. Leur système assez raffiné utilisait des techniques de blocage de logo ou encore des filigranes dans le but de passer au travers des enquêtes.

    « La gravité et l'ampleur des crimes »

    « Cette décision a fourni une preuve supplémentaire que la loi rattrapera les entreprises et les particuliers qui fraudent les titulaires de droits et violent le droit d'auteur. Les peines privatives de liberté prononcées ici reflètent la gravité et l'ampleur des crimes » a réagi Kevin Plumb, directeur des services juridiques de la Premier League.

    « L'investissement de la Premier League dans une technologie de pointe, combiné à des actions de lutte contre le piratage de grande envergure et la poursuite de l'injonction de blocage historique, signifie qu'il n'a jamais été aussi difficile pour le piratage du football d'opérer au Royaume-Uni » a enchaîné le juriste, tout à sa joie après ce qui s'apparente à une victoire tonitruante pour la ligue de football anglaise.

    Mais cette victoire, est peut-être une victoire à la Pyrrhus, tant il apparaît difficile de combattre un phénomène qui s'est mondialisé ces dernières années. « Nous avons affaire à une criminalité en col blanc qui arrive à monter des affaires très lucratives », expliquait au Parisien Europol, l'agence européenne qui coordonne les actions des polices du continent, en octobre dernier. Les arrestations en Irlande comme en Bulgarie ou en Grèce se multiplient, les sanctions tombent et pourtant le piratage audiovisuel ne s'est jamais aussi bien porté.

    Le mauvais exemple de l'industrie musicale ?

    « La lourdeur de la sentence est impressionnante. Cette décision est dans la droite de ligne des modes de défense de l'industrie du sport depuis le début. Elle est proche de la stratégie de l'industrie de la musique dans les années 2000 : le tout répression. Dans le communiqué de M. Plumb, il y a une menace sous-jacente faîte à l'utilisateur. Et on a vu ce que ça a donné pour la musique… » s'inquiète Pierre Maesn auteur de « Le business des droits TV du foot », aux Editions FYP.

    « Si la peur du gendarme devait changer quelque chose, elle aurait déjà changé quelque chose aux pratiques enchaîne le spécialiste des droits télés ». « Les habitudes de pirater le contenu sportif sont très répandues notamment chez les mâles technophiles des jeunes générations. Combien de jeunes paient pour regarder des retransmissions sportives ? Le chiffre est quasi nul » précise l'auteur.

    En effet, les pirates ont toujours un coup d'avance. Actuellement se développent d'autres formes de piratage comme les boxes IPTV, qui permettent de recevoir pour une somme modique près de 3000 chaînes dans le monde entier, ou encore des applications comme Kodi, qui vous permettent de regarder des « streams » avec plus de confort sur votre téléviseur !

    « La France ne peut plus être le dernier de la classe sur ce plan-là »

    Du côté de l'Association de protection des programmes sportifs (APPS), on se réjouit à l'inverse de cette décision. « C'est une prise de conscience globale des autorités judiciaires qui considèrent enfin que le piratage est quelque chose d'extrêmement dommageable pour les diffuseurs mais aussi pour l'écosystème du sport » commente Caroline Guenneteau, la directrice juridique de BeIN Sports France, également membre fondatrice de l'APPS.

    Les sanctions judiciaires ne sont qu'une partie de l'arsenal anti-piratage pour la cadre de la chaîne sportive à péage. « On est convaincu que le blocage et le déréférencement des sites sont vraiment l'outil le plus efficace. Le Royaume-Uni et le Portugal le pratiquent quasi en temps réel, c'est extrêmement efficace. Il faut donc adapter l'arsenal juridique français », analyse la juriste. « Il y a une nouvelle loi audiovisuelle en cours de discussion, c'est le moment de se doter d'un dispositif pour lutter contre le piratage. La France ne peut plus être le dernier de la classe sur ce plan-là » interpelle Caroline Guenneteau.

    Pour mémoire, selon une étude commandée par BeIN Sports, 3,5 millions d'internautes français piratent les compétitions de football, dont la moitié de manière hebdomadaire.